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Le gouvernement du Canada annonce un élargissement important

Auteur(s) : Christopher Naudie, Michael Fekete

Le 29 mars 2018

Après un processus de consultation exhaustif qui s’est tenu au cours de la dernière année, le gouvernement du Canada a annoncé cette semaine qu’il mettra en œuvre un régime amélioré d’intégrité des marchés publics et de l’approvisionnement qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Dans son annonce, le gouvernement donne un aperçu des changements à venir et indique qu’il augmentera le nombre d’infractions et les situations de nature éthique qui déclencheront la radiation des contrats du gouvernement fédéral au Canada. Par conséquent, les sociétés nationales et étrangères qui concluent des transactions importantes avec le gouvernement fédéral devront répondre à de nouvelles normes éthiques et seront confrontées à de nouveaux risques juridiques et commerciaux en ce qui concerne leur conduite et leurs pratiques commerciales au Canada et à l’échelle internationale.     

Contexte

En juillet 2012, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, principal organisme de passation des marchés du gouvernement du Canada (maintenant Services publics et Approvisionnement Canada « SPAC »), a regroupé un certain nombre de mécanismes de surveillance qui étaient conçus pour améliorer les pratiques de conformité des fournisseurs fédéraux en un cadre d’intégrité formel. Dans ce cadre, un fournisseur ayant été reconnu coupable d’une infraction fédérale figurant sur la liste serait frappé d’une interdiction de soumissionner pour obtenir des marchés fédéraux et de faire des affaires avec le gouvernement fédéral. Depuis, le régime d’intégrité a été modifié à plusieurs occasions et en juillet 2015, le gouvernement du Canada a élargi le régime de manière à ce qu’il s’applique aux marchés et aux contrats immobiliers accordés par la plupart des ministères et organismes fédéraux. Le régime d’intégrité est actuellement énoncé dans une Politique d’inadmissibilité et de suspension formelle et dans des dispositions relatives à l’intégrité qui sont comprises dans les marchés fédéraux.

De façon générale, dans le régime d’intégrité actuel, un fournisseur deviendra automatiquement inadmissible à passer un marché avec le gouvernement fédéral s’il est reconnu coupable d’une infraction fédérale figurant sur la liste. La liste des infractions est très vaste et comprend les infractions au régime d’intégrité liées à la fraude, à la corruption, à la falsification de documents, certaines infractions prévues à la Loi sur la concurrence et à la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que des infractions pour manipulation boursière, délit d’initié, lobbying et pratiques de corruption étrangère. Dans le régime actuel, un fournisseur qui est reconnu coupable d’une infraction figurant sur la liste deviendra automatiquement inadmissible à participer à des marchés publics fédéraux pendant une période de 10 ans. Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) conserve le pouvoir discrétionnaire de réduire la période d’inadmissibilité d’un fournisseur d’un maximum de cinq ans dans des circonstances appropriées en ayant recours à une entente administrative, pourvu que le fournisseur puisse démontrer qu’il a collaboré avec les organismes responsables de l’application de la loi ou qu’il a pris des mesures pour faire face aux causes de la conduite sous-jacente.

Outre ces circonstances qui déclencheront l’inadmissibilité automatique, SPAC possède le pouvoir discrétionnaire additionnel d’imposer une décision d’inadmissibilité en situation de simple inculpation d’une infraction figurant sur la liste (c’est-à-dire même en l’absence d’une condamnation). De plus, SPAC peut déterminer qu’un fournisseur est inadmissible s’il a été reconnu coupable d’une infraction commise à l’étranger qui, de l’avis de SPAC, est similaire à une infraction figurant sur la liste au Canada. SPAC peut également décider qu’un fournisseur est inadmissible si une société affiliée a été reconnue coupable d’une infraction figurant sur la liste au Canada, si le fournisseur l’a ordonnée ou autorisée, ou y a consenti ou participé. Toutefois, SPAC a adopté une exception importante en matière d’intérêt public qui peut dispenser certains fournisseurs de l’interdiction pour des motifs d’urgence, de sécurité nationale, de santé et de sécurité et de préjudice économique.

Consultation et changements proposés

En septembre 2017, le gouvernement du Canada a lancé une consultation publique concernant des mesures potentielles d’amélioration de la trousse d’outils du Canada pour lutter contre les actes répréhensibles des entreprises. Dans le cadre de cette consultation, le gouvernement a demandé des commentaires sur les changements proposés pour améliorer le fonctionnement du régime d’intégrité. Le gouvernement a reçu des commentaires de nombreux intervenants, dont des représentants du milieu des affaires et du monde juridique qui ont fait part de leurs préoccupations au sujet de la sévérité du régime et du manque de transparence et de droits d’appel relatifs aux déclarations d’inadmissibilité.

Cette semaine, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il a terminé sa consultation et a décidé de mettre en œuvre de nouveaux changements au régime d’intégrité. Plus particulièrement, le gouvernement a annoncé que le régime d’intégrité sera amélioré pour :

  • offrir une plus grande souplesse dans le cadre des décisions de radiation;
  • augmenter le nombre de déclencheurs qui peuvent mener à une radiation, y compris l’ajout de bureaux fédéraux, de certaines infractions provinciales, de « jugements civils étrangers pour inconduite » et de décisions de radiation prises par des provinces, par des juridictions étrangères et par des organisations internationales;
  • étudier des solutions de rechange pour atténuer davantage les risques liés au fait de faire affaire avec le crime organisé;
  • élargir la portée de l’éthique des affaires visée par le régime jusque dans les domaines clés, par exemple la lutte contre la traite des personnes et la protection des droits des travailleurs et de l’environnement. Par exemple, le gouvernement a indiqué qu’il mettrait en place de nouveaux déclencheurs de radiation applicables aux infractions prévues dans le Code canadien du travail (santé et sécurité au travail et salaires et heures standards) et aux infractions prévues par la législation environnementale fédérale. De plus, les fournisseurs devront bientôt certifier qu’ils ont pris des mesures raisonnables pour éviter le recours au travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement.

Le gouvernement du Canada a annoncé que le régime d’intégrité amélioré se reflétera dans une Politique d’inadmissibilité et de suspension révisée, qui sera publiée le 15 novembre 2018 et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019.

Répercussions pour les entreprises

L’engagement du gouvernement du Canada à ajouter de la souplesse dans les décisions de radiation est le bienvenu. Pour de nombreux intervenants, la période d’inadmissibilité automatique de 10 ans était particulièrement sévère. Souhaitons que les changements à venir atténueront les risques pour les sociétés qui ont fait l’objet d’accusations ou d’enquêtes pour des infractions mineures. Toutefois, la décision du gouvernement d’élargir le régime de manière à englober certaines infractions provinciales et des infractions relatives aux droits des travailleurs et à l’environnement, et à exiger des certifications relatives à la non-utilisation du travail forcé de l’étranger dans les chaînes d’approvisionnement, peut faire augmenter de façon spectaculaire les risques courus par les sociétés qui font des affaires avec le gouvernement fédéral.

Osler continuera à surveiller l’évolution de la situation, notamment lorsque le nouveau régime sera publié le 15 novembre 2018. Pour en savoir plus sur le régime d’intégrité et sur son incidence sur votre situation, veuillez communiquer avec un membre du secteur du litige ou du groupe Droit de la concurrence et investissement étranger d’Osler.