Auteurs(trice)
Associé, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges, Calgary
Associée, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges et Insolvabilité et restructuration, Montréal
Table des matières
- Boisvert Marine inc. c. Dumas, 2024 QCCS 3240
- De Trinidad c. Chambre de la sécurité financière, 2024 QCCAI 195
Revue de la jurisprudence sur la protection de la vie privée
Boisvert Marine inc. c. Dumas, 2024 QCCS 3240
Faits
La demanderesse, Boisvert Marine Inc. (BMI), exploite un commerce de gros d’articles de loisir et de sport qui se spécialise dans la vente et la réparation de bateaux. Le défendeur, Dumas, est le directeur général de BMI, ce qui lui permettait d’acheter des pièces et de payer des fournisseurs directement au nom de BMI, à même les fonds de BMI.
BMI a pris connaissance de l’existence de transactions louches impliquant Dumas. BMI a allégué que Dumas avait détourné pour son bénéfice personnel plus de 3 millions de dollars, notamment en modifiant le relevé d’opérations bancaires de BMI.
BMI a demandé au tribunal de rendre des ordonnances de type Mareva et Norwich, ainsi qu’une ordonnance de vérification d’une clé USB par un enquêteur judiciaire.
Décision
Le tribunal a prononcé les ordonnances de type Mareva et Norwich, ainsi que l’ordonnance de vérification de la clé USB par un expert en informatique.
L’ordonnance de type Norwich a obligé les institutions financières mises en cause de communiquer les documents en leur possession qui permettraient à BMI de retracer les fonds que Dumas avait détournés. Le tribunal a déterminé que BMI satisfaisait aux critères d’une ordonnance de type Norwich : (1) il existe à première vue quelque chose à reprocher à l’auteur inconnu du préjudice; (2) la personne devant faire l’objet d’un interrogatoire préalable doit avoir quelque chose à voir avec la question en litige – elle ne peut être un simple spectateur; (3) la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable doit être la seule source pratique de renseignements dont disposent les demandeurs; (4) la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable doit recevoir une compensation raisonnable pour les débours occasionnés par son respect de l’ordonnance portant sur l’interrogatoire préalable, en sus de ses frais de justice; et (5) l’intérêt public à la divulgation l’emporte sur l’attente légitime de respect de la vie privée.
En ce qui concerne le dernier critère, le droit au respect de la vie privée est prévu aux articles 3, 35, 36 et 37 du CcQ et à l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne. Le tribunal a déterminé que, bien que l’attente légitime de respect de la vie privée mérite une attention particulière, elle ne fera pas obstacle à une ordonnance de type Norwich.
Point principal à retenir
Le droit à la vie privée ne constitue pas un obstacle à la délivrance d’une ordonnance de type Norwich.
De Trinidad c. Chambre de la sécurité financière, 2024 QCCAI 195
Faits
Le demandeur, de Trinidad, conseiller en sécurité financière et membre accrédité par la Chambre de la sécurité financière (CSF) du Québec, a été visé par une enquête disciplinaire en 2016. Le 25 mai 2018, il a été interrogé dans les bureaux de la CSF et l’entretien a été enregistré. Les enregistrements ont été sauvegardés dans le système informatique de la CSF, et une copie DVD lui a été remise.
En 2019, en revoyant le DVD en prévision de l’audition de la plainte devant le comité de discipline, de Trinidad a constaté que certains passages de l’enregistrement – au cours desquels il aurait fait l’objet de menace de la part des enquêteurs – étaient manquants. Il a demandé à avoir accès aux enregistrements originaux, mais la CSF l’a informé que l’unité de stockage sur laquelle étaient conservés les fichiers originaux avait été endommagée lors d’une panne de courant survenue en 2018, et que son contenu avait été définitivement perdu. De Trinidad a estimé que la production de ces enregistrements originaux était essentielle afin d’établir que la CSF avait falsifié la preuve et a donc soumis une demande d’accès afin d’obtenir des documents concernant l’infrastructure technologique de la CSF et la panne de courant.
La CSF a refusé la demande sur la base des articles 14 et 29 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (Loi sur l’accès). La CSF a fait valoir que les documents demandés contenaient des renseignements sensibles sur son infrastructure technologique, y compris les configurations et les vulnérabilités des systèmes, et que leur divulgation pourrait compromettre la sécurité de ses systèmes.
Décision
La Commission d’accès à l’information (la Commission) a donné gain de cause à la CSF, confirmant sa décision de retenir les documents demandés en vertu des articles 14 et 29 de la Loi sur l’accès.
La Commission a reconnu que les documents demandés contenaient des renseignements susceptibles d’exposer les systèmes de la CSF à des risques, tels que des cybermenaces ou des accès non autorisés, et que la divulgation de ces renseignements pouvait donc compromettre la sécurité des systèmes de la CSF.
La Commission a souligné que la révélation de ces renseignements posait un risque qui l’emportait sur tout objectif d’enquête que de Trinidad aurait pu avoir en y accédant.
Point principal à retenir
Les organisations peuvent légitimement refuser de communiquer des renseignements concernant leur infrastructure technologique si une telle communication pose un risque pour la sécurité, même lorsque ces renseignements sont demandés dans le cadre d’une enquête ou d’une action en justice.