Auteurs(trice)
Associé, Concurrence, commerce international et investissement étranger, Toronto
Associé, Concurrence, commerce et investissement étranger, Toronto
Sociétaire, Droit de la concurrence, du commerce et de l’investissement étranger, Toronto
Sociétaire, Concurrence, commerce et investissement étranger, Toronto
Sociétaire, Droit de la concurrence et investissement étranger, Toronto
Sociétaire, Concurrence, commerce international et investissement étranger, Toronto
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Le groupe d’Osler spécialisé en commerce international publiera régulièrement ses observations et ses analyses sur la situation des tarifs douaniers américains et canadiens, situation qui ne cesse d’évoluer. Le présent bulletin est à jour à la date et à l’heure de sa publication.
Le 13 février 2025, le président Trump a publié une note de service sur le commerce réciproque et les tarifs douaniers, intitulée « Reciprocal Trade and Tariffs » (la note de service sur le commerce réciproque), qui signale l’intention des États-Unis d’imposer à ses partenaires commerciaux de nouveaux tarifs douaniers et éventuellement d’autres mesures restreignant les échanges commerciaux, équivalentes aux tarifs douaniers ou aux barrières non tarifaires imposés dans ces autres pays. L’objectif de la politique américaine est de contrer ce que les États-Unis considèrent comme des « accords commerciaux non réciproques » (non-reciprocal trading arrangements) qui sont inéquitables pour les intérêts commerciaux américains. Bien que la note de service sur le commerce réciproque n’impose pas en soi de tarifs douaniers, elle ouvre la voie à un « plan équitable et réciproque » (Fair and Reciprocal Plan) (le plan sur le commerce réciproque) prévoyant de nouveaux tarifs douaniers ou d’autres mesures à l’encontre, potentiellement, de tous les partenaires commerciaux des États-Unis, y compris le Canada.
Dans le présent bulletin, nous expliquons la note de service sur le commerce réciproque, les difficultés auxquelles le plan est susceptible d’être confronté dans la pratique, la manière dont le Canada pourrait être touché et les conséquences de la note de service sur le commerce réciproque pour le système commercial international.
Quels sont les « accords commerciaux non réciproques » visés?
Selon la note de service sur le commerce réciproque, le terme « accords commerciaux non réciproques » a un vaste champ sémantique qui couvre les éléments suivants :
- les tarifs douaniers sur les produits américains qui sont supérieurs à ceux que les États-Unis imposent sur des produits similaires
- les taxes intérieures imposées par d’autres pays, y compris les taxes sur la valeur ajoutée
- les barrières non tarifaires d’ordre réglementaire, y compris les mesures sanitaires et phytosanitaires et les règlements techniques
- les mesures relatives aux marchés publics
- les mesures de protection de la propriété intellectuelle qui sont inadéquates
- les barrières numériques au commerce
- les politiques et pratiques en matière de taux de change
- la compression des salaires
- « toute autre pratique » (any other practice) qui impose ce que les États-Unis considèrent comme une pratique inéquitable limitant l’accès au marché ou la concurrence loyale, élément « fourre-tout » s’il en est un
Calendrier du plan
La note de service sur le commerce réciproque n’établit pas de calendrier précis pour l’imposition des nouveaux tarifs douaniers ou des autres mesures à cet effet. Elle prévoit plutôt qu’après la présentation des rapports déjà exigés par le président Trump dans sa note de service sur la politique commerciale « L’Amérique d’abord » – dont la plupart, y compris ceux concernant le Canada, doivent être remis le 1er avril 2025 –, divers départements et diverses agences du gouvernement américain doivent enquêter sur les préjudices causés par les « accords commerciaux non réciproques » et soumettre des « projets de mesures correctives » (proposed remedies) qui feraient partie du plan sur le commerce réciproque.
Le calendrier d’imposition des tarifs douaniers ou des autres mesures qui en résulteront dépendra en partie du texte réglementaire utilisé à cette fin. Par exemple, les mesures prises en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act – la loi utilisée pour les tarifs douaniers de 25 % sur les marchandises en provenance du Canada et du Mexique dont l’imposition a été temporairement reportée – ne requièrent qu’une déclaration et un décret du Président et peuvent donc être imposées rapidement. En revanche, les nouveaux tarifs douaniers imposés en vertu de l’article 301 de la Trade Act of 1974 ou de l’article 232 de la Trade Expansion Act of 1962 font appel à des procédures qui pourraient s’échelonner sur de nombreux mois. (La Trade Expansion Act of 1962 est le texte que le président Trump a utilisé au cours de son premier mandat pour imposer des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium, tarifs qu’il a maintenant étendus, comme nous l’avons vu précédemment, au Canada et à d’autres pays qui en avaient été exemptés.)
Difficultés de mise en œuvre
Les enquêtes à effectuer sur l’éventail extrêmement large d’« accords commerciaux non réciproques » envisagés par la note de service sur le commerce réciproque, puis la détermination de tarifs douaniers équivalents ou d’autres mesures appropriées constitueraient en soi une entreprise énorme, à la limite de l’insurmontable. Des tarifs douaniers équivalents nécessiteraient alors la création de nouveaux barèmes tarifaires en constante évolution pour chaque partenaire commercial (potentiellement plus de 150 barèmes de ce type), ce qui poserait aux entreprises américaines et aux autres importateurs des problèmes opérationnels considérables pour la détermination des tarifs douaniers à payer, et créerait pour les autorités américaines des problèmes correspondants en matière d’application.
Tout bien considéré, il y a de bonnes raisons de douter que le plan sur le commerce réciproque tel qu’envisagé par le président Trump se concrétise un jour. Il est plus probable que les États-Unis ciblent un nombre beaucoup plus restreint d’« accords commerciaux non réciproques » ayant une grande valeur politique en vigueur dans certains pays.
Comment le Canada pourrait-il être touché?
Le Canada pourrait être l’un des pays visés. Alors que très peu de marchandises américaines sont soumises à des tarifs douaniers canadiens, une « fiche d’information » (Fact Sheet) publiée par la Maison-Blanche et accompagnant la note de service sur le commerce réciproque désigne expressément les taxes sur les services numériques du Canada et de la France comme des mesures susceptibles de justifier une action dans le cadre du plan sur le commerce réciproque. La note de service sur le commerce réciproque mentionne également que les taxes sur la valeur ajoutée constituent des « taxes inéquitables, discriminatoires ou extraterritoriales imposées par nos partenaires commerciaux » (unfair, discriminatory, or extraterritorial taxes imposed by our trading partners), ce qui fait de la TPS/TVH une cible potentielle si l’administration américaine estime que cette taxe fait peser une charge indue ou inhabituelle sur les importateurs américains (en particulier les importateurs non-résidents au Canada).
L’érosion répétée par les États-Unis du système commercial international fondé sur des règles
L’entrée en vigueur des tarifs douaniers proposés dans la note de service viendrait bouleverser le système commercial international établi de longue date et fondé sur des règles. Les tarifs douaniers réciproques envisagés sapent le GATT (un accord clé de l’Accord de Marrakech établissant l’Organisation mondiale du commerce), l’OMC, ainsi que les accords commerciaux préférentiels bilatéraux tels que l’Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM).
Le système commercial multilatéral créé après la Seconde Guerre mondiale repose sur un principe simple, mais essentiel : les économies participantes négocient pour limiter ou « consolider » leurs tarifs douaniers sur les marchandises à des taux qui ne sont pas supérieurs à ceux qu’elles s’engagent à respecter lors des négociations, puis abaissent encore les taux ainsi consolidés lors de négociations ultérieures. Les listes d’engagements tarifaires consolidés des participants constituent la pièce maîtresse de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce établi en 1947 (GATT) depuis sa création.
Un engagement étroitement lié est l’obligation de la « nation la plus favorisée » (NPF) du GATT : les taux tarifaires consolidés de chaque participant s’appliquent de manière égale à tous les autres participants, quels que soient les taux consolidés de ces derniers. Compte tenu de leur importance, les obligations relatives au traitement NPF et aux taux tarifaires consolidés figurent dans les deux premiers articles du GATT.
Le GATT tient compte des accords commerciaux préférentiels régionaux ou bilatéraux tels que l’ACEUM, tout comme l’ALENA avant lui, par le biais d’une exception à l’obligation de la NPF. En règle générale, les participants à ces accords commerciaux préférentiels libéralisent davantage les échanges en acceptant de réduire leurs tarifs douaniers réciproques à un niveau inférieur aux taux NPF consolidés, voire de les éliminer complètement.
Ces jours-ci, sous l’administration Trump, les États-Unis reviennent sur ces engagements de longue date au moyen de décrets et avec apparemment peu de résistance de la part du Congrès. Les tarifs douaniers semblent être l’outil de prédilection des États-Unis pour contraindre leurs partenaires commerciaux à se conformer à un nombre indéfini de questions, qu’elles soient liées au commerce ou non. Répudiant complètement de cette manière le système commercial fondé sur des règles, l’administration Trump semble disposée à mettre au rebut les règles du jeu. Il reste à savoir quelles seront les règles qui les remplaceront, s’il y en a, et quels pays seront disposés à jouer selon les nouvelles règles des États-Unis.