Auteurs(trice)
Associée, Énergie et construction, Calgary
Associé, Droit des sociétés, Calgary
Associée, Fiscalité, Calgary
Associé directeur du bureau de Calgary, Calgary
Sociétaire, Droit des sociétés, Calgary
Sociétaire, Droit des sociétés, Calgary
Sociétaire, Fiscalité, Calgary
Key Takeaways
- Le protocole marque un virage qui dénote une volonté de favoriser les investissements dans les infrastructures énergétiques canadiennes, dans une optique de collaboration et de compétitivité.
- Il prévoit l’autorisation d’un projet d’oléoduc donnant accès aux marchés asiatiques, conditionnelle à la construction et au bon fonctionnement de grandes installations de captage et de stockage du carbone.
- Il vise l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 et mise sur la simplification des processus réglementaires pour attirer des investisseurs.
Le fédéral et l’Alberta ont envoyé un message sans équivoque : les tensions politiques et réglementaires entre ces deux gouvernements, qui ont longtemps freiné les investissements dans les grands projets d’infrastructures énergétiques au Canada, pourraient enfin disparaître. Le 27 novembre 2025, les premiers ministres de l’Alberta et du Canada, Danielle Smith et Mark Carney, ont annoncé la signature du Protocole d’accord entre le Canada et l’Alberta (le protocole), qui vise à améliorer la collaboration dans le secteur de l’énergie et à bâtir une économie plus forte, plus durable et plus concurrentielle[1].
Ce protocole prévoit, entre autres initiatives stratégiques, l’autorisation d’un projet d’oléoduc donnant accès aux marchés asiatiques (l’oléoduc projeté). La construction de l’oléoduc projeté est cependant conditionnelle à l’exploitation commerciale du plus grand projet au monde de captage et de stockage du carbone (CSC), piloté par l’Alliance Nouvelles voies (qui réunit cinq des plus importantes entreprises d’exploitation des sables bitumineux au Canada) (le projet Nouvelles voies).
Selon nous, le protocole marque une entente historique entre les deux gouvernements signataires, s’attaque à plusieurs problèmes que dénonce publiquement l’industrie et devrait grandement aider le secteur de l’énergie canadien à attirer des sources de capitaux.
Oléoduc projeté et projet Nouvelles voies : des projets d’importance mondiale
La construction de l’oléoduc projeté est conditionnelle à la poursuite du projet Nouvelles voies, ce qui dénote une volonté de trouver un équilibre entre les impératifs de sécurité et de diversification du secteur de l’énergie et les engagements climatiques ambitieux du Canada. Ce sont deux projets de grande envergure. Le projet Nouvelles voies devrait réduire considérablement les émissions nettes de dioxyde de carbone (CO2). On prévoit une baisse d’environ 13,9 Mt de CO2 d’ici 2030, puis des réductions annuelles de 62 Mt de CO2 d’ici 2050[2]. (À ce jour, on dénombre seulement quatre grands projets de CSC en exploitation dans le monde[3].) L’oléoduc projeté transporterait plus d’un million de barils par jour vers un terminal situé sur la côte ouest du Canada. La seule autre infrastructure canadienne comparable est le réseau de Trans Mountain, agrandi récemment, qui offre une capacité d’exportation de 890 000 barils par jour[4].
La capacité totale des pipelines de l’Ouest canadien pour l’exportation de pétrole brut s’élevait en juin 2025 à environ 5,2 millions de barils par jour (avec un débit réel d’environ 4,6 millions de barils par jour[5]). En 2024, le Canada a produit environ 6 millions de barils de pétrole par jour[6]. Chaque projet dans l’Ouest canadien, par rapport à ceux d’autres régions et d’autres pays, recèle donc un fort potentiel de production de pétrole brut peu polluant et de diversification des débouchés commerciaux.
Attirer des investisseurs au Canada : modalités du protocole
Le « grand compromis » que représente le protocole vise à catalyser des investissements financiers et stratégiques, canadiens comme étrangers, dans les hydrocarbures, les énergies renouvelables, l’intelligence artificielle (IA) et l’électricité, tout en répondant aux attentes du public et des investisseurs en matière d’environnement et de gouvernance sociale (facteurs ESG). En voici les grandes lignes.
Secteur pétrolier et gazier
Le Canada va suspendre immédiatement l’application du Règlement sur l’électricité propre (REP) en Alberta en attente d’un nouvel accord sur la tarification du carbone. Après la conclusion de cet accord et la prise de diverses autres mesures, le Canada mettra le REP en Alberta en sursis. Ce règlement entravait les projets de centrales électriques au gaz naturel dans la province.
Le Canada ne mettra pas en place le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier.
Le Canada, en collaboration avec l’Alberta et la Colombie-Britannique, travaillera à la réalisation de l’oléoduc projeté. Ce projet pourra être soumis à un examen du Bureau des grands projets visant à déterminer s’il peut être désigné au titre de la Loi visant à bâtir le Canada (l’obtention d’approbations fédérales simplifiées réduirait considérablement les risques).
Le Canada pourrait modifier la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, qui limite actuellement le recours aux pétroliers commerciaux sur la côte nord-ouest, afin que l’oléoduc projeté puisse desservir les marchés asiatiques.
Conformément au budget de 2025, le Canada s’engage à modifier la Loi sur la concurrence pour éliminer certaines dispositions sur l’écoblanchiment.
Énergies renouvelables, CSC et tarification du carbone
L’Alberta s’engage à assurer la compétitivité et la pérennité de son programme TIER (Technology Innovation and Emissions Reduction), notamment en portant le prix du carbone à 130 $/tonne pour les émetteurs industriels. Le programme TIER s’accompagnera de mécanismes financiers (p. ex. des contrats sur différence obligatoires avec les acquéreurs [accords d’enlèvement]) qui réduiront les risques associés à la tarification du carbone et profiteront aux promoteurs de projets peu polluants et aux investisseurs du secteur des énergies renouvelables qui souhaitent intégrer la tarification du carbone à leurs montages financiers.
Le Canada élargira les crédits d’impôt à l’investissement, qui pourront s’appliquer aux dépenses en immobilisations des projets de transition énergétique. Il a déjà proposé, dans le budget de 2025, de rendre admissibles à ces crédits les contributions du Fonds de croissance du Canada (un fonds stratégique de 15 milliards de dollars consacré à la transition énergétique).
Le Canada s’engage aussi à étendre le crédit d’impôt à l’investissement dans le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CII dans le CUSC) aux projets de récupération assistée du pétrole (RAP). Cet élargissement majeur tranche avec les politiques antérieures (la RAP était exclue de ce crédit depuis sa création, en 2021) et les crédits d’impôt pour le CUSC offerts aux États-Unis.
IA
L’Alberta s’engage à produire des milliers de mégawatts de puissance de traitement par l’IA, dont une grande partie sera consacrée au nuage souverain pour le Canada et ses alliés. D’ici le 1er juillet 2026, l’Alberta devra mettre en œuvre une politique-cadre visant à favoriser les investissements majeurs dans l’IA.
Production d’électricité
Comme on l’a vu, le protocole pourrait suspendre l’application du REP en Alberta et permettre la construction de nouvelles centrales au gaz naturel après 2035. Les sources de production d’électricité de l’Alberta s’en trouveraient diversifiées, la province serait mieux placée pour répondre aux risques futurs liés à la fiabilité du réseau et aux prix, et les centres de données dont rêvent l’Alberta et le Canada seraient alimentés par une nouvelle source d’énergie non intermittente.
Le protocole prévoit la construction d’un vaste réseau d’interconnexions de distribution avec la Colombie-Britannique et la Saskatchewan afin de fournir une énergie à faible teneur en carbone aux industries du pétrole, du GNL, des minéraux critiques, de l’agriculture, des centres de données et du CSC dans l’Ouest canadien.
Pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, en plus d’allier CSC et production de gaz naturel, le Canada et l’Alberta élaboreront ensemble une stratégie de production d’énergie nucléaire afin de profiter d’une autre source d’énergie sans émissions.
Facteurs ESG
L’Alberta s’engage à atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
En tant que promoteur de l’oléoduc projeté, l’Alberta devra offrir la possibilité d’une copropriété autochtone et d’autres formes d’avantages économiques. La Corporation des opportunités autochtones de l’Alberta pourrait contribuer à soutenir les investissements dans l’oléoduc projeté.
Dans tous les secteurs, le Canada et l’Alberta coopéreront pour simplifier les processus réglementaires afin que les projets soient approuvés dans un délai de deux ans, voire moins si possible. Les parties s’engagent également à collaborer au développement des chaînes d’approvisionnement nationales du captage du carbone et de la production de tuyaux, en soutien aux initiatives prévues dans le protocole.
Un grand pas vers la réduction des risques politiques et réglementaires
Bien qu’il reste une foule de détails à régler, le protocole favorisera énormément la prévisibilité réglementaire et la réduction des risques associés aux investissements dans les grands projets énergétiques au Canada. Il dénote une volonté d’accroître la sécurité énergétique mondiale et de redynamiser la croissance de l’économie canadienne. Concrètement, il vise l’établissement d’un cadre grâce auquel les gouvernements et le secteur privé collaboreront pour concilier la réalisation de grands projets nécessaires à la sécurité énergétique du pays et les impératifs de réduction des émissions.
Prochaines étapes
Le protocole fixe plusieurs cibles et échéances en vue de l’atteinte des objectifs énoncés.
- D’ici le 1er avril 2026 :
- L’Alberta et le Canada concluront des accords d’équivalence sur la tarification du carbone et sur le méthane.
- Les membres de l’Alliance Nouvelles voies, l’Alberta et le Canada signeront un protocole d’accord trilatéral.
- Le Canada et l’Alberta concluront un accord de coopération sur les évaluations d’impact afin de fixer le cadre réglementaire.
- D’ici le 1er juillet 2026 :
- Le processus par lequel l’Alberta pourra présenter sa demande relative à l’oléoduc au Bureau des grands projets sera établi.
- Une politique-cadre sur l’IA sera produite.
- D’ici le 1er janvier 2027 :
- L’Alberta annoncera sa stratégie de production d’énergie nucléaire.
Notre expertise dans le secteur de l’énergie
L’équipe d’Osler a participé à certains des projets de pipelines les plus importants du pays, notamment le projet d’agrandissement du pipeline Trans Mountain, des projets d’agrandissement de plusieurs centaines de kilomètres pour de grandes entreprises du secteur intermédiaire, le pipeline Coastal GasLink (y compris les placements privés), le récent projet Taylor-Gordondale proposé par une filiale de Pembina Pipeline Corporation et bien d’autres encore.
Au fil de projets variés – énergies classiques, énergies renouvelables, transition énergétique –, nous avons acquis une expertise de premier plan dans la structuration de coentreprises complexes, la réalisation de fusions et d’acquisitions stratégiques, la mise en œuvre de procédures réglementaires de haut niveau et le développement et le financement de grands projets d’infrastructure. Osler a participé récemment à certaines des plus grandes opérations et ententes du secteur de l’énergie canadien. Nous avons notamment représenté Chevron Canada Limited relativement à la vente de ses participations dans des projets de sables bitumineux et de gaz de schiste à Canadian Natural Resources Limited pour 6,5 milliards de dollars US; M3-Brigade Acquisition III Corp. et Brigade Capital relativement à la vente de leurs participations dans l’entreprise Greenfire Resources à Waterous Energy; le Fonds de croissance du Canada relativement à son partenariat stratégique avec Gibson Energy et Varme Energy; et Cedar LNG relativement au Cedar LNG Project, une initiative phare de 3,4 milliards de dollars US. Par ailleurs, nous agissons comme conseillers dans le cadre des plus importants projets réalisés dans le secteur du nucléaire au Canada, y compris la remise à neuf d’installations nucléaires (du côté tant des propriétaires que des entrepreneurs), le financement de projets nucléaires par les pouvoirs publics et le développement de grands projets de gestion permanente des déchets nucléaires, ainsi que des projets de recherche et développement et de laboratoires. L’équipe de premier plan d’Osler dans les domaines de l’électricité et des services publics a récemment représenté Nova Scotia Power relativement à la construction de la ligne de transport Wasoqonatl de 345 kV, qui reliera la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.
Osler est largement reconnu comme ayant les meilleurs groupes de pratique du Canada en ce qui a trait aux industries névralgiques pour l’IA. Nous travaillons autant avec de grandes entreprises technologiques qu’avec des sociétés émergentes et à forte croissance, et nous connaissons très bien les enjeux associés aux données, aux centres de données et à la propriété intellectuelle.
Enfin, l’équipe d’Osler a une vaste expérience en Asie, où de nouveaux liens commerciaux et gouvernementaux pourraient être tissés dans le cadre de la chaîne d’exportation de l’oléoduc projeté. Non seulement nous possédons une expertise reconnue en matière de fusions et acquisitions et d’investissements étrangers, nous avons souvent conseillé des entreprises asiatiques.
[1] Protocole d’accord entre le Canada et l’Alberta visant à améliorer la collaboration dans le secteur de l’énergie et à bâtir une économie plus forte, plus durable et plus concurrentielle.
[2] Oil Sands CCUS: Pathways Alliance, Ressources naturelles Canada. D’ici 2030, la capacité de captage du projet devrait atteindre 4,2 Mt de CO2 par année.
[3] Captage et stockage du carbone (CSC), Alliance Nouvelles voies. Les autres grands projets de CSC sont les suivants : Quest, en Alberta (en exploitation depuis 2015); Northern Lights, en Norvège (achevé en 2025); Porthos, aux Pays-Bas (prévu pour 2026); et le Northern Endurance Partnership (NEP), au Royaume-Uni (prévu pour 2028).
[4] Aperçu du marché : Le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain atténue les contraintes pipelinières et accroît les exportations vers les marchés d’outremer, Régie de l’énergie du Canada.
[5] Aperçu du marché : Le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain atténue les contraintes pipelinières et accroît les exportations vers les marchés d’outremer, Régie de l’énergie du Canada. Les principaux pipelines canadiens sont les suivants : Trans Mountain, Keystone, le réseau principal d’Enbridge et, dans une moindre mesure, Express, Aurora et Milk River.
[6] Oil and Natural Gas in Canada | Association canadienne des producteurs pétroliers. En 2024, au Canada, la production de pétrole issu des sables bitumineux s’élevait à 3,5 millions de barils par jour (Mb/j) et représentait environ 58 % de la production totale. Le reste se ventilait comme suit : pétrole classique (non issu des sables bitumineux) : 1,5 Mb/j, soit environ 17 % du total; pétrole extracôtier : 0,2 Mb/j, soit environ 4 % du total; liquides de gaz naturel (LGN) : 0,7 Mb/j, soit environ 12 % du total; condensats et pentanes : 0,6 Mb/j, soit environ 9 % du total.