Auteurs(trice)
Associée, Droit de la concurrence et investissement étranger, Toronto
Associée, chef du groupe de pratique du droit de la concurrence et de l’investissement étranger, Toronto
Associée, Droit de la concurrence et de l'investissement étranger, Calgary
Le changement a été le thème dominant du droit de la concurrence au Canada au cours des 18 derniers mois, une tendance qui devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2025. Par suite de la révision phare de la Loi sur la concurrence par le gouvernement fédéral, d’importantes modifications législatives ont déjà élargi le champ des agissements pouvant donner lieu à des sanctions ou recours. Ces modifications ont ouvert la porte à davantage de contrôle de l’application de la loi par recours privés. D’autres modifications d’envergure se profilent à l’horizon.
Ces réformes, ainsi que les initiatives de renforcement des capacités du Bureau de la concurrence résultant d’une augmentation substantielle de son budget, donneront certainement plus de pouvoir au commissaire de la concurrence (le commissaire) et renforceront l’application du droit de la concurrence au Canada. Des conseils d’experts en temps opportun concernant la portée et les conséquences des nouvelles mesures, adoptées et à venir, aideront les entreprises à se préparer et à s’adapter à ce nouveau monde.
D’autres modifications importantes ont déjà été proposées
Depuis juin 2022, un grand nombre des modifications apportées à la Loi sur la concurrence ont été mises en œuvre. Avec cette première vague de modifications, le ministre d’Innovation, Sciences et Développement économique (ISDE) entendait « jeter les bases » avant de s’engager dans de plus vastes réformes. Cette vague de modifications et celles qui suivront ont pour but de garantir que la Loi sur la concurrence est « adaptée aux besoins d’aujourd’hui ».
Les mesures déjà mises en œuvre comprennent des augmentations substantielles des amendes pénales et des sanctions administratives pécuniaires civiles. Les accords de fixation des salaires ainsi que les accords de non-débauchage entre employeurs non affiliés ont été criminalisés. Les modifications ont également instauré des recours privés pour abus de position dominante et élargi les types d’agissement auxquels s’applique la disposition relative aux abus de position dominante. Notre bulletin d’actualités Osler décrit ces modifications plus en détail.
D’autres modifications importantes sont attendues d’ici la fin de l’année
En septembre 2023, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C‑56, dans lequel il a proposé d’apporter trois discrètes mais néanmoins importantes modifications à la Loi sur la concurrence. La première donne au commissaire un pouvoir d’enquête formel sur le marché lui permettant d’exiger des dépositions orales et la production de données ou documents commerciaux sous serment. La seconde concerne l’élargissement de la portée de la disposition relative aux ententes civiles pour s’appliquer à certaines ententes contenant des restrictions à la concurrence entre entreprises non concurrentes. La dernière, mais non des moindres, concerne l’abrogation de la défense fondée sur les gains en efficience pour les fusions, qui est une caractéristique unique et controversée de la législation canadienne sur les fusions. Le projet de loi C‑56 avance dans le processus législatif en même temps que le projet de loi d’exécution du budget. Pour plus de détails sur le projet de loi C‑56, veuillez vous référer à notre bulletin d’actualités Osler. D’autres modifications du projet de loi C‑56 sont en cours de discussion, notamment une modification du critère permettant d’établir l’existence d’un abus de position dominante.
La loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023 (le projet de loi d’exécution du budget), présenté au Parlement le 28 novembre 2023, propose d’apporter d’importantes modifications à la Loi sur la concurrence, qui, si elles sont mises en œuvre, auront des incidences considérables sur les entreprises. Les modifications entraîneront, entre autres, un renforcement des mesures d’application de la loi par le commissaire et par les parties privées, ainsi qu’à une exposition accrue des acteurs du marché à des pénalités et des dommages-intérêts supplémentaires importants.
Le projet de loi d’exécution du budget propose un certain nombre de modifications essentielles à la législation existante, y compris l’établissement d’actions privées (avec autorisation), et une forme de dommages-intérêts pour les collaborations civiles entre concurrents. En outre, le projet de loi prévoit une forme de dommages-intérêts en cas de violation des autres dispositions de la Loi sur la concurrence relatives aux pratiques commerciales susceptibles d’examen au civil, y compris celles relatives au refus de vendre, à l’exclusivité, aux ventes liées, au maintien des prix et à l’abus de position dominante. Les modifications comprennent également un élargissement des seuils d’autorisation et une nouvelle disposition qui traite explicitement de l’écoblanchiment en tant que pratique commerciale trompeuse. La charge de la preuve pour démontrer qu’une fusion dépasse le seuil anticoncurrentiel sera également modifiée et le délai dans lequel le commissaire peut contester une transaction non notifiée sera prolongé. Pour plus de détails, veuillez consulter notre bulletin d’actualités Osler.
Les modifications proposées, qui s’ajoutent aux modifications déjà mises en œuvre comme nous les avons décrites plus haut, vont vraiment avoir des répercussions importantes sur le droit canadien de la concurrence et emporteront des conséquences notables pour les entreprises qui font affaire au Canada. Au moment de la publication du présent bulletin, le projet de loi d’exécution du budget avait été déposé au Parlement, le projet de loi C‑56 avait fait l’objet d’une deuxième lecture à la Chambre des communes et était étudié par le Comité permanent des finances.
Rapports sur l’ordre du jour du Parlement
Le rapport Ce que nous avons entendu d’ISDE a été présenté presque en même temps que le projet de loi C‑56. Ce rapport résume les nombreuses contributions qu’ISDE a reçues dans le cadre de sa vaste consultation sur L’avenir de la politique de la concurrence au Canada [PDF] lancée en 2022. Il donne à penser que presque tous les sujets sont mis sur le tapis dans le cadre de l’éventuelle réforme.
En outre, la publication par le Bureau de la concurrence le 19 octobre 2023 de ses conclusions dans un rapport intitulé « La concurrence au Canada de 2000 à 2020 : Une économie à la croisée des chemins » a accru la pression exercée sur le Parlement pour qu’il avance rapidement dans son examen du programme de réformes.Ce rapport présente les résultats d’une étude approfondie de la concurrence dans l’ensemble de l’économie canadienne sur une période de 20 ans. L’analyse du Bureau a révélé que l’intensité concurrentielle du Canada a considérablement diminué au fil des ans. Plus précisément, le Bureau a constaté que le taux de concentration avait augmenté dans les industries les plus concentrées et qu’il y avait davantage d’industries fortement concentrées. Par ailleurs, selon le rapport, dans certains secteurs, les grandes entreprises font de moins en moins face à de la concurrence de la part de leurs plus petits concurrents. Le Bureau observe que, d’une manière générale, moins d’entreprises sont entrées dans les industries, ce qui suggère que de nombreux secteurs sont devenus moins dynamiques. Enfin, il note que les profits et les marges ont augmenté en général et que ces augmentations ont été en général plus élevées pour les entreprises qui réalisaient déjà des marges et des profits élevés.
Des réformes sont également en cours à l’étranger
Il est important de noter que le réexamen par le Canada de son approche du droit et de la politique de la concurrence ne se produit pas en vase clos. Il s’inscrit dans des tendances observées à l’international.
Aux États-Unis, par exemple, l’administration du président Biden déploie des [traduction libre] « efforts pangouvernementaux pour promouvoir la concurrence dans l’économie américaine », en mettant clairement l’accent sur une application plus stricte de la législation antitrust. Contrairement au Canada, où les changements prennent la forme de modifications législatives, aux États-Unis, la modernisation passe par des directives émanant de l’exécutif.
En particulier, les agences antitrust étasuniennes ont été sommées d’appliquer plus vigoureusement les lois antitrust existantes, par la voie de directives mises à jour et de litiges. Ces agences ont été encouragées, entre autres, à faire davantage pour protéger les travailleurs contre les pratiques anticoncurrentielles et pour répondre aux préoccupations en matière de droit de la concurrence découlant de la consolidation de certains secteurs (notamment les soins de santé, les transports, l’agriculture et la technologie).
Ce que cela signifie pour l’avenir
Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence et à son application entraîneront des effets drastiques sur les entreprises exerçant des activités au Canada. Le fait que le gouvernement mette davantage l’accent sur l’accroissement de la concurrence tout en fournissant des outils pour renforcer la capacité d’application de la loi tant dans le domaine public que privé devrait modifier la manière dont le droit de la concurrence est perçu au Canada. Les entreprises doivent se préparer sur tous les fronts.