La Commission du droit de l’Ontario demande la poursuite des efforts visant à moderniser la Loi ontarienne sur la protection du consommateur

9 Oct 2024 23 MIN DE LECTURE

Le 6 décembre 2023, le gouvernement de l’Ontario a adopté la Loi de 2023 pour mieux servir les consommateurs et les entreprises (le « projet de loi 142 »). Lorsqu’il entrera en vigueur, le projet de loi 142 promulguera la Loi de 2023 sur la protection du consommateur (la « nouvelle LPC »), qui abrogera et remplacera la Loi de 2002 sur la protection du consommateur (l’« actuelle LPC »).

Même si les entreprises ont accueilli favorablement les modifications apportées à la nouvelle Loi sur la protection du consommateur (la « LPC ») à des fins de simplification et de rationalisation de certaines exigences de conformité redondantes, en mai 2024, la Commission du droit de l’Ontario (la « CDO ») a publié un rapport intitulé Improving Consumer Protection in the Digital Marketplace [PDF en anglais] (le « rapport de la CDO ») dans lequel elle réclame la poursuite des efforts de « modernisation » du cadre de protection des consommateurs en Ontario.

Le rapport de la CDO contient 32 recommandations de réforme, de modification et de dispositions réglementaires visant le marché numérique, plus particulièrement les modalités de service et les conditions d’utilisation en ligne. Si elles sont mises en œuvre, les recommandations de la CDO marqueront un écart important par rapport aux mesures actuelles envisagées par la province en matière de protection des consommateurs et elles obligeront les entreprises qui vendent des biens ou des services aux consommateurs de l’Ontario à revoir leurs pratiques.

Aperçu des recommandations

Le rapport de la CDO s’appuie sur le « nouvel agenda du consommateur » (l’« agenda »), un ensemble de principes de réforme des politiques favorables aux consommateurs qui ont déjà trouvé un écho favorable dans plusieurs provinces et territoires, notamment dans l’Union européenne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie.[1] L’agenda couvre plusieurs domaines, notamment la « transformation numérique » ainsi que les voies de recours et le respect des droits des consommateurs.[2]

Les recommandations de la CDO peuvent être regroupées dans les catégories suivantes :

Recommandations en matière d’avis et de divulgation pour les contrats de consommation sur le marché numérique

Les dispositions sur « les avis et la divulgation » sont largement considérées comme un élément majeur dans la législation en matière de protection des consommateurs, car elles visent à renforcer leur prise de conscience, à améliorer leur capacité décisionnelle et à réduire l’asymétrie de l’information. Toutefois, les auteurs du rapport de la CDO estiment que la croissance généralisée des contrats conclus en ligne a remis en question les hypothèses sur la manière dont les entreprises fournissent des avis et des informations aux consommateurs et les raisons pour lesquelles elles le font. Pour les auteurs, cette situation souligne la nécessité d’une refonte juridique majeure pour répondre aux besoins actuels des consommateurs.

Dans son rapport, la CDO affirme que la nouvelle LPC et l’actuelle LPCont en commun une structure de divulgation aux consommateurs vieillissante, construite autour des particularités du contrat de consommation en question, notamment l’endroit où le contrat a été signé (p. ex., les ventes de porte-à-porte, sur internet, dans un établissement commercial) ou la nature du service fourni (p. ex., dépanneuses, conventions de crédit, réparations de véhicules à moteur).[3] Les auteurs considèrent que cette structure aboutit, en pratique, à une transmission limitée d’informations, souvent réduite à des « formalités générales », comme la communication du nom de l’entreprise, de son numéro de téléphone et d’une liste des prix détaillée. Selon eux, des informations de cette nature ne permettent pas de protéger efficacement les consommateurs dans le marché numérique actuel.

Les auteurs du rapport soulignent également que la nouvelle LPC aggrave la situation en réduisant le nombre de dispositions relatives aux avis et à la divulgation par rapport à l’actuelle LPC, avec des exigences moins spécifiques, dans un effort de simplification des obligations. Par ailleurs, ils reconnaissent que la nouvelle LPC intègre plusieurs des recommandations émises par la CDO lors de consultations antérieures, en particulier l’élargissement du droit de résiliation des contrats en cas de non-respect des dispositions législatives en matière d’avis ou de divulgation.

Toutefois, il est difficile de faire concorder les préoccupations spécifiques soulevées dans le rapport de la CDO avec l’actuelle LPC ou la nouvelle. Par exemple, les auteurs du rapport de la CDO n’ont pas expliqué pourquoi ils jugent qu’une divulgation spécifiquement prévue au contrat est inadéquate. En effet, les exemples cités dans le rapport — notamment les ventes de porte-à-porte, les conventions de crédit et les contrats de réparation de véhicules à moteur — sont des contrats qui comportent les obligations les plus importantes, les plus détaillées et les plus compréhensibles en matière de divulgation. Il est difficile de qualifier ces obligations de « formalités générales ».

Mais surtout, l’affirmation selon laquelle la nouvelle LPC contient « moins d’obligations en matière d’avis et de divulgation » est difficile à étayer. Comme les dispositions réglementaires de la nouvelle LPC n’ont pas encore été publiées, une telle affirmation est prématurée. La plupart des obligations spécifiques en matière d’avis et de divulgation prévues par l’actuelle LPC se trouve dans les dispositions réglementaires; il est raisonnable de penser qu’il en sera de même pour la nouvelle LPC. Après des années de communiqués de presse, de consultations et de documents de consultation, rien n’indique que les autorités de réglementation de l’Ontario réduiront les obligations de divulgation et d’avis. Par ailleurs, même si nous n’avons connaissance d’aucun nouveau droit d’annulation de la part du consommateur en lien avec les avis et la divulgation dans la nouvelle LPC, « l’élargissement du droit d’annuler les contrats si l’avis ou la divulgation n’est pas conforme » aux exigences prévues par la loi crée certainement un ensemble d’obligations plus strictes à cet égard.

Bien qu’ils s’inquiètent d’une réduction des obligations de divulgation, les auteurs du rapport de la CDO affirment en même temps que la structure visant « plus de divulgations, plus d’avis » qui sous-tend les dispositions de divulgation dans la nouvelle LPC et l’actuelle LPC équivaut à une « surcharge » pour les consommateurs, qui sont confrontés à un grand nombre de contrats de formats différents conclus en ligne, ce qui nuit à leur capacité de faire des choix éclairés. Par conséquent, les auteurs de la CDO estiment que les législateurs devraient se concentrer sur la mise en œuvre d’obligations de divulgation plus importantes, afin d’accroître la sensibilisation des consommateurs ainsi que leur pouvoir décisionnel.

Nous avons examiné ci-dessous plusieurs des recommandations proposées dans le rapport de la CDO pour répondre à l’évolution des besoins à une époque où les contrats conclus en ligne sont très longs et difficiles à comprendre pour le consommateur moyen.

Renseignements clés

Tout d’abord, la CDO recommande de modifier les obligations d’avis et de divulgation afin de fournir dès le départ aux consommateurs des « renseignements clés » au sujet de leurs risques et des choix qui s’offrent à eux avant qu’ils ne consentent à conclure un contrat conclu en ligne.

La CDO estime que l’adoption d’obligations en matière de « renseignements clés » réduirait probablement les risques auxquels les consommateurs sont confrontés en ligne en rendant les contrats plus intuitifs, plus pratiques et plus conviviaux. Par exemple, dans l’Union européenne où la divulgation de « renseignements clés » est généralement exigée, les formulations vagues concernant le partage de données présentées à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat, p. ex., la « communication de renseignements avec des partenaires pour améliorer votre expérience », doivent être remplacées par des données explicites, notamment la liste des partenaires et les probables répercussions sur le consommateur. Cette divulgation de « renseignements clés » a pour objectif de permettre aux consommateurs de prendre une décision éclairée quant à la conclusion ou non d’un contrat en ligne.[4]

Les « renseignements clés » ne sont définis dans aucune des LPC de l’Ontario même si, dans l’un de ses documents de consultation, le gouvernement a exprimé le souhait de veiller à la divulgation des « renseignements clés dans le contrat [de consommation] ». Les auteurs du rapport de la CDO estiment que les dispositions réglementaires à venir devraient permettre de définir un ensemble de « renseignements clés ». Toutefois, aucun exemple précis n’est fourni concernant la nature de ces renseignements pour les contrats conclus en ligne, la manière dont ils prendraient en compte la diversité des services en ligne ou la manière dont ils pourraient se distinguer des obligations de divulgation existantes pour certains types de contrats (p. ex., les déclarations obligatoires pour les conventions de crédit et les contrats de location).

Exigence concernant le langage clair

Deuxièmement, afin de faciliter l’amélioration des avis et de la divulgation aux consommateurs, la CDO recommande d’établir une obligation et une norme de langage clair pour les contrats de consommation.

Les contrats conclus en ligne sont reconnus pour être des documents denses et complexes, ce qui peut décourager certains consommateurs d’en prendre connaissance et d’assimiler leur contenu. Pour la CDO, l’adoption de normes en matière de langage clair offrirait aux consommateurs un accès direct et compréhensible aux renseignements dont ils ont besoin dès la première lecture ou discussion. Par ailleurs, le rapport de la CDO souligne que l’adoption d’un langage clair est un facteur de plus en plus important pour l’accessibilité et la participation du public.

Inquiétude concernant le nombre d’obligations

Troisièmement, les auteurs de la CDO ont souligné que l’ajout de nombreuses obligations extrêmement détaillées en matière d’avis et de divulgation n’offrait pas un soutien pratique aux consommateurs et pourrait créer des difficultés de compréhension pour les entreprises. Une surcharge d’obligations de cette nature peut se transformer en fardeau réglementaire sans avantages tangibles pour le consommateur.

Au fil des consultations sur le rapport de la CDO, de nombreuses entreprises ont fait part de leurs préoccupations au sujet des obligations d’avis et de divulgation jugées « excessivement volumineuses » et « dépourvues d’explications ». Les entreprises interrogées ont fait remarquer que le respect de dispositions supplémentaires en matière d’avis — que les consommateurs ne liront probablement pas — ne profiterait pas aux consommateurs et placerait les entreprises canadiennes dans une situation désavantageuse sur le plan de la concurrence.

Malgré le fait que cette position semble ne pas concorder avec la préoccupation de la CDO concernant la perception d’une réduction des obligations d’avis et de divulgation dans la nouvelle LPC, nous interprétons cette recommandation comme un élargissement de la recommandation relative aux « renseignements clés » : toute nouvelle obligation d’avis et de divulgation devrait être à la fois majeure et facile à comprendre pour les consommateurs. Néanmoins, la consolidation des exigences de divulgation redondantes dans la nouvelle LPC (réduisant ainsi la duplication et la confusion) semble conforme au souhait de la CDO de clarifier davantage les obligations de divulgation et d’avis.

Un cadre juridique spécifique pour les contrats de consommation conclus en ligne

Les auteurs du rapport de la CDO préconisent l’établissement d’un cadre juridique spécifique pour les contrats de consommation conclus en ligne, estimant qu’ils ne sont pas suffisamment pris en compte dans la nouvelle LPC. Or, l’actuelle LPC couvre déjà cet aspect, et rien ne permet de penser qu’un tel cadre sera omis dans la nouvelle loi.

Poursuivant leur raisonnement, les auteurs du rapport de la CDO soulignent que l’actuelle LPC prévoit davantage de protection pour les consommateurs dans les « contrats conclus en ligne », comparativement à la nouvelle LPC. Ils citent en particulier les protections suivantes dans l’actuelle LPC :

  • la possibilité pour le consommateur d’accepter ou de refuser le contrat conclu en ligne de manière expresse
  • l’accessibilité au document d’information obligatoire
  • un délai de réflexion de sept jours pour annuler le contrat dans certaines circonstances
  • la divulgation du nom du fournisseur, de son numéro de téléphone et de son établissement commercial
  • la divulgation du mode de livraison, y compris du nom du transporteur
  • la divulgation des droits et obligations du fournisseur en matière d’annulation, de retour, d’échange et de remboursement

Cette interprétation du cadre des « contrats conclus en ligne » sous l’actuelle LPC est inhabituelle. En effet, aucun « document d’information obligatoire » ni « délai de réflexion de sept jours » n’est exigé pour ces contrats. Les consommateurs disposent d’un droit d’annulation de sept jours si les fournisseurs ne respectent pas certaines exigences prévues par la loi, mais ce délai est loin d’être comparable au délai de réflexion accordé aux contrats tels que les ventes de porte-à-porte. Étendre ce droit à tous les contrats conclus en ligne créerait une incertitude juridique et porterait un coup sévère au marché numérique de l’Ontario.

Dans sa proposition d’instauration d’un cadre juridique spécifique pour les contrats de consommation conclus en ligne, la CDO recommande que la nouvelle LPC soit modifiée afin d’inclure des protections plus explicites (ou que la province clarifie cet aspect dans ses dispositions réglementaires). Elle suggère notamment de réglementer la forme et le contenu des contrats conclus en ligne, les conditions de leur établissement et modification, ainsi que les modalités de leur reconduction automatique après une certaine date.

Toutefois, cet aspect figure déjà dans les dispositions réglementaires de l’actuelle LPC et rien n’indique qu’un cadre spécifique pour les contrats conclus en ligne ne sera pas prévu dans la nouvelle LPC. De plus, les auteurs du rapport de la CDO soulignent que la nouvelle LPC ne contient qu’une seule référence explicite aux contrats conclus en ligne soit la définition d’un « contrat conclu en ligne lorsque le consommateur et le fournisseur ne sont pas en présence l’un de l’autre ».[5] Comme indiqué ci-dessus, la plupart des exigences actuelles en matière de divulgation (et de protections) pour des types de contrats spécifiques sont prévues dans les dispositions réglementaires. Il est difficile de se prononcer sur l’exhaustivité (ou les avantages relatifs) du nouveau cadre sans avoir vu la version préliminaire des dispositions réglementaires.

Selon les auteurs de la CDO, un cadre juridique spécifique pour les contrats conclus en ligne est nécessaire, compte tenu du manque de dispositions législatives spécifiques et du manque de dispositions réglementaires pour définir adéquatement les « contrats conclus en ligne » dans la nouvelle LPC. Ils redoutent qu’un tel vide législatif pousse le gouvernement à appliquer un cadre générique à des contrats aussi divers que les conventions de multipropriété, les conventions de services de perfectionnement personnel, les contrats en matière de courtage en prêts et de redressement de crédit ainsi que les contrats de location.[6]

Toutefois, rien ne prouve qu’un vide législatif découlera de la structure prévue dans la nouvelle LPC. Si cette réforme a pour objectif de rationaliser et de simplifier le contenu des contrats et les obligations de divulgation pour le bien des entreprises et des consommateurs, elle le fait en regroupant les exigences de divulgation lorsqu’il y a déjà un chevauchement. Rien n’indique actuellement que les exigences propres à certains contrats seront complètement abandonnées.

En outre, le rapport de la CDO ne précise pas comment ce nouveau cadre juridique coexisterait avec les cadres actuels pour certains types de contrats, dont plusieurs nécessitent vraisemblablement une protection, qu’ils soient signés en personne ou en ligne. Le maintien d’une structure réglementaire plus neutre permettrait de veiller à ce que certains types de contrats, par exemple les conventions de crédit, soient assortis de protections égales en toutes circonstances.

Modifications unilatérales des contrats

Outre la modification des exigences d’avis et de divulgation et de la (re)création d’un cadre juridique spécifique pour les contrats de consommation conclus en ligne, la CDO recommande d’apporter des modifications à la nouvelle LPC afin de mieux protéger les consommateurs en établissant des critères pour la modification unilatérale des contrats dans certaines circonstances. Toutefois, ces critères sont déjà présents et la structure actuelle semble devenir plus stricte pour les fournisseurs.

Les auteurs de la CDO notent que, même si les dispositions réglementaires de l’actuelle LPC autorisent les modifications unilatérales des contrats de consommation dans certaines circonstances, parfois sous condition de consentement et d’avis, ces concepts ne sont pas prévus dans la nouvelle LPC. Au lieu de cela, la nouvelle LPC contient des dispositions générales interdisant à toute entreprise « de modifier ou… de présenter comme étant modifié… un contrat de consommation, à moins de disposition contraire dans les dispositions réglementaires ».

Néanmoins, les restrictions actuelles en Ontario relatives aux modifications unilatérales des contrats de consommation sont stipulées dans les dispositions réglementaires de l’actuelle LPC. Analyser la nouvelle LPC sans tenir compte de ses dispositions réglementaires ne constitue donc pas une comparaison valable. De plus, comme évoqué plus haut, contrairement à l’actuelle LPC, la nouvelle LPC impose des restrictions directement dans ses dispositions : elle interdit par défaut les modifications unilatérales qui ne se conforment pas aux obligations prévues par les dispositions réglementaires. Il est donc difficile d’en déduire autre chose qu’un renforcement du cadre existant concernant les modifications unilatérales.

Malgré tout, la CDO propose que la nouvelle LPC comporte des protections supplémentaires, tant sur le plan procédural que substantiel, lors de l’adoption de modifications unilatérales aux contrats. Ces suggestions sont toutefois surprenantes, compte tenu des dispositions législatives en discussion.

Par exemple, les auteurs de la CDO proposent d’imposer aux entreprises l’envoi, dans un délai raisonnable, d’un avis au consommateur de toute modification unilatérale, tout en lui offrant une possibilité raisonnable d’examiner les modifications proposées. Par ailleurs, ils suggèrent que le consommateur dispose d’une chance raisonnable de refuser les dispositions proposées, de poursuivre le contrat avec les dispositions en vigueur ou de mettre un terme à la transaction sans frais déraisonnables, perte de valeur, ni obligations personnelles. Ces suggestions ressemblent fortement aux exigences déjà définies dans les dispositions réglementaires de l’actuelle LPC, et il n’est pas clair ce que la CDO propose de modifier (ni si elle souhaite que les restrictions existantes soient reprises dans les nouvelles dispositions réglementaires).

Les auteurs de la CDO constatent également que le gouvernement provincial semble avoir adopté dans la nouvelle LPC certaines des suggestions antérieurement formulées par la CDO, notamment en instaurant des limitations quant à la capacité des entreprises de modifier, renouveler ou prolonger unilatéralement les contrats sans le consentement exprès du consommateur. Les auteurs de la CDO considèrent que cette modification est favorable à l’amélioration de la protection du consommateur dans les contrats conclus en ligne. Bien que cette exigence ne soit pas encore clairement définie (en l’absence des dispositions réglementaires correspondantes), les auteurs semblent suggérer que le consentement exprès devrait être nécessaire pour toute modification apportée aux contrats de consommation, ce qui représenterait un fardeau considérable pour les fournisseurs en ligne ayant un grand nombre d’abonnés (et placerait l’Ontario dans une situation désavantageuse sur le marché).

Comme évoqué précédemment, il est probable que les nouvelles dispositions n’incorporent pas les restrictions existantes, car elles instaurent une nouvelle interdiction générale des modifications unilatérales, sous réserve des dispositions réglementaires à venir. À ce sujet, dans son document de consultation de 2023, le gouvernement a proposé deux exceptions qui pourraient figurer dans les dispositions réglementaires, chacune d’entre elles exemptant le fournisseur de la nécessité d’un consentement exprès pour des modifications unilatérales :

  • Première exception proposée : lorsque le contrat est à durée indéterminée et que le consommateur peut le résilier à tout moment sans subir de frais de résiliation.
  • Deuxième exception proposée : lorsque les modifications ne réduisent pas les obligations de l’entreprise ou n’augmentent pas les obligations du consommateur.

Les dispositions réglementaires à venir devraient permettre de clarifier si l’une ou l’autre de ces exceptions sera mise en œuvre. Les auteurs de la CDO remettent en question ces exceptions, soutenant qu’elles sont trop limitées et qu’elles priveraient de nombreux consommateurs de protections importantes dans le contexte des contrats numériques.

Selon les auteurs du rapport de la CDO, bien que la première exception présentée semble équilibrée (puisque les consommateurs qui n’aiment pas une disposition imposée unilatéralement peuvent se retirer), le marché souffre souvent d’un manque d’options, laissant peu de possibilités pour résilier le contrat. Il n’est cependant pas évident que l’absence de services concurrents soit une raison légitime pour empêcher une entreprise de modifier son offre et l’exception proposée ne serait valable que lorsque les consommateurs sont libres de se retirer du contrat sans frais de résiliation.

Pour ce qui est de la deuxième exception proposée, le rapport de la CDO suggère qu’elle ne devrait s’appliquer qu’aux contrats exigeant un « consentement écrit » dès le contrat initial. Selon les auteurs, cette exception risquerait de laisser de nombreux contrats conclus en ligne qui n’exigent pas un tel consentement écrit dès le départ (mais un simple avis) en dehors du champ d’application de la protection proposée. Les contrats auxquels le rapport de la CDO fait référence ne sont pas clairement définis, car aucun fournisseur ne pourrait raisonnablement faire respecter un contrat « non consensuel ». Si les préoccupations portent sur les contrats qui ne nécessitent pas de confirmation expresse, il n’est toujours pas clair pourquoi ces contrats se situent en dehors du champ d’application de cette exception ni pourquoi il ne devrait pas en être ainsi. Toute modification unilatérale qui n’allège pas les obligations du fournisseur et n’accroît pas celles du consommateur représente assurément une occasion de simplifier les démarches administratives (même si cela vise à éviter le souci de « surcharge d’obligations réglementaires » que la CDO évoque à d’autres endroits dans son rapport). Cette confusion met en lumière l’importance des dispositions réglementaires à venir pour assembler les pièces du nouveau paysage de la consommation en Ontario.

Recommandations pour lutter contre les pratiques abusives

Les auteurs de la CDO expriment également des inquiétudes quant au risque accru de pratiques abusives et trompeuses sur le marché numérique par rapport à d’autres voies de commercialisation. L’actuelle LPC et la nouvelle LPC réglementent les pratiques liées au caractère trompeur, déloyal et abusif et donnent des exemples non exhaustifs de chacune d’entre elles, comme des dispositions excessivement unilatérales en faveur du vendeur, des déclarations ou des conditions trompeuses au détriment du consommateur, des pressions indues pour conclure une transaction et l’exploitation des vulnérabilités du consommateur comme un handicap, l’ignorance, l’analphabétisme ou les barrières linguistiques.

À la grande frustration de la CDO, ni l’actuelle LPC ni la nouvelle ne fournissent d’exemples spécifiques de pratiques abusives et trompeuses sur le marché numérique. Il est possible que cela soit une démarche volontaire de la part des autorités de réglementation de l’Ontario : alors que les exemples de pratiques « abusives » ou « trompeuses » ne font pas explicitement mention du comportement en ligne, leur neutralité par rapport au contexte permet de les appliquer à un large éventail d’activités similaires sans devoir les répéter pour chaque type de contrat.

Néanmoins, les auteurs de la CDO notent que cela contraste avec d’autres territoires comme l’Union européenne, où les efforts de modernisation de la protection du consommateur tels que la directive sur les pratiques commerciales déloyales (DPCD) comprennent des exemples de formes de tromperie et d’abus de confiance qui sont propres au marché numérique. Parmi d’autres exemples de telles pratiques, la DPCD mentionne les renseignements matériels fournis de manière peu claire, le marketing caché et l’absence d’indication de l’intention commerciale, la transparence du marketing d’influence, ainsi que les essais gratuits et les pièges liés à l’abonnement. Les auteurs de la CDO considèrent l’initiative de la DPCD comme une mesure efficace pour protéger les consommateurs qui concluent des contrats sur le marché numérique.

Contrairement à ces autres territoires, les auteurs de la CDO affirment que la nouvelle LPC ne contient qu’une seule règle qui prend spécifiquement en compte le marché numérique, qu’ils qualifient d’« autre règle » interdisant les dispositions portant atteinte au droit des consommateurs de publier des avis en ligne.[7] Il s’agit là d’une des nouvelles « conditions interdites » qui donneront aux consommateurs un droit de résiliation jusqu’à un an après la conclusion d’un contrat, ce qui n’est pas mentionné dans le rapport. Il est également reconnu que la liste existante des pratiques abusives et trompeuses peut être (et sera) appliquée sur le marché numérique, que les « contrats conclus en ligne » soient explicitement mentionnés ou pas.

Néanmoins, les auteurs de la CDO estiment que l’ajout d’exemples de pratiques en ligne abusives et trompeuses dans la nouvelle LPC a été largement encouragé au cours du processus de consultation, ce qui soutient la proposition selon laquelle il est essentiel d’établir un cadre spécifique pour le marché numérique, afin de traiter les défis complexes et uniques des contrats conclus en ligne, entre autres les problèmes liés aux « tactiques malveillantes » et aux risques associés aux « pratiques abusives » dans cet environnement.

Conclusion

Bien que le rapport de la CDO présente une analyse de l’actuelle et de la nouvelle LPC différente de la nôtre, ce document fait partie des discussions en cours qui se poursuivront jusqu’à ce que le gouvernement publie la version préliminaire des dispositions réglementaires découlant de la nouvelle loi. D’ici là, l’incertitude concernant la forme du futur cadre de protection des consommateurs en Ontario subsistera. Tant que cette incertitude subsistera, les parties prenantes tenteront d’aiguiller les discussions dans certaines directions. Toutefois, dans la mesure où les autorités de réglementation de l’Ontario continueront à mettre l’accent sur la rationalisation et la simplification de la législation en matière de protection du consommateur — tout en s’adaptant à la réalité du marché numérique moderne — nous sommes persuadés que la structure moderne simplifiée produira des effets bénéfiques autant pour les consommateurs que pour les fournisseurs.

Pour obtenir la liste des recommandations de la CDO, consultez le rapport de la CDO [PDF en anglais]. La CDO invite les personnes qui le souhaitent à commenter le rapport sur son site internet.

Osler continuera à suivre la réponse du gouvernement de l’Ontario concernant le rapport de la CDO et toute nouvelle publication sur le thème de la réforme de la protection du consommateur, y compris les dispositions réglementaires à venir pour la nouvelle LPC.

Pour un examen plus approfondi de la nouvelle LPC et des principales modifications qui s’appliquent généralement aux fournisseurs de produits et services destinés aux consommateurs en Ontario, consultez le précédent bulletin d’actualités Osler.

Restez à l’affût des prochains bulletins d’actualités Osler à ce sujet et, si vous avez des questions concernant les nouvelles exigences de conformité de votre entreprise, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe Commerce de détail et biens de consommation.


[1] Commission européenne, Le nouvel agenda du consommateur (2020), section 2.

[2]Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Nouvel agenda du consommateur.

[3] Rapport de la CDO, page 32 (en anglais).

[4] Rapport de la CDO, page 34 (en anglais).

[5] Paragraphe 2 de l’article 16(1) de la nouvelle loi ontarienne sur la protection du consommateur.

[6] Ontario, Document de consultation sur la modernisation de la Loi de 2002 sur la protection du consommateur (ministère des Services au public et aux entreprises, février 2023), p. 5.

[7] Conformément à l’article 14(1)(f) de la nouvelle Loi ontarienne sur la protection du consommateur, « Nul ne doit inclure, dans un contrat de consommation ou une convention connexe, une condition ou une reconnaissance qui, selon le cas […] empêche ou a pour effet d’empêcher le consommateur de publier ou de communiquer une évaluation du fournisseur ou des marchandises ou services fournis. »