Auteurs(trice)
Associé, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges, Calgary
Associée, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges et Insolvabilité et restructuration, Montréal
Table des matières
- Hogue c. Société canadienne des postes, 2025 QCCS 49
- E.G. v. Scotiabank (Bank of Nova Scotia), 2024 QCCS 3979
La jurisprudence sur la protection de la vie privée
Hogue c. Société canadienne des postes, 2025 QCCS 49
Faits
Le demandeur a demandé l’autorisation d’exercer une action collective au nom des clients de la défenderesse, la Société canadienne des postes (Postes Canada), alléguant que leurs renseignements personnels avaient été collectés et vendus sans leur consentement. Il alléguait que Postes Canada avait créé des listes d’envoi à des fins de marketing postal qu’elle avait ensuite vendues à des sociétés privées. Le demandeur réclamait des dommages compensatoires et punitifs au nom du groupe proposé.
Décision
La Cour a autorisé l’action collective en partie et a conclu que les allégations semblaient suffisantes pour conclure que Postes Canada a collecté des renseignements qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif, qu’elle a revendu ces renseignements à des tiers à des fins lucratives et qu’elle n’avait pas obtenu le consentement de ses clients pour le faire. Elle a donc autorisé les demandes fondées sur la violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21, et du Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991.
La Cour a également autorisé la demande fondée sur le droit à la vie privée prévu par la Chartre des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12 (la Charte québécoise). Elle a rejeté l’argument de Postes Canada selon lequel la Charte québécoise ne s’applique pas à Postes Canada au motif que cette dernière est une société d’État fédérale.
Toutefois, la Cour n’a pas autorisé l’allégation de fausses représentations fondée sur la Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1, parce que le demandeur n’a pas allégué qu’il connaissait la politique de Postes Canada en matière de protection des renseignements personnels ni qu’il s’était fondé sur les déclarations de Postes Canada contenues dans cette politique.
En ce qui concerne les dommages compensatoires, la Cour a notamment déclaré que l’utilisation de renseignements personnels à des fins commerciales sans consentement ni compensation peut causer un préjudice. Elle a donc conclu que les allégations du demandeur ne pouvaient être considérées comme frivoles, notamment celles selon lesquelles ses renseignements personnels ont une valeur et qu’il a le droit de réclamer le paiement d’une somme équivalente à la valeur des renseignements personnels recueillis par Postes Canada.
Quant aux dommages punitifs, la Cour a conclu que les actes de Postes Canada pouvaient être qualifiés d’intentionnels au sens de l’article 49 de la Charte québécoise.
Point principal à retenir
Cette décision réitère l’importance d’obtenir le consentement pour la collecte ou l’utilisation de renseignements personnels et souligne les risques juridiques associés à la collecte et à la revente non autorisées de renseignements personnels. Elle reflète également la reconnaissance croissante des renseignements personnels comme un actif précieux pour les entreprises.
E.G. v. Scotiabank (Bank of Nova Scotia), 2024 QCCS 3979
Faits
Le demandeur (E.G.), représenté par sa fille, a réclamé des dommages-intérêts pour violation présumée de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (LPRPDE) par la défenderesse. E.G. alléguait que la Banque Scotia avait divulgué à tort ses relevés bancaires au Curateur public du Québec (le curateur public) à la suite d’une lettre dans laquelle celui-ci demandait à la Banque Scotia de divulguer les relevés bancaires d’E.G. afin de protéger ses actifs. La Banque Scotia a demandé le rejet de la demande introductive d’instance d’E.G.
Décision
La Cour a accueilli la demande de rejet.
Elle a déclaré que l’alinéa 7(3)i) de la LPRPDE prévoit une exception à la confidentialité des relevés bancaires lorsque la loi exige leur divulgation.
La Cour a conclu que la loi exigeait la divulgation des relevés bancaires d’E.G. En effet, la lettre du curateur public et la demande de divulgation qu’elle contenait ont été envoyées dans le cadre des pouvoirs d’enquête prévus à l’article 27 de la Loi sur le curateur public, RLRQ c. C -81. Dans le cadre d’une telle enquête, le curateur public exerce ses pouvoirs avec l’immunité conférée aux commissaires par la Loi sur les commissions d’enquête, RLRQ c. C -37, qui l’autorise à exiger la divulgation de renseignements personnels.
Ce raisonnement a suffi pour accueillir la demande de rejet de la Banque Scotia. Cependant, la Cour a souligné l’absence d’allégations quant à la nature du préjudice subi par E.G. comme autre motif justifiant le rejet préliminaire de la demande. La jurisprudence ne permet pas d’accorder des dommages compensatoires au seul motif qu’une personne non autorisée a eu accès à des renseignements personnels.
Point principal à retenir
Cette décision renforce le principe selon lequel les droits à la vie privée en vertu de la LPRPDE ne sont pas absolus et peuvent être outrepassés par des obligations légales de divulguer des renseignements personnels. Elle montre aussi qu’il est important de démontrer l’existence d’un préjudice réel dans les réclamations liées à la vie privée.
Pour les organisations, cette affaire sert à rappeler qu’il faut évaluer soigneusement si une exception légale s’applique avant de divulguer des renseignements personnels.