La réforme fiscale aux États-Unis : les principaux signaux à surveiller

26 Juil 2017 6 MIN DE LECTURE

« Nous allons la mener à bien en 2017 »  – le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, le 20 juillet

La turbulence politique entourant les tentatives d’abroger et de remplacer l’Obamacare est venue brouiller l’orientation et le calendrier de la réforme fiscale américaine. Même si des bribes d’information nous parviennent de Washington, il est très difficile d’y discerner des lignes directrices significatives. Voici quelques signaux clés que les Canadiens devraient rechercher, à notre avis, lorsqu’ils suivent la réforme fiscale au sud de la frontière.

  • Choix du moment : premièrement, le moment où la réforme fiscale sera introduite demeure très imprécis. Cependant, le calendrier commencera à imposer ses propres réalités, et de nombreux observateurs pointent le premier trimestre de 2018 comme le moment le plus probable de l’adoption d’un projet de loi sur la fiscalité. Entre-temps, il semble que des membres clés du personnel de la Chambre des représentants, du Sénat et de la Maison-Blanche continuent de se rencontrer pratiquement tous les jours pour en arriver à un consensus sur les principales mesures d’un plan de réforme fiscale. Plusieurs s’attendent à ce que les contours de l’échange sur la réforme fiscale se précisent davantage en septembre, et le président du Ways and Means Committee de la Chambre des représentants, Kevin Brady, a promis, le 24 juillet, que la Chambre des représentants publiera son vaste plan de réforme fiscale lorsque les politiciens reviendront de la relâche du mois d’août. La rentrée est prévue pour le 5 septembre. D’après les dernières nouvelles, une série de vastes lignes directrices dont il a été convenu sur les principes de la réforme fiscale pourrait être publiée dès cette semaine.
  • Obamacare : deuxièmement, le sort de la réforme des soins de santé semble avoir une forte influence sur les perspectives de réforme fiscale. En plus de la réalité budgétaire selon laquelle le défaut d’abroger les taxes liées à l’Obamacare rendrait plus difficile une réforme fiscale sans incidence sur le déficit (ce qui aurait notamment des répercusions sur le plancher du taux nominal d’imposition), les tensions à l’intérieur du parti causées par le cinglant débat sur les soins de santé pourraient se transporter sur la scène de la réforme fiscale, ce qui rendrait encore plus difficile l’adoption de compromis. Par contre, si les efforts pour faire abroger et remplacer l’Obamacare portaient fruit, cela soutiendrait le Parti républicain; l’éminent sénateur républicain Ted Cruz a d’ailleurs récemment déclaré à Fox News : « Si nous pouvons réussir dans le cas de l’Obamacare […] alors je crois que les chances de voir la réforme fiscale aboutir exploseront. Si nous échouons avec l’Obamacare, je crois que les possibilités d’une réforme fiscale diminueront de beaucoup ».
  • Réforme fiscale temporaire ou permanente : le Comité du budget de la Chambre des représentants a publié, le 19 juillet, sa résolution budgétaire pour l’exercice 2018. Comme prévu, cette résolution ouvrirait la voie à la mise en œuvre d’une réforme fiscale au moyen d’un mécanisme procédural appelé « conciliation », ce qui signifie que la réforme fiscale pourrait être adoptée par la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat, sans avoir besoin du vote des Démocrates. Cependant, pour que les dispositions de la réforme fiscale adoptées dans le cadre d’une conciliation deviennent permanentes, les réformes ne doivent avoir aucune incidence sur le déficit au cours de l’« horizon budgétaire » (qui devrait être de 10 ans). Comme nous l’avons vu plus haut, l’incapacité à supprimer les taxes liées à l’Obamacare et le défaut de mettre en œuvre un mécanisme d’ajustement fiscal à la frontière rendraient l’objectif d’absence d’incidence sur le déficit difficile à atteindre. Cela augmenterait donc les possibilités de réformes temporaires. Les leaders républicains martèlent depuis longtemps l’importance de la promulgation de réformes permanentes, mais à l’approche de l’élection de mi-mandat de 2018, les politiciens sentent peut-être des pressions les incitant à faire un coup d’éclat. On devrait donc s’attendre à la possibilité de réductions des taux d’imposition non permanentes, mais vigoureuses, alliées à une « réforme » plus modeste. Certains signes indiquent également que la Maison-Blanche explorerait la possibilité d’instaurer une réforme fiscale en partie permanente, et en partie temporaire.
  • Disparition de l’ajustement fiscal à la frontière? Aux dires de la plupart, l’« ajustement fiscal à la frontière » prévu dans le plan directeur de la réforme fiscale de la Chambre des représentants a été éliminé en tant qu’orientation politique vouée à l’échec. Cependant, à la lumière des pressions budgétaires susmentionnées, il s’exercera des pressions pour que soient prises en compte des mesures productrices de recettes, et l’ajustement fiscal à la frontière, qui était censé générer près de mille milliards de dollars de recettes au cours de l’horizon budgétaire de 10 ans, pourrait réapparaître sous une forme ou une autre. On en voit déjà apparaître certains signes. Relativement à l’adoption de la résolution budgétaire par le Comité du budget de la Chambre des représentants, la semaine dernière, un membre républicain de ce comité a tenté de présenter une modification qui aurait empêché l’utilisation de l’ajustement fiscal à la frontière dans le cadre de la réforme fiscale. La modification a été rejetée, laissant ainsi l’ajustement fiscal à la frontière comme option potentielle, du moins pour le moment. Ceux qui ont proposé l’ajustement fiscal à la frontière soulignent également que celui-ci pourrait protéger l’assiette fiscale américaine contre l’érosion de la base d’imposition. Fait intéressant, selon certains rapports d’un représentant anonyme de la Maison-Blanche, des intervenants clés croiraient que des mécanismes anti-érosion (comme l’ajustement fiscal à la frontière) ne seraient probablement pas nécessaires si le taux marginal d’imposition des sociétés s’établissait à 15 % au maximum (le plan de Trump prévoit un taux de 15 % pour les sociétés). Cependant, ces intervenants sentiraient que ces règles anti-érosion deviendront nécessaires si les taux marginaux des sociétés se situent dans la fourchette de 20 % à 25 % ou plus (le plan directeur de la Chambre des représentants prévoyait un taux de 20 % pour les sociétés). Tout cela donne à penser qu’il est trop tôt pour éliminer l’ajustement fiscal à la frontière et qu’il est possible qu’une forme modifiée de cet ajustement refasse surface, au fil de l’évolution des débats sur la réforme fiscale.