Modification attendue depuis longtemps apportée au règlement canadien sur la mise en lien avec les brevets

18 Juil 2017 8 MIN DE LECTURE

Le 15 juillet 2017, le gouvernement du Canada a proposé de modifier de manière importante le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), soit le régime de mise en lien avec les brevets qui constitue la pierre d’achoppement à l’origine de litiges sur les brevets pharmaceutiques et biologiques au Canada. La modification proposée comprend les changements clés suivants :

  • les procédures, en vertu du Règlement, seront désormais introduites par voie d’action et non de demande;
  • les actions, en vertu du même Règlement, permettront désormais de prendre des décisions définitives sur les allégations d’invalidité des revendications de brevets ou les allégations de non-contrefaçon liées à la présentation d’une drogue en instance;
  • dans certaines circonstances, les premières personnes pourront faire des réclamations relatives à des brevets et à des revendications de brevets ne figurant pas dans le registre des brevets;
  • les premières personnes pourront désormais renoncer à l’interdiction réglementaire de 24 mois, permettant ainsi une entrée plus rapide sur le marché d’un produit concurrent afin d’éviter d’être tenues responsables de dommages-intérêts conformément à l’article 8;
  • les dommages-intérêts évoqués à l’article 8, s’il y a lieu, pourront consister désormais en une indemnité versée aux secondes personnes pour perte de part de marché permanente.

La modification proposée, qui fait l’objet d’une brève consultation d’une durée de 15 jours, devrait être adoptée en septembre 2017.   

Contexte et sommaire des changements proposés

Depuis 1993, le Règlement, l’équivalent canadien du Hatch-Waxman Act des États-Unis, vise à assurer un équilibre entre les droits des titulaires de brevets et ceux des fabricants de produits génériques en vue de raccourcir le délai d’approbation d’un médicament par le ministère de la Santé. Au fil des années, cependant, le Règlement a montré ses limites, en particulier parce qu’il exige des titulaires de brevets qu’ils introduisent une procédure par voie de demande pour obtenir une ordonnance interdisant l’approbation d’un médicament générique par le ministère de la Santé. Ce régime a des conséquences indésirables pour les parties – par exemple, les titulaires de brevets, souvent, ne peuvent faire appel du rejet de leur demande d’ordonnance d’interdiction à l’encontre du ministère de la Santé ou, comme l’examen d’une affaire en vertu du Règlement ne permet pas de trancher de manière définitive les questions opposant les parties, les brevets sont fréquemment l’objet d’un nouveau jugement dans le cadre d’actions en contrefaçon ou en invalidation subséquentes. Cela a pour résultat un manque de certitude chez les parties et des lancements « à risques » par les fabricants de médicaments génériques. La modification proposée vise à remédier à ces inconvénients et autres défauts perçus.

Malgré l’importance de la modification proposée, la structure de base du Règlement ne changera pas. L’éventail des brevets admissibles à une inscription au registre restera la même. Les demandeurs d’approbation de médicaments génériques ou biosimilaires (appelées « secondes personnes ») n’auront plus à se préoccuper que des brevets inscrits au registre des brevets au moment de la présentation de leur drogue, car les inscriptions au registre des brevets seront alors gelées, si besoin est. Comme la période d’interdiction de l’approbation des médicaments génériques ou biosimilaires restera de 24 mois, les fabricants exclus du marché à cause de cette interdiction auront toujours la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts conformément à l’article 8. Par ailleurs, la modification proposée du Règlement renferme également des changements documentaires :

1. Changements apportés au registre des brevets : Le ministère de la Santé se verra accorder des pouvoirs étendus pour tenir à jour effectivement le registre des brevets, dans lequel figureront non seulement les brevets, mais aussi des « certificats de protection supplémentaire » (CPS), intégrés au droit canadien grâce à la Loi portant mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, adoptée après la signature de l’AECG.

2. Nouvelles exigences relatives aux avis d’allégation (AA) : Même si les procédures seront introduites par voie d’action, les fabricants de médicaments génériques ou biosimilaires (les secondes personnes) devront encore délivrer un AA, lequel ne devra fournir de l’information détaillée que pour l’allégation d’invalidité. Le Règlement donnera désormais aux parties la latitude leur permettant de limiter l’information à fournir sur une non-contrefaçon avant l’enclenchement d’une procédure. L’effet concret de ces changements et la détermination de ce qui sera considéré comme de l’information détaillée adéquate dans les AA feront à coup sûr l’objet d’affaires ultérieures.

3. Documents ou information à fournir avec les AA : Les AA devront comprendre une copie électronique – pouvant faire l’objet de recherches – de toute partie pertinente des présentations de drogue des secondes personnes et des copies de tout document à l’appui des allégations d’invalidité de ces dernières. Les secondes personnes seront tenues en permanence à une obligation de divulgation concernant leurs présentations de drogue en attendant le règlement de leur litige en vertu du Règlement. Les secondes personnes pourront imposer des obligations de confidentialité raisonnables aux premières personnes, qui pourront en revanche requérir une modification de ces obligations.

4. Nature des actions : Les premières personnes pourront requérir non plus une ordonnance d’interdiction à l’encontre du ministère de la Santé, mais un jugement déclaratoire portant que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente d’une drogue conformément à la présentation d’une seconde personne contrefait le brevet ou le CPS inscrit, ainsi qu’exercer d’autres recours offerts. Les secondes personnes pourront présenter une demande reconventionnelle visant à faire invalider le brevet ou le CPS ou pour obtenir une déclaration de non-contrefaçon. À la réception d’un AA, les premières personnes ou titulaires de brevets pourront revendiquer des brevets non inscrits ou non visés par l’AA si une contrefaçon de ces brevets parallèles peut résulter de la présentation réglementaire d’une seconde personne.

5. Interdiction de 24 mois : Les premières personnes qui introduisent une action en vertu du Règlement pourront renoncer à l’interdiction de 24 mois, sans que cela porte atteinte à leurs droits en vertu de la Loi sur les brevets. Cette stratégie leur permettra d’éviter le risque de verser des dommages-intérêts conformément à l’article 8 et leur offrira une plus grande souplesse relativement à la portée de l’action.

6. Dommages-intérêts au titre de l’article 8 : Les secondes personnes visées par une action en contrefaçon de brevet intentée en vertu du Règlement, mais qui n’aboutit pas pourront ensuite poursuivre l’ensemble des plaignants à l’origine de cette action en vue d’obtenir des dommages-intérêts au titre de l’article 8. Les plaignants pourront comprendre une première personne, un titulaire de brevet ou toute autre partie revendiquant le brevet (par exemple, une société affiliée de la première personne). La période de dommages-intérêts au titre de l’article 8 ne sera plus limitée par la date de fin de la procédure introduite en vertu du Règlement.

Nouveaux défis

La modification proposée vise à remédier aux inconvénients perçus du Règlement actuel et a comme double objectif de permettre aux titulaires de brevets d’exercer pleinement leur droit et de parvenir à des jugements définitifs dans l’intérêt des parties. Cependant, le nouveau Règlement engendrera de nouveaux défis, notamment les suivants :

  • Nouvelle souplesse stratégique : Les nouvelles dispositions, telles que la possibilité pour les premières personnes et les titulaires de brevets de revendiquer des brevets antérieurement non pertinents ou de renoncer à l’interdiction de 24 mois, exigeront des premières et des secondes personnes de faire des choix nouveaux et éventuellement difficiles en matière de gestion des risques commerciaux et légaux.  
  • Applicabilité de la jurisprudence actuelle : Durant plusieurs années, les parties seront dans l’incertitude quant à l’applicabilité de la jurisprudence actuelle relativement à plusieurs questions concernées par la modification du Règlement. Ces questions comprennent le caractère suffisant des avis de conformité et les normes d’examen des inscriptions de brevets.
  • Incidence sur les produits biologiques : Le Règlement modifié ne renferme aucune disposition s’appliquant uniquement aux produits biosimilaires et autres produits non génériques. Contrairement aux États-Unis, le gouvernement canadien a choisi de ne pas tracer de voie réglementaire ni de concevoir de système de mise en lien avec les brevets tenant compte des aspects uniques des produits biosimilaires liés à leur brevetage, à la réglementation et à leur vente. Il reste à voir si le cadre du Règlement sera bien adapté à cette nouvelle catégorie de produits.  

Pour vous y retrouver plus facilement dans ce nouveau cadre créé par la modification du Règlement, veuillez communiquer avec J. Bradley White (bwhite@osler.com), Vincent M. de Grandpré (vdegrandpre@osler.com) ou Nathaniel Lipkus (nlipkus@osler.com).