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La CVMO adopte un nouveau cadre prévoyant la distribution aux investisseurs lésés des sommes d’argent recueillies en application d’ordonnances de remise La CVMO adopte un nouveau cadre prévoyant la distribution aux investisseurs lésés des sommes d’argent recueillies en application d’ordonnances de remise

23 juillet 2025 11 MIN DE LECTURE

Le 12 juin 2025, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a publié la version définitive des règlements mettant en œuvre le nouveau cadre législatif régissant la distribution aux investisseurs lésés des sommes d’argent qu’elle recueille en application d’ordonnances de remise (les règlements définitifs). Dans le passé, les investisseurs lésés par les auteurs d’infractions à la législation en matière de valeurs mobilières devaient obtenir réparation devant les tribunaux ou par le biais des services d’ombudsman prévus par la loi. Si les autorités de réglementation du commerce des valeurs mobilières étaient habilitées à rendre des ordonnances de remise, il n’existait toutefois aucun cadre régissant la distribution aux investisseurs lésés des sommes d’argent recueillies, ni aucune obligation pour l’autorité de réglementation de les distribuer.

Les règlements définitifs offrent aux investisseurs lésés une voie simplifiée pour obtenir réparation, par l’intermédiaire des autorités de réglementation elles-mêmes. Comme toujours, seul le temps dira si la mise en œuvre du cadre législatif permettra d’atteindre l’objectif visé, à savoir indemniser intégralement les investisseurs lésés. Quoi qu’il en soit, les règlements définitifs constituent une étape positive vers la réalisation du mandat de la CVMO eu égard à la protection des investisseurs.

En vertu du cadre législatif précédent (qui restera en vigueur jusqu’à la mise en œuvre du nouveau cadre législatif et des règlements définitifs), le Tribunal des marchés financiers et la Cour supérieure de justice de l’Ontario avaient le pouvoir de rendre des ordonnances de remise en application de la Loi sur les contrats à terme sur marchandises (Ontario) (LCTM) et de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario) (LVMO) lorsque le Tribunal des marchés financiers (ou autre tribunal) déterminait qu’il y avait eu infraction à la législation en matière de valeurs mobilières. Toutefois, le personnel de la CVMO n’était pas tenu de distribuer ces sommes aux investisseurs lésés par les auteurs d’une infraction à la législation en matière de valeurs mobilières, et il n’existait pas d’infrastructure ou de mécanisme particulier à cet effet. Pour ces raisons, il pouvait affecter les sommes remises à diverses fins particulières et limitées, par exemple au profit de tiers autorisés (généralement à des fins éducatives).

Introduction de modifications législatives

Le 4 décembre 2023, la Loi visant à bâtir un Ontario fort ensemble (mesures budgétaires) (projet de loi 146) a reçu la sanction royale. Le projet de loi 146 a apporté des modifications à la LVMO, à la LCTM et à la Loi de 2021 sur la Commission des valeurs mobilières. Les modifications législatives établissent un nouveau cadre législatif régissant la distribution des sommes recueillies par la CVMO en application d’ordonnances de remise aux investisseurs qui ont subi des pertes financières directes par suite d’une infraction à la législation ontarienne concernant les valeurs mobilières ou les contrats à terme sur marchandises. Ces modifications entreront en vigueur à une date ultérieure qui sera fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur.

Les règlements définitifs et les instructions générales connexes fournissent le cadre réglementaire nécessaire à la mise en œuvre des modifications législatives. Il est prévu que les règlements définitifs et les instructions générales entreront en vigueur en même temps que les modifications législatives.

Élaboration des règlements définitifs

La CVMO a publié les versions proposées des règlements définitifs (les règlements proposés) et des instructions générales (les instructions générales proposées) pour examen et commentaires le 11 juillet 2024 (comme nous en avons déjà parlé dans un bulletin précédent). Les règlements définitifs et les instructions générales tiennent compte des commentaires reçus dans le cadre de cette consultation publique.

La CVMO a reçu des mémoires de huit commentateurs, qui ont tous exprimé leur soutien à la proposition visant à moderniser le cadre régissant la distribution aux investisseurs lésés des sommes d’argent remises. Les commentateurs ont recommandé d’apporter certaines modifications à certains aspects des règlements proposés et des instructions générales proposées. Certaines de ces modifications, non substantielles, mais convaincantes, ont été intégrées dans les règlements définitifs et les instructions générales définitives. Ces modifications comprennent notamment :

  • l’actualisation des titres des règlements définitifs et des instructions générales
  • des indications supplémentaires précisant que, lorsqu’un investisseur n’est pas en mesure de participer à la procédure de réclamation, une autre personne, telle qu’un fiduciaire, un exécuteur testamentaire ou un autre représentant légal, peut déposer une réclamation en son nom
  • une exception supplémentaire précisant que l’obligation de distribution ne s’applique pas tant que le délai pour interjeter appel de la décision ayant donné lieu à l’ordonnance de remise n’a pas expiré ou, en cas d’appel de cette décision, tant que la procédure d’appel est en cours
  • des modifications au libellé des règlements définitifs précisant que la décision de la CVMO de procéder à la distribution des sommes reçues ou de ne pas procéder à la distribution de ces sommes au motif que celles-ci sont trop petites dépend des faits, non pas d’un seuil monétaire déterminé
  • d’autres exigences en matière d’avis auxquelles la CVMO doit se conformer

Cadre prévu par les règlements définitifs

Les règlements définitifs visent à fournir les quatre éléments de clarification suivants pour la mise en œuvre du projet de loi 146 :

  • les circonstances dans lesquelles les sommes d’argent reçues par la CVMO en application d’une ordonnance de remise doivent être distribuées
  • les conditions d’admissibilité des investisseurs demandant le paiement d’une somme sur les sommes d’argent remises reçues par la CVMO
  • la procédure de distribution des sommes remises aux investisseurs admissibles dans les cas où l’on ne fait pas appel à un administrateur nommé par la Cour
  • l’affectation des autres sommes reçues par la CVMO relativement à des sanctions et à des règlements, au paiement de certains frais d’administration liés à la distribution des sommes remises

En vertu des règlements définitifs, la CVMO est tenue de distribuer aux investisseurs lésés les sommes qu’elle a reçues aux termes d’une ordonnance de remise, sauf dans l’un ou l’autre des trois cas suivants :

  1. lorsque les sommes reçues le sont en application d’une ordonnance de remise rendue en réponse à une infraction à l’article 76 de la LVMO (qui interdit certaines opérations constituant un délit d’initié et du tuyautage)
  2. lorsque, de l’avis de la CVMO, les sommes reçues en application de l’ordonnance de remise sont trop petites pour justifier le coût de leur distribution
  3. le délai pour interjeter appel de la décision qui a donné lieu à l’ordonnance de remise n’a pas encore expiré ou la procédure d’appel est en cours

Dès réception de sommes en application d’une ordonnance de remise non exemptée, la CVMO doit publier sur son site Web un avis indiquant les sommes d’argent reçues. Si elle a l’obligation de distribuer les sommes en question, la CVMO doit également publier sur son site Web (et diffuser dans un communiqué de presse) le processus de réclamation et le délai de présentation des demandes à l’intention des demandeurs admissibles.

Les demandeurs admissibles (c.-à-d. les investisseurs lésés en vertu de l’ordonnance de remise) peuvent alors présenter dans le délai applicable une demande indiquant la perte financière qu’ils ont directement subie et la somme qu’ils réclament, accompagnée des pièces justificatives. La CVMO ne procédera à la distribution d’aucune somme tant qu’elle n’aura pas examiné toutes les demandes présentées aux termes des règlements définitifs et qu’elle n’aura pas déterminé la somme à verser à chacun des demandeurs. Les paiements aux demandeurs admissibles peuvent être effectués soit par un administrateur nommé par la Cour, soit par la CVMO elle-même.

En outre, les règlements définitifs prévoient un cadre pour le paiement des frais d’administration. Les frais d’administration, prévus aux paragraphes 128.1(9) et (12) de la LVMO, comprennent, de manière générale, les frais engagés par l’administrateur pour l’exécution de l’ordonnance de remise. Les frais d’administration seront réglés comme suit :

  • d’abord, au moyen des sommes reçues par la CVMO relativement à toute pénalité administrative ou à tout règlement dans le cadre de la procédure qui a donné lieu à la distribution des sommes remises
  • ensuite, au moyen des autres sommes détenues par la CVMO relativement à une pénalité ou à un règlement dans la mesure que celle-ci juge appropriée
  • enfin, au moyen des sommes remises qui doivent être distribuées

Une fois qu’elle a distribué la totalité des sommes d’argent reçues en application d’une ordonnance de remise, la CVMO doit publier dans les 60 jours un rapport contenant divers renseignements sur les sommes distribuées.

Si, après avoir envoyé les paiements aux demandeurs admissibles, elle n’est toujours pas en mesure, après 180 jours, de distribuer une somme approuvée aux fins de paiement, la CVMO acquiert la propriété de la somme en question.

Conséquences

La communauté des défenseurs des investisseurs a toujours exprimé, à juste titre, ses préoccupations concernant la longueur et la complexité du processus permettant aux investisseurs lésés de demander – et d’obtenir, dans le meilleur des cas – une réparation financière pour les pertes subies en raison d’infractions à la législation en matière de valeurs mobilières. Avec l’introduction du projet de loi 146 et des règlements définitifs, les investisseurs lésés n’auront plus qu’à présenter une réclamation à la CVMO pour obtenir réparation. En finalisant et en publiant les règlements définitifs, la CVMO a donc fait un pas à l’intention des investisseurs vers des mesures de réparation plutôt que vers de simples mesures de protection.

Cependant, avec l’augmentation du nombre de réclamations que les investisseurs lésés lui présenteront, la CVMO risque de voir s’alourdir sa charge de travail, notamment en ce qui concerne les mesures d’intervention efficaces et proactives devant empêcher les actes répréhensibles et les préjudices susceptibles d’être causés aux investisseurs. Bien que de permettre aux investisseurs lésés d’avoir accès aux sommes d’argent remises soit un objectif louable, le fait de confier à une autorité de réglementation régie par la loi la responsabilité de leur distribution pourrait détourner certaines de ses ressources de leurs fonctions essentielles. Il s’agit là d’un risque que l’autorité de réglementation devra gérer au moment de la mise en place du nouveau cadre, risque qui devra être largement atténué au moyen de l’augmentation de ses ressources.

Le nouveau cadre législatif et les règlements définitifs pourraient également avoir des conséquences intéressantes. Par exemple, les tribunaux (y compris la Cour suprême du Canada dans l’affaire AIC Limited c. Fischer) ont déjà certifié des actions collectives en matière de valeurs mobilières, malgré les ententes de règlement conclues préalablement avec l’autorité de réglementation. Dans ces affaires, les tribunaux ont conclu que ces ententes de règlement et les procédures de la CVMO qui s’y rattachaient, qui prévoyaient la distribution de sommes d’argent aux investisseurs lésés, accordaient des droits de participation limités aux investisseurs et ne fournissaient pas suffisamment de renseignements sur la façon dont le personnel de la CVMO calculait l’indemnité à verser aux investisseurs. Par conséquent, les ententes de règlement n’excluaient pas la possibilité d’actions collectives ultérieures et ne garantissaient pas le caractère définitif de la décision. Cela a peut-être entraîné une certaine hésitation à régler la question avec l’autorité de réglementation jusqu’à ce que la portée du risque civil puisse être déterminée. Si la plus grande certitude associée au nouveau cadre législatif régissant la distribution aux investisseurs lésés des sommes recueillies par la CVMO en application d’ordonnances de remise limite la possibilité pour les investisseurs d’intenter des actions collectives, cela pourrait rendre plus attrayant le règlement rapide des différends avec l’autorité de réglementation.

Quoi qu’il en soit, il ressort clairement de cette initiative, ainsi que des efforts continus des ACVM visant à moderniser l’ensemble du régime de règlement des différends (qui fera l’objet d’un autre bulletin), que les autorités de réglementation et les gouvernements qui les soutiennent continuent de chercher à renforcer les voies de recours offertes aux investisseurs et aux consommateurs lésés, ce qui constitue un élément clé de leur mandat.