Auteurs(trice)
Associé, Litiges, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Une récente décision [PDF; en anglais seulement] du comité d’instruction de la Law Society of Alberta (LSA) souligne la responsabilité particulière des professionnels de ne pas se laisser entraîner par la mauvaise conduite d’autrui. La LSA a examiné le cas d’un avocat de l’Alberta qui a admis avoir commis les actes suivants :
- omission de prendre des mesures appropriées ou suffisantes pour déterminer si son client enfreignait les lois albertaines sur les valeurs mobilières
- à partir de sa société professionnelle, délivrance à son client de notes d’honoraires qui faisaient indûment état de services juridiques, sans faire de distinction entre les honoraires et les débours
Acceptant les observations conjointes des parties sur les sanctions, la LSA a prononcé une suspension d’un mois à l’encontre de l’intimé, assortie de dépens de 52 302,83 $.
La procédure disciplinaire de la LSA découle de la même matrice factuelle qui a conduit l’Alberta Securities Commission (ASC) à conclure un règlement amiable [PDF; en anglais seulement] en 2019. Dans cette affaire, l’intimé avait admis avoir enfreint l’alinéa 93(a)(ii) de la loi de l’Alberta intitulée Securities Act[1], c’est-à-dire que, relativement à des valeurs mobilières, il s’était livré ou avait participé à un acte, à une pratique ou à une ligne de conduite dont il aurait dû savoir qu’il donnait lieu ou contribuait à un cours artificiel à leur égard. L’intimé a accepté de payer à l’ASC un règlement monétaire de 70 000 $ plus des dépens de 20 000 $, et d’être soumis à une interdiction de participer au marché pendant huit ans.
La décision de la LSA et le règlement de l’ASC qui s’y rapporte soulignent l’importance pour les avocats de prendre des mesures suffisantes pour relever les signaux d’alarme soulevés par la conduite de leurs clients. Il est important de noter que, lorsque les avocats agissent en tant que « dupe » pour un client peu scrupuleux dans le contexte du droit des valeurs mobilières, leur conduite peut mener l’autorité en valeurs mobilières compétente à prendre à leur encontre non seulement des mesures d’application de la loi, mais aussi des sanctions pour manquement aux obligations professionnelles qui leur incombent en vertu des règles de déontologie auxquelles ils sont assujettis.
Contexte
L’intimé a admis avoir aidé sa connaissance à constituer, pour son usage personnel, une société commerciale internationale (SIC) au Bélize. La connaissance de l’intimé détenait des actions de Bluforest Inc., société du Nevada, dont les titres étaient cotés sur le tableau de cotation d’OTC Markets Group Inc. (le tableau OTC) aux États-Unis. Le statut de Bluforest auprès du secrétaire d’État du Nevada était alors indiqué comme « révoqué » (revoked).
Le 31 juillet 2012, Bluforest est devenu un émetteur assujetti en Alberta.
Au cours de 2013, la connaissance de l’intimé a organisé et dirigé une campagne promotionnelle visant à gonfler artificiellement le cours et le volume des titres Bluforest sur le tableau OTC (c.-à-d. un stratagème de « pompage et larguage »). L’intimé n’était pas directement au courant de la campagne promotionnelle, mais a reconnu devant l’ASC qu’il n’avait pas pris les mesures appropriées pour savoir si sa connaissance menait un tel stratagème.
Au milieu de 2013, l’intimé était conscient que les actions de Bluforest se négociaient en gros volumes sur le tableau OTC. En juillet 2013, un enquêteur du personnel de l’ASC a envoyé à l’intimé, en sa qualité de conseiller juridique de sa connaissance, un courriel lui faisant part de son inquiétude concernant une augmentation récente et marquée de pourriels non sollicités concernant Bluforest.
En août 2013, sur les instructions de sa connaissance, l’intimé a rempli et signé un formulaire de vérification de l’identité du client en tant que propriétaire véritable d’un compte pour Lightship auprès d’Unicorn International Securities LLC (Unicorn), société du Bélize. L’intimé savait qu’Unicorn était contrôlée et gérée par sa connaissance.
Sur la base de ces faits sous-jacents, l’intimé a admis s’être livré ou avoir participé, relativement à des valeurs mobilières, à un acte, à une pratique ou à une ligne de conduite dont il aurait dû savoir qu’il avait donné lieu ou contribué à un cours artificiel à leur égard.
Principaux points à retenir
Des affaires antérieures montrent que si les barreaux provinciaux ont un droit de regard sur les avocats « voyous » qui donnent des conseils jugés inappropriés sur des questions liées aux valeurs mobilières, les autorités en valeurs mobilières peuvent également faire valoir leur compétence pour tenir ces participants responsables d’activités non conformes[2]. En l’espèce, les sanctions imposées à l’intimé par l’ASC et la LSA ne découlent pas de sa mauvaise conduite intentionnelle, mais plutôt de son incapacité à relever la mauvaise conduite d’autrui et à agir en tant que gardien efficace pour l’empêcher. Cette affaire met en lumière le rôle et la responsabilité uniques des professionnels sur le marché des valeurs mobilières, et dans de nombreux autres contextes également.
[1] R.S.A. 2000, c. S-4, en sa version modifiée.
[2] Daley (Re), 2021 ONSEC 12; Volk (Re), 2018 ONSEC 31; Grmovsek (Re), ordonnance du 26 octobre 2009 [PDF]; Belteco Holdings Inc. et al, Re (1998), 21 OSCB 6399, aff’d 2003 CanLII 2451 (ONSC (Div. Ct.)).