Des décisions récentes confirment le caractère raisonnable des politiques de vaccination obligatoire contre la COVID-19 mises en place par les hôpitaux Des décisions récentes confirment le caractère raisonnable des politiques de vaccination obligatoire contre la COVID-19 mises en place par les hôpitaux

11 février 2025 7 MIN DE LECTURE
Covid-19 Vaccine Bottles Closeup

Les récentes décisions de la Cour divisionnaire (la Cour) dans l’affaire Rogelstad v. Middlesex Health Alliance[1] et de la Commission d’appel et de révision des professions de la santé (la Commission) dans l’affaire DePass v. Chatham-Kent Health Alliance[2] confirment le caractère raisonnable des politiques de vaccination obligatoire contre la COVID-19 mises en place par les hôpitaux pendant la pandémie. Dans l’affaire Rogelstad, la Cour a également affirmé que l’évaluation du caractère raisonnable d’une politique d’hôpital se fonde sur les renseignements disponibles au moment où la politique a été mise en œuvre et appliquée, et non sur un examen rétrospectif.

Contexte

Pendant la pandémie de COVID-19, la grande majorité des hôpitaux de l’Ontario (et de nombreux autres au Canada) ont mis en œuvre des politiques exigeant que tout le personnel hospitalier (y compris les médecins) soit vacciné contre la COVID-19. Ces politiques ont été mises en œuvre à la suite d’une directive du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario [PDF; en anglais seulement] qui obligeait tous les hôpitaux publics à établir et à mettre en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19 (la directive n° 6). En réponse, la plupart des hôpitaux de l’Ontario ont mis en œuvre des politiques prévoyant la vaccination obligatoire du personnel hospitalier contre la COVID-19, et des conséquences importantes en cas de non-conformité, y compris la perte temporaire ou permanente de l’emploi (pour les employés) ou des droits (pour le personnel professionnel).

Depuis 2021, la mise en œuvre par les hôpitaux de politiques de vaccination obligatoire contre la COVID-19 a fait l’objet de batailles devant divers tribunaux.

Le 15 janvier 2025, la Cour divisionnaire de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu sa décision dans l’affaire Rogelstad,le seul appel interjeté devant la Cour par un médecin dont les droits hospitaliers ont été révoqués en raison de son refus de se conformer à l’obligation de vaccination contre la COVID-19. Le Dr Rogelstad et le Dr Ian DePass (voir ci-dessous) ont tous deux fait appel auprès de la Commission, qui a rejeté leurs appels et jugé raisonnables les révocations des droits hospitaliers et les politiques de vaccination obligatoire contre la COVID-19 connexes.

L’appel DePass

Le 26 novembre 2024, la Commission a rendu sa décision [en anglais seulement] rejetant l’appel du Dr DePass concernant la décision de la Chatham-Kent Health Alliance de révoquer ses droits hospitaliers parce qu’il avait refusé de se faire vacciner contre la COVID-19, comme l’exigeait la politique de l’hôpital (la politique de la CKHA)[3]. En concluant que la politique de la CKHA était justifiée, la Commission a considéré que la politique avait été mise en œuvre pour maintenir la cohérence avec les autres hôpitaux de la même région et pour s’aligner sur l’approche adoptée dans l’ensemble de l’Ontario pour « infléchir la courbe » (bend the curve) afin d’éviter que les cas de COVID-19 ne submergent complètement la capacité de l’hôpital.

Dans sa décision, la Commission s’est ralliée à l’opinion du témoin expert de la CKHA, le Dr Dick Zoutman, sur trois points essentiels : (1) le fait que 120 ou plus des 140 hôpitaux publics de l’Ontario aient mis en œuvre une politique de vaccination obligatoire est un « énorme vote de confiance dans cette approche » (huge vote of confidence in that approach); (2) lorsqu’il existe des preuves raisonnables d’une menace imminente de préjudice public, il est inapproprié d’attendre une preuve scientifique de causalité avant de prendre des mesures raisonnables pour éviter la menace; et (3) la politique de la CKHA était appropriée et cohérente avec les directives provinciales et nationales.

L’appel Rogelstad

Dans l’affaire Rogelstad, la Cour a maintenu la décision de 2024 de la Commission [en anglais seulement] confirmant le caractère raisonnable de la révocation des droits hospitaliers du Dr Rogelstad par le conseil d’administration de la Middlesex Hospital Alliance en raison de son refus de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 mise en place par l’hôpital (la politique de la MHA).

Dans sa décision, la Cour a approuvé l’application par la Commission du « test Matangi »[4] pour évaluer le caractère raisonnable de la politique de la MHA, où la question prépondérante était l’intérêt public d’un hôpital à rester ouvert pendant une pandémie. La Cour a estimé que la Commission avait clairement expliqué que la politique de la MHA était raisonnable parce qu’elle était administrée avec équité, qu’elle s’appliquait de la même manière à tous les travailleurs, qu’elle était conforme à son objectif de protection des patients, qu’elle était compatible avec sa responsabilité en vertu de la directive n° 6 et qu’elle n’était pas encombrée de considérations non pertinentes.

La Cour a estimé qu’il était raisonnable pour l’hôpital de s’appuyer sur les directives de santé publique dont il disposait à l’époque de l’entrée en vigueur de la politique de la MHA (qui soutenait unanimement la vaccination des professionnels de la santé) et que la vaccination était la mesure la plus efficace pour réduire le risque de COVID-19 chez les individus et au sein de la communauté. Il était également raisonnable pour l’hôpital de s’appuyer sur les directives de santé publique pour évaluer le risque que représentaient les travailleurs non vaccinés de l’hôpital. En outre, il était raisonnable pour la MHA – une alliance de deux petits hôpitaux ruraux – de prendre en compte et de s’inspirer des mesures prises par les plus grands hôpitaux de l’Ontario et des recommandations de santé publique de l’époque. 

En examinant les éléments de preuve pertinents pour évaluer le caractère raisonnable de la politique de la MHA et de la révocation des droits de Rogelstad, la Cour a fait référence à la décision préliminaire de la Commission dans l’affaire DePass. La Cour a noté que dans sa décision d’audience dans l’affaire DePass, la Commission s’est ravisée et a adopté l’approche selon laquelle la rétrospection n’est pas la norme pour évaluer le caractère raisonnable des décisions du conseil d’administration de l’hôpital. Au contraire, pour évaluer le caractère raisonnable de la politique ou du processus décisionnel de l’hôpital, la Commission ne devrait prendre en compte que les éléments de preuve disponibles au moment où le conseil d’administration de l’hôpital a pris sa décision.

Conclusion

Les décisions récentes de la Commission et de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans les affaires DePass et Rogelstad fournissent des indications importantes aux hôpitaux publics en ce qui concerne la mise en œuvre de politiques et la prise de décisions.

Ces décisions procurent aux hôpitaux une assurance quant au caractère raisonnable de leur processus décisionnel dans le contexte d’une crise de santé publique, et la confirmation qu’ils se fondent de manière raisonnable sur les directives de santé publique et la mesure de précaution que constitue la vaccination obligatoire contre la COVID-19.


[1]      Rogelstad v. Middlesex Health Alliance, 2025 ONSC 263. Le nom exact de l’hôpital défendeur est Middlesex Hospital Alliance.

[2]      Dr. Ian Depass v Chatham-Kent Health Alliance, 2024 CanLII 137817 (ON HPARB).

[3]      Osler a conseillé la CKHA dans le cadre des procédures devant le conseil de la CKHA et la Commission.

[4]      Dans l’affaire Matangi v. Kingston General Hospital, 1998 CanLII 18863 (ON SC), en examinant le caractère raisonnable de la politique d’un hôpital, la Cour divisionnaire a déclaré que «  [traduction libre] tant que les choix du personnel sont administrés avec équité, qu’ils s’appuient sur une analyse raisonnée, qu’ils sont compatibles avec la responsabilité de l’hôpital et qu’ils ne sont pas encombrés de considérations non pertinentes, un tribunal ne devrait pas intervenir ».