La Cour d’appel de la Colombie-Britannique réduit les exigences du rejet d’une action pour cause de retard à agir

8 Jan 2024 4 MIN DE LECTURE

Dans la décision récente Giacomini Consulting Canada Inc. c. The Owners, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a réduit le fardeau de preuve à l’appui du rejet par le tribunal d’une action pour défaut de poursuite. Plus précisément, les défendeurs en Colombie-Britannique qui demandent le rejet d’une action pour cause de retard à agir n’ont plus à démontrer que le retard d’un demandeur a nui à leur capacité de défendre l’action.

Contexte

L’arrêt Giacomini porte sur un différend dans le domaine de la construction. Au moment où les défenderesses ont présenté leur demande de rejet, la demanderesse n’avait pris aucune mesure pour faire progresser la poursuite pendant 21 mois.

Le juge de première instance a appliqué le critère vieux de plusieurs décennies du rejet d’une action pour défaut de poursuite énoncé dans Irving c. Irving, 1982 CanLII 475 (BCCA). À cette époque, avant l’arrêt Heryniak (c.-à-d. avant que la Cour suprême du Canada n’impose un changement de culture pour régler la question des retards et des frais dans le système de justice), la Cour d’appel dans Irving avait jugé que le rejet pour cause de retard à agir constituait une réparation draconienne et l’avait limité aux conditions suivantes :

  1. il y a eu un retard excessif
  2. le retard est inexcusable
  3. le retard a causé ou causera vraisemblablement un préjudice grave à la partie défenderesse
  4. la justice exige que l’action soit rejetée

Bien que le retard de la demanderesse ait été à la fois excessif et inexcusable, le juge de première instance a refusé de rejeter l’action parce qu’il n’y avait aucune preuve que le retard avait causé ou causerait vraisemblablement un préjudice grave aux défendeurs en nuisant à leur capacité de défendre l’action.

Décision d’appel

En appel, une formation de cinq membres de la Cour d’appel a été constituée pour réexaminer Irving. La Cour a reconnu qu’il y a eu à la fois des critiques à l’endroit d’Irving et une attention accrue à la façon dont les retards minent la confiance du public dans le système de justice. De plus, la Cour a conclu que les défendeurs avaient un intérêt légitime à ce que les réclamations contre eux soient réglées rapidement.

La Cour a conclu que la troisième exigence d’Irving, à savoir que le retard doit avoir causé un préjudice grave au défendeur, n’était plus défendable. Non seulement la mise en œuvre de cette exigence avait posé des problèmes pratiques importants, mais elle avait aussi créé un seuil élevé pour le rejet, qui n’incitait pas les demandeurs à intenter des poursuites rapidement et encourageait plutôt une culture de complaisance.

La Cour d’appel a donc modifié le critère de l’arrêt Irving en supprimant l’exigence pour le défendeur de démontrer un préjudice grave. Les défendeurs sont désormais tenus de démontrer les conditions suivantes :

  1. le retard est excessif
  2. le retard est inexcusable
  3. il n’est pas dans l’intérêt de la justice de donner suite à l’action

La Cour a déclaré que le rejet ne devrait plus être considéré comme une réparation « draconienne », mais plutôt comme une réparation justifiée dans le cas d’un retard excessif et inexcusable. Toutefois, la Cour a prévenu qu’elle ne souhaitait pas provoquer une avalanche de demandes de rejet et que les défendeurs préoccupés par la lenteur des procédures devraient d’abord recourir à d’autres outils, comme l’établissement d’un calendrier.

En effet, malgré l’assouplissement du critère de rejet, la Cour d’appel a refusé de rejeter l’action dans Giacomini. Bien que les retards aient préoccupé la Cour, le rejet de l’action n’était pas dans l’intérêt de la justice étant donné que l’action était une procédure multipartite complexe qui exigeait du temps pour enquêter.

Points à retenir

En supprimant l’obligation de démontrer, preuve à l’appui, l’existence d’un préjudice grave, Giacomini permet aux défendeurs dans les instances de la Colombie-Britannique d’avoir recours à un meilleur outil pour se débarrasser des causes qui traînent en longueur pour un défaut de poursuite. La menace accrue d’un rejet peut maintenant aussi inciter les demandeurs à être plus diligents dans la poursuite de leurs actions. Toutefois, il reste à voir comment les tribunaux de première instance mettront en œuvre ce nouveau cadre de référence et s’il sera suffisant pour surmonter ce que la Cour d’appel a décrit comme une culture de complaisance.