Congrès de l’ACPE de 2025 : face à tant d’incertitude, quelle direction doit-on privilégier? Congrès de l’ACPE de 2025 : face à tant d’incertitude, quelle direction doit-on privilégier?

17 mars 2025 14 MIN DE LECTURE

En règle générale, le congrès annuel de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (ACPE) est l’occasion, pour l’industrie minière, de célébrer les succès de l’année écoulée et de dégager un consensus par rapport à ce qui l’attend au cours des prochaines années. Cette année, le congrès de l’ACPE s’est terminé avec davantage de questions que de réponses, notamment en ce qui concerne la capacité à faire avancer les choses qui favorisent les activités de développement. Les problèmes relevés année après année ne semblent pas vouloir se dissiper, malgré les nombreux discours et les promesses répétées. Cette année, le congrès a été imprégné d’un nuage d’incertitude, en raison des turbulences et de l’incertitude politiques, et de la volatilité corrélative des marchés. Il s’agit d’un énorme défi pour une industrie qui est fondée sur le commerce international et l’accès aux capitaux.

À l’ouverture, le congrès, regorgeant d’énergie, était habité par un optimisme décontracté (mais prudent) bien connu de l’industrie minière. Plus de 27 000 délégués inscrits et 1 100 exposants se sont réunis à Toronto pour représenter l’industrie. Le parquet était effervescent et les réceptions étaient empreintes d’un enthousiasme digne des congrès antérieurs. L’industrie minière a continué à chercher le catalyseur qui relancerait l’engagement, l’investissement et la conclusion de transactions. Encore une fois, nous sommes heureux de vous faire part de nos réflexions sur le congrès annuel de l’ACPE.

Un porte-à-faux politique

L’incertitude politique qui règne dans le monde est si aiguë qu’elle ne pouvait que contribuer au discours de l’ACPE. Les récentes élections provinciales en Ontario, la course à la direction du Parti libéral du Canada et les élections fédérales qui se profilent à l’horizon ont contribué à elles seules à alimenter les conversations sur l’industrie minière canadienne. Encore cette année, bon nombre des questions qui ont été maintes fois discutées dans le passé ont ressurgi, pour constater le peu de progrès concrets qui avaient été réalisés jusqu’à ce jour à l’appui de l’exploitation minière au Canada.

Le déclenchement de la guerre commerciale transfrontalière entre les États-Unis et le Canada à la fin de la première journée du congrès a eu un effet marqué sur l’effervescence qui régnait au congrès mardi. De nombreux délégués et acteurs du marché ont spéculé sur l’impact et la durée des tarifs et contre-tarifs imposés. Il y a eu une augmentation marquée de la rhétorique politique à la suite de certaines annonces, y compris l’annonce du projet de prolongation du crédit d’impôt pour l’exploration minière et les annonces concernant les investissements dans les minéraux critiques, à la fois s’opposant à l’administration Trump et préfigurant la campagne électorale fédérale canadienne. 

Les minéraux critiques : la carte maîtresse du Canada

Malgré la vigueur de l’or à titre de produit de base (mais pas autant en sa qualité de titre de participation), les minéraux critiques continuent de dominer les conversations. Jouissant d’une telle force au chapitre des ressources naturelles, le Canada devrait être un chef de file dans le secteur de la mise en valeur et de la production des minéraux critiques. En effet, les minéraux critiques ont été salués comme un avantage stratégique clé pour le Canada dans une guerre commerciale contre les États-Unis.

Malheureusement, les actions et la rhétorique ne semblent pas correspondre. Des stratégies sur les minéraux critiques ont été lancées en 2022 (consultez notre article de la Rétrospective de l’année juridique 2022 d’Osler), mais peu de choses ont changé depuis. Les projets sont toujours confrontés à du capital difficile d’accès, à des infrastructures limitées et à des processus d’octroi de permis trop longs, malgré les promesses de résoudre ces trois problèmes. 

Il n’est pas certain qu’il existe une volonté politique d’adopter les politiques et les règlements qui s’imposent pour réellement encourager et soutenir l’exploitation des minéraux critiques. De même, les promesses d’un soutien financier important ont été faites au compte-gouttes, et les investissements engagés ou réalisés à ce jour ont été limités.

L’accès au capital reste limité pour de nombreux émetteurs désireux de faire avancer des projets d’exploitation de minéraux critiques au Canada. Il s’agit là aussi d’un signe inquiétant qui ne peut que contribuer davantage aux défis posés par le développement de projets et la mise en place d’un approvisionnement indépendant en minéraux critiques pour le Canada. En outre, signe clair de la volonté de remédier à la situation commerciale actuelle, le 5 mars, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada a annoncé que la mesure dans laquelle un investissement étranger pourrait porter atteinte à la « sécurité économique du Canada » avait été explicitement ajoutée parmi les facteurs à considérer dans le cadre des examens relatifs à la sécurité nationale. Se voulant une mesure de protection contre les investissements étrangers opportunistes ou hostiles, un tel changement pourrait avoir pour effet de limiter davantage les capitaux accessibles aux émetteurs canadiens. 

Les barrières commerciales interprovinciales (qui font également l’objet d’une grande attention de la part des marchés et des politiciens, et de promesses de solutions rapides permettant de lever les obstacles) entravent également le développement de projets, car elles limitent la disponibilité des ressources au sein du pays. L’élimination de ces barrières commerciales constituera un élément important de l’accroissement de la productivité et du développement de projets au Canada. Il reste à voir si les promesses de coopération fédérale-provinciale et la reconnaissance de la nécessité d’agir rapidement déboucheront sur des mesures concrètes (cela n’a certainement pas été le cas pour l’octroi des permis d’exploitation des minéraux critiques). 

L’impact sur la conclusion de transactions

Les périodes d’incertitude et de volatilité sont rarement de bon augure pour la conclusion de transactions. Elles ont clairement amené une réduction significative des opérations de fusion et de mobilisation de capitaux, au niveau tant national que mondial. Il y a lieu d’être optimiste quant à leur reprise : quelques opérations de fusion et d’acquisition ont été conclues sur le marché intermédiaire et des opérations de mobilisation de capitaux ont été réalisées récemment par des émetteurs bien connus ayant un bon pedigree. D’autres opérations de regroupement se profilent à l’horizon. Cette évolution est bien sûr positive, car elle offre des possibilités d’augmentation d’échelle, de gains d’efficacité et d’accès au marché, mais elle s’inscrit malheureusement dans la tendance mondiale vers la baisse du nombre de sociétés ouvertes.

Sans surprise, compte tenu de leur cours, les produits de base, l’or en particulier, ont été très actifs. Les producteurs d’or s’en sortent bien, grâce à des marges importantes et à des flux de trésorerie disponibles considérables. C’est particulièrement vrai pour ceux qui font affaire au Canada, où les dépenses sont engagées en dollars canadiens, mais où les revenus sont perçus en dollars américains. De nombreuses sociétés aurifères émettrices à grande et moyenne capitalisation sont de retour sur le marché et cherchent à déployer leurs liquidités, notamment par le biais d’opérations immobilières et de prises de participation minoritaire stratégiques dans de petites sociétés. Il s’agit certainement d’une nouvelle lueur d’espoir pour l’industrie et d’un domaine à surveiller de près.

L’urgente nécessité de réformer les processus d’octroi de permis

Depuis des années, les entreprises ayant des projets en cours de développement déplorent les délais toujours plus longs qui s’écoulent entre la découverte et la production. Plusieurs allocutions prononcées au cours du congrès ont de nouveau mis l’accent sur ce problème. Des délais qui, il y a à peine une génération, pouvaient se compter sur les doigts d’une main nécessitent aujourd’hui des doigts et des orteils, voire plus. Depuis plusieurs années, la rationalisation des processus d’octroi de permis est un sujet de discussion parmi les décideurs, surtout considérant l’importance accordée aux minéraux critiques. Le problème réside en partie dans la myriade d’éléments interconnectés qui sont liés aux processus d’octroi de permis.

Les promoteurs de projets doivent aligner les études techniques, les consultations communautaires et les engagements financiers (qui incluent souvent la nécessité de conclure des conventions d’exploitation comme condition préalable au financement entourant le processus d’octroi de permis). Les infrastructures à construire dans le cadre des projets miniers font l’objet d’un processus d’octroi de permis distinct. En raison de l’imprévisibilité des processus d’octroi de permis, il est difficile de respecter les engagements pris envers les parties prenantes en matière de calendrier et de budget à l’égard d’un projet. 

Par ailleurs, il reste à voir si les gouvernements parviendront réellement à rationaliser les processus d’octroi de permis. L’obligation qu’a la Couronne en vertu de la Constitution de consulter les communautés autochtones touchées est un aspect essentiel des processus d’octroi de permis. Dans la pratique, une grande partie de cette obligation a été transférée aux promoteurs de projets, qui doivent démontrer le consentement de la communauté par le biais d’ententes sur les retombées. Pour accélérer ces processus, nous devrons probablement trouver des solutions novatrices permettant d’équilibrer les obligations et les intérêts des promoteurs de projets, des communautés locales et des gouvernements.

De nouvelles idées ont été formulées en ce qui concerne le partage des redevances gouvernementales liées à l’exploitation des ressources, mais ces idées vont nécessiter la coopération de multiples paliers de gouvernement. Des progrès plus importants semblent possibles dans les régions où des ententes sur l’utilisation du territoire ont déjà été conclues avec les Premières Nations locales. Malheureusement, la mise en œuvre de ces ententes a pris des décennies; par conséquent, on ne voit pas très bien comment les projets dans d’autres régions pourraient être menés à bien rapidement sur cette base. À bien des égards, il serait plus facile pour les promoteurs de projets de s’assurer de leur propre chef du concours des communautés touchées, sans avoir à s’encombrer des processus gouvernementaux. Ce qui est clair, c’est qu’il est impossible de développer un projet sans la participation et le consentement des communautés touchées.

Évolution récente de la réglementation : résoudre des problèmes tout en en créant de nouveaux

Notre hésitation à nous prononcer sur la capacité des gouvernements à opérer de grands changements s’explique en partie par l’expérience que nous avons eue récemment avec de petits changements. 

Avant le congrès, on craignait que la prorogation du Parlement canadien n’empêche le renouvellement du programme de crédit d’impôt pour l’exploration minière destiné aux détenteurs d’actions accréditives avant son expiration à la fin du mois de mars 2025. Au cours du congrès, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il se proposait de prolonger ce programme de deux ans. Toutefois, pour être mise en œuvre, une telle prolongation devra faire l’objet d’une loi du Parlement. À l’approche des élections fédérales et d’un éventuel changement de gouvernement, l’incertitude règne à ce sujet. 

Le crédit d’impôt pour l’exploration minière destiné aux détenteurs d’actions accréditives ne devrait pas être une question partisane, mais il sera intéressant de voir si des financements par actions accréditives auront lieu après l’expiration qui était prévue à la fin du mois de mars, ou si le marché pourra se fier à la déclaration du ministre sur ce point. Bien que l’Agence du revenu du Canada ait généralement mis en œuvre les changements à compter de la date de leur annonce, l’incertitude politique pourrait se répercuter sur leur interprétation et leur adoption (de la même manière que les changements en attente concernant les gains en capital l’ont été à la fin de 2024 avant le report de leur mise en œuvre, mais une différence majeure réside dans le fait que la non-mise en œuvre de la prolongation du programme de crédit d’impôt pour l’exploration minière vaudrait refus d’un crédit d’impôt et entraînerait une augmentation de l’impôt exigible, tandis que la non-mise en œuvre des changements concernant les gains en capital entraînerait un remboursement d’impôt). Les émetteurs devront encore prendre les mêmes engagements et verser les mêmes indemnités aux investisseurs pour soutenir la prime de valorisation découlant d’un placement d’actions accréditives (il n’y a aucune prime à commercialiser sans les avantages fiscaux), de sorte qu’ils supporteront le risque que la politique interfère avec l’obtention de l’approbation finale du Parlement. 

De plus, nous avons vu récemment les provinces clés du Québec et de la Colombie-Britannique modifier leur régime de titres miniers afin que le processus de jalonnement des claims miniers respecte les droits des communautés autochtones. Les changements opérés dans ces deux provinces ont pris l’industrie au dépourvu. Au Québec, les renouvellements de claims ont dû s’adapter aux nouvelles règles et, en Colombie-Britannique, on craint que le processus de jalonnement proposé n’entraîne une diminution des dépenses d’exploration minière dans un contexte où ces dépenses accusent déjà une baisse. 

Enfin, nous notons que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont annoncé (bien que de manière informelle et pas encore officiellement pour commentaires) les modifications tant attendues au Règlement 43-101. Un certain nombre des modifications proposées visent à alléger le fardeau réglementaire, mais la question est de savoir si des modifications plus substantielles sont justifiées. Les réserves de capitaux destinées aux investissements miniers au Canada ont diminué ces dernières années, et beaucoup considèrent leur renouvellement peu probable. 

La position du Canada en tant que chef de file mondial au chapitre du financement de l’exploitation minière pourrait être remise en question et, à tout le moins, il semble que, pour ce qui est de mobiliser des capitaux, les émetteurs regardent au-delà des sources de financement traditionnelles et adoptent une approche globale plus vaste. Cela laisse entendre qu’il est primordial d’harmoniser les règlements canadiens avec les codes étrangers. À ce titre, les modifications proposées concernent des questions telles que les estimations des ressources minérales, mais il existe un certain nombre de différences de présentation, d’interprétation et d’approche entre le Règlement 43-101 et les codes étrangers qui pourraient être aplanies, ce qui permettrait aux émetteurs de gérer leurs obligations d’information multiterritoriales. Nous encourageons les acteurs de l’industrie à s’informer en détail sur le projet de modification du Règlement 43-101 et à participer au processus de consultation.  

Le temps de passer aux actes

Depuis plusieurs années, nous espérons que les projets de règlement et de politique qui sont mis de l’avant faciliteront et accéléreront le développement de projets miniers au Canada et soutiendront les sociétés minières émettrices canadiennes. De manière générale, nous avons été déçus par les tentatives d’apporter des changements significatifs producteurs de résultats tangibles. Avec tant d’incertitude aux niveaux national et mondial, nous commençons enfin à voir les dirigeants politiques prendre conscience que le temps du changement est venu – un sentiment que nous soutenons fermement. Dotée de vastes ressources minérales à l’échelle nationale et d’une base de connaissances sur les ressources naturelles inégalée à l’échelle mondiale, l’industrie minière a clairement la possibilité de faire des progrès considérables face aux défis mondiaux. La nécessité d’avoir une industrie nationale vigoureuse, d’exploiter les ressources minérales critiques dont on a tant besoin et de se doter d’une chaîne d’approvisionnement intégrée crée des occasions que l’on n’a pas vues depuis longtemps. En tant qu’industrie, nous devons nous rassembler et tirer parti des occasions qui s’offrent à nous pour apporter une sécurité économique au Canada et lui redonner son statut de territoire de choix pour les promoteurs de projets d’exploitation de ressources naturelles. Si nous ne commençons pas à agir maintenant et n’agissons pas rapidement, le Canada s’exposera à des risques considérables.