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Sanctions et mesures du Canada à l’égard de la Russie : ce que les entreprises canadiennes doivent savoir

Auteur(s) : Alan Kenigsberg, Elizabeth Sale, Danielle Chu, Chelsea Rubin

Le 28 février 2022

La semaine dernière, le Canada a annoncé et mis en œuvre deux séries de sanctions et de mesures économiques en réponse à la reconnaissance par la Russie de deux régions séparatistes dans l’est de l’Ukraine et au lancement subséquent d’une invasion militaire sur trois fronts visant l’Ukraine. Ces sanctions et ces mesures comprennent l’interdiction d’exporter des biens nécessitant des licences, et des restrictions sur les transactions avec diverses entités et personnes russes, y compris les grandes institutions financières russes, des membres de l’élite russe et des centaines de membres de la Chambre basse du Parlement russe. Le Canada avait conçu ces mesures en collaboration avec les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres alliés et elles sont maintenant pleinement en vigueur.

Le samedi 26 février 2022, les dirigeants de la Commission européenne, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada ont annoncé conjointement des mesures supplémentaires (l’« Annonce conjointe »). Il est important de noter que ces mesures comprennent le retrait de certaines banques russes de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (la « SWIFT »). Une fois mises en œuvre, ces mesures rendront beaucoup plus difficile le commerce international avec des contreparties russes.

Ce bulletin d’actualités couvre l’ensemble des nouvelles sanctions canadiennes contre la Russie (et les régions séparatistes d’Ukraine) actuellement en vigueur, les mesures imminentes auxquelles il faut s’attendre, un aperçu général des sanctions préexistantes contre la Russie et les développements futurs prévus. Pour de plus amples renseignements sur les récents événements en Russie, voir notre bulletin d’actualités de la semaine dernière intitulé « Le Canada annonce de nouvelles sanctions à l’encontre la Russie pour ses actions en Ukraine ».

Les nouvelles sanctions visant la Russie entrent pleinement en vigueur

La semaine dernière, le Canada a annoncé et mis en œuvre deux séries de nouvelles sanctions et mesures économiques à l’encontre de la Russie. Les deux séries de sanctions, décrites en détail dans le document d’information publié par Affaires mondiales Canada sont maintenant pleinement en vigueur et comprennent les éléments suivants :

  • Il est interdit aux Canadiens et aux personnes se trouvant au Canada d’effectuer des transactions diverses avec les zones des régions de Louhansk et de Donetsk qui ne sont pas sous contrôle ukrainien. Cela comprend l’interdiction de négocier des biens situés dans ces régions qui sont possédés, détenus ou contrôlés par la région ou une personne dans ces régions, d’importer, d’acheter, d’acquérir ou d’exporter des biens vers ou depuis ces régions, ou de fournir des services financiers ou d’autres services liés à la négociation de biens dans ces régions. Il est également interdit de causer, de faciliter, d’aider ou d’avoir l’intention de causer, de faciliter ou d’aider de telles activités. Ces mesures sont similaires aux interdictions existantes concernant les transactions avec la Crimée.
  • Il est interdit aux Canadiens et aux personnes se trouvant au Canada d’acheter, directement ou indirectement, de nouveaux titres de créance russes, comme des transactions sur des obligations d’État ou d’autres efforts déployés par l’État russe pour lever des capitaux. Plus particulièrement, il est interdit de négocier directement ou indirectement de nouveaux emprunts russes par l’intermédiaire de la Banque centrale de la Fédération de Russie, du Fonds national du patrimoine de la Fédération de Russie et du ministère des Finances de la Fédération de Russie.
  • Il est interdit aux Canadiens et aux personnes se trouvant au Canada de conclure des transactions directes ou indirectes avec diverses entités, dont 27 institutions financières clés. Ces institutions comprennent de grandes banques russes notamment la Sberbank, la VTB, la Vnesheconombank (banque d’État pour le développement et les affaires économiques étrangères, VEB), la Promsvyazbank PJSC et le Russian Direct Investment Fund. La liste complète des entités nouvellement sanctionnées se trouve dans le document d’information.
  • Il est interdit aux Canadiens et aux personnes se trouvant au Canada de conclure des transactions directes ou indirectes avec diverses personnes désignées en Russie et en Ukraine. Cela inclut l’interdiction de négocier des biens, de fournir des services financiers ou connexes, ou de mettre des biens à la disposition de ces personnes. Actuellement, la liste des personnes sanctionnées comprend 31 personnes qui sont des membres clés du cercle restreint du président Poutine, des contacts étroits ou des membres de la famille de personnes précédemment sanctionnées, quatre Ukrainiens impliqués dans la diffusion de désinformation prorusse et 351 membres de la Douma d’État russe qui ont voté en faveur de la reconnaissance de l’indépendance des territoires ukrainiens. La liste complète des personnes nouvellement sanctionnées se trouve dans le document d’information.
  • En outre, le gouvernement fédéral bloquera toute exportation vers la Russie nécessitant des licences d’exportation en refusant toute nouvelle demande de licence d’exportation vers la Russie. À compter du 24 février 2022, il a également annulé toutes les licences d’exportation vers la Russie en cours de validité. Ces mesures devraient avoir des répercussions importantes sur les entreprises des secteurs de l’aérospatiale, de la technologie et des minéraux. Il existe toutefois un nombre limité d’exceptions à l’égard des chaînes d’approvisionnement médical critiques.

Ces sanctions étant désormais pleinement appliquées en vertu de la législation canadienne, les entreprises ayant des activités dans ces régions doivent s’assurer qu’elles respectent les nouvelles mesures.

Retrait de certaines banques russes de la SWIFT et autres nouvelles mesures

L’une des mesures les plus importantes prévues dans l’Annonce conjointe était le retrait de certaines banques russes de la SWIFT (la « Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication »). La SWIFT est le numéro un mondial dans le domaine de la prestation de services de messagerie financière sécurisée. Plus de 11 000 institutions financières dans plus de 200 territoires y ont recours pour faciliter la transmission efficace et précise de fonds dans le monde entier. Il n’existe pas d’alternative à la SWIFT dans la pratique pour la plupart de ces institutions financières. Le retrait de ces banques russes de la SWIFT rendra donc extrêmement difficile pour les banques canadiennes d’effectuer des transactions avec ces institutions russes ou avec des contreparties russes dont les comptes sont détenus par ces institutions.

Si les banques particulières qui seront visées par cette mesure n’ont pas encore été révélées, les autorités allemandes ont indiqué que la mesure s’appliquerait aux banques russes faisant déjà l’objet de sanctions par la communauté internationale et, le cas échéant, à d’autres banques russes. Comme nous le mentionnons ci-dessus, les banques russes qui font actuellement l’objet de sanctions comprennent plusieurs des plus importantes banques de Russie.

Les entreprises canadiennes qui sont touchées par cette mesure devraient examiner attentivement tout accord contractuel impliquant des homologues russes avec un conseiller juridique afin de déterminer la meilleure façon de protéger leurs intérêts.

L’Annonce conjointe fait également référence à des restrictions visant à limiter la capacité de la Banque centrale russe à accéder à ses réserves mondiales. À la suite de l’Annonce conjointe, le gouvernement canadien a annoncé qu’il est « interdit immédiatement à toutes les institutions financières canadiennes de procéder à toute transaction avec la Banque centrale russe » et que le Canada « impose un gel des avoirs et une interdiction des transactions ayant trait aux fonds d’investissement souverains russes ». Les commentateurs ont noté que ces restrictions imposées à la Banque centrale russe pourraient avoir un effet dévastateur sur l’économie russe.

Parmi les autres mesures mentionnées dans l’Annonce conjointe, citons la prise de mesures à l’encontre des Russes fortunés qui possèdent des « passeports dorés » dans d’autres pays, et la mise en place d’un groupe de travail transatlantique chargé de veiller à l’application effective des sanctions financières en décelant et en gelant les avoirs des personnes et des entités sanctionnées dans leurs territoires respectifs.

Sanctions préexistantes visant la Russie

Comme nous l’avons indiqué dans notre discussion précédente sur la première série de sanctions annoncées le 22 février 2022, les sanctions annoncées cette semaine sont une extension des sanctions préexistantes imposées par le Canada pour la conduite antérieure de la Russie dans la région. Les sanctions préexistantes visent certaines personnes désignées et prévoient des restrictions dans certains secteurs comme le secteur financier (par exemple, le financement de nouvelles dettes et de nouvelles participations à l’égard de certaines entités) et le secteur de l’énergie (par exemple, l’exploration ou la production de pétrole), ainsi que les transactions dans la région de la Crimée en Ukraine. Ces sanctions restent en place.

Les Canadiens et les personnes au Canada qui font des affaires dans cette région du monde ou à proximité de celle-ci doivent porter une attention particulière au régime de sanctions existant et modifié afin de s’assurer du respect total de toutes les mesures.

Développements futurs prévus

Compte tenu de la volatilité de la situation en Ukraine, il est possible que d’autres mesures soient appliquées pour imposer une pression économique supplémentaire à la Russie. Il y aura également d’importants changements à venir alors que le Canada travaille à la mise en œuvre des mesures énoncées dans l’Annonce conjointe. Nous nous attendons à ce que de plus amples renseignements sur ces mesures soient publiés dans les prochains jours.

Le Canada et ses alliés ont fait front à l’égard des sanctions annoncées jusqu’à présent, et la ministre Joly a indiqué que le Canada prendrait des mesures de sanctions supplémentaires en accord avec ses alliés. Il sera donc essentiel de garder un œil sur l’évolution des sanctions dans le monde, car la situation continue d’évoluer.

Le groupe de droit du commerce international et de l’investissement d’Osler suit de près ce domaine du droit qui se développe rapidement. Si vous avez besoin d’aide ou si vous avez des questions concernant ce sujet ou toute autre question relative à la conformité avec le régime de réglementation du commerce et des sanctions du Canada, veuillez contacter un membre de notre équipe qui se fera un plaisir de vous aider.