Auteur
Associée, Litiges, Toronto
La Cour d'appel de l'Ontario, dans sa décision récente dans l'affaire Mendoza c. Active Tire & Auto Centre Inc. (2017 ONCA 471), a rejeté l'interprétation d'un tribunal de première instance quant au critère à appliquer dans le cadre de la résolution d'un contrat en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises, L.O. 2000, chap. 3 (la Loi), et a rendu un jugement sommaire en faveur des appelants prononçant la résolution du contrat de franchisage. La Cour d'appel de l'Ontario a confirmé que le critère à appliquer dans le cadre de la résolution d'un contrat en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi était la présence de « lacunes importantes » (materially deficient) dans la divulgation, et non la manière dont un franchisé en particulier agit ou réagit après réception du document d'information. La Cour a insisté sur le fait que les franchisés ont le droit de se fier au contenu du document d'information même lorsqu'ils ne l'ont pas examiné.
Comme il a été mentionné dans un précédent bulletin d’Actualités Osler, dans la décision de première instance (2016 ONSC 3009), le juge Dow s'est demandé si le franchisé avait pris une « décision éclairée » de conclure la relation de franchisage, au lieu d'évaluer objectivement la divulgation afin d'établir si elle comportait des « lacunes importantes ». En outre, le juge Dow a évalué la connaissance subjective du franchisé et non la question de savoir si la divulgation du franchiseur comportait, objectivement, des lacunes importantes au regard des exigences de la Loi. Si cette approche moins stricte et plus subjective à l'égard du paragraphe 6(2) représentait un développement accueilli favorablement par les franchiseurs, elle divergeait de décisions rendues antérieurement en Ontario, notamment par la Cour d'appel de l'Ontario.
Contexte
Dans cette affaire, les Mendoza avaient conclu un contrat de franchisage avec Active Tire & Auto Centre (Active Tire) en vue d'exploiter une franchise Active Tire. Après trois mois environ d'exploitation à perte d'une franchise non rentable, les Mendoza ont remis, le 31 août 2015, un avis de résolution à Active Tire. Les Mendoza ont demandé la résolution du contrat en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi, qui stipule qu'« [un] franchisé peut résoudre le contrat de franchisage, sans pénalité ni obligation, au plus tard deux ans après l’avoir conclu si le franchiseur ne lui a jamais remis le document d’information ».
Cherchant à résoudre le contrat de franchisage sur la base de cette disposition, les Mendoza ont invoqué les lacunes suivantes dans la divulgation :
(1) un seul dirigeant ou administrateur d'Active Tire avait signé l'attestation de divulgation;
(2) les états financiers n'avaient pas été entièrement « vérifiés » ou préparés dans le cadre d'une « mission d'examen »;
(3) Active Tire n'avait pas remis tous les documents requis en même temps sous la forme d'un seul document;
(4) la lettre de crédit irrévocable décrite dans la demande de concession différait de manière importante de celle qui avait en fait été signée;
(5) Active Tire avait omis de communiquer les hypothèses et renseignements sous-jacents dans le cadre des projections financières.
Le juge Dow a reconnu qu'il y avait des lacunes dans le document d'information, en particulier le fait qu'il ne contenait qu'une seule signature et l'insuffisance et la non-conformité de l'information financière. Cependant, même si Active Tire n'avait pas respecté les exigences de la Loi, le juge Dow a conclu que les documents qu'elle avait fournis étaient suffisants pour permettre aux Mendoza de prendre une décision éclairée relativement à la conclusion ou non du contrat de franchisage, et que les lacunes n'étaient ni importantes ni trompeuses.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d'appel a réitéré la conclusion de la Juge MacFarland dans l'affaire 6792341 Canada Inc. c. Dollar It Ltd. (2009 ONCA 385 Dollar It), à savoir qu'un soi-disant document d'information qui comporte de nombreuses lacunes importantes ne constitue pas un document d'information au sens de la Loi, de sorte que la résolution du contrat en vertu du paragraphe 6(2) demeure possible.
Dans la présente affaire, le juge Dow a reconnu qu'il y avait des lacunes : l'absence des signatures de deux administrateurs ou dirigeants sur l'attestation de divulgation et l'omission de fournir des états financiers conformément à la Loi. La Cour d'appel a convenu avec le juge Dow qu'il s'agissait là des principales lacunes. Cependant, contrairement au juge Dow, la Cour d'appel a jugé qu'elles représentaient des lacunes importantes qui étaient fatales pour le document d'information.
Premièrement, la Cour d'appel a souligné que l'obligation de faire signer l'attestation de divulgation par deux dirigeants ou administrateurs est liée à l'alinéa 7(1)(e) de la Loi, qui prévoit que les signataires du document d'information sont personnellement responsables des dommages occasionnés au franchisé par suite d'une présentation inexacte des faits. En abordant cette question, le juge Dow n'a pas fait grand cas de l'omission de fournir deux signatures puisque les Mendoza avaient rencontré la plupart des administrateurs, et que de l'information sur les antécédents de ces derniers figurait dans la partie II des documents d'information.
Selon la Cour d'appel, l'approche adoptée par le juge Dow illustre son incompréhension du sens de l'alinéa 7(1)(e) de la Loi, qui confère des droits importants en dommages-intérêts aux franchisés à l'encontre des administrateurs et des dirigeants qui signent le document d'information, et ce faisant, vise à faire comprendre aux signataires l'importance de s'assurer que le document d'information est complet et exact. La Cour a conclu que le fait de n'avoir pas apposé deux signatures sur l'attestation constituait une lacune importante dans la divulgation :
[traduction] Cette exigence n'est pas dépourvue d'importance. Les signataires sont personnellement responsables de l'exactitude et du caractère suffisant du contenu du document d'information, et cette responsabilité s'appuie sur leur responsabilité personnelle envers le franchisé. Il s'agit d'un droit important du franchisé dont n'a pas tenu compte le juge saisi de la requête. Il est clairement un élément important de tout contrat de franchisage.
Deuxièmement, la Cour d'appel a exprimé son désaccord avec le juge Dow qui avait affirmé que l'omission d'Active Tire de fournir l'information financière la plus récente du franchiseur, sous la forme et dans les délais prescrits par la Loi., était sans importance Le Règlement 581/00 pris en application de la Loi exige d'un franchiseur qu'il remette à un franchisé éventuel ses états financiers vérifiés relatifs au dernier exercice complété, tout en lui accordant un délai de grâce de 180 jours s'il ne les a pas encore préparés.
Dans cette affaire, Active Tire n'avait pas produit ses états financiers pour 2014, comme cela était requis. Elle n'avait produit que ses états financiers pour 2013, et ce, au-delà de la période de grâce de 180 jours. Selon la Cour d'appel, le fait d'accepter que la lacune n'était pas importante parce que les états financiers de l'exercice précédent n'avaient été livrés que deux semaines après la période de grâce prévue par la loi signifierait que les franchiseurs seraient libres de se soustraire aux exigences prévues par la loi concernant l'obligation de produire des états financiers à jour, de sorte que les franchisés ne pourraient pas bénéficier des protections contenues dans la Loi.
La Cour d'appel a aussi estimé que le juge Dow avait commis une erreur en prenant en compte l'argument d'Active Tire suivant lequel, puisque M. Mendoza n'avait pas lu personnellement le document d'information en entier, il ne pouvait pas affirmer que son contenu revêtait une importance pour lui. D'après la Cour d'appel :
[traduction] [26] La Loi impose des obligations de divulgation importantes aux franchiseurs au bénéfice des franchisés. Elle ne rend pas le recours à la résolution du contrat conditionnelle à l'approche adoptée par un franchisé à l'égard du document d'information. Cette interprétation est conforme à l'esprit de la Loi, qui vise à garantir que les franchiseurs désireux de conclure des contrats de franchisage avec des franchisés doivent toujours fournir la documentation requise à chacun d'entre eux. Leurs obligations ne changent pas en fonction des actions ou des réactions de franchisés en particulier. Elles ne diminuent pas non plus si les franchisés n'examinent pas le contenu du document d'information. Les franchisés ont le droit de se fier au contenu de ce document et peuvent vérifier plus tard ce qu'ils ont cru et compris quand ils ont décidé de procéder à l'acquisition d'une franchise.
Tandis que l'approche moins stricte du juge Dow, centrée sur l'argument de « décision éclairée » du franchisé, représentait un développement accueilli favorablement par les franchiseurs, car il leur aurait d'autres moyens de s'opposer à la résolution de contrats, la Cour d'appel a maintenu que le critère à appliquer pour une divulgation appropriée est strictement objectif. Cette conclusion n'est pas surprenante et concorde avec les décisions rendues antérieurement en Ontario, notamment les affaires Dollar It, 2240802 Ontario Inc. c. Springdale Pizza Depot Ltd. (2012 ONCA 2360), et Sovereignty Investment Holdings Inc. c. 9127-6907 Quebec Inc., [2008] OJ No 4450, 171 ACWS (3d) 597.