Auteurs(trice)
Associé, Concurrence, commerce et investissement étranger, Toronto
Associé, Fiscalité, Toronto
Sociétaire, Droit de la concurrence et investissement étranger, Toronto
Le 17 juin 2025, le gouvernement du Canada a annoncé « le plus vaste ensemble de sanctions liées aux navires et au commerce » contre la Russie.
Les nouvelles sanctions ne changent pas fondamentalement la nature des sanctions imposées par le Canada à l’encontre de la Russie. Plutôt, par le biais de trois modifications distinctes apportées quelques jours auparavant, le 13 juin, au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le « Règlement visant la Russie »)[1], les modifications élargissent les sanctions existantes du Canada à l’encontre de la Russie en soumettant 116 personnes et entités supplémentaires à un gel d’avoirs et à l’interdiction de faire des transactions, en ciblant 201 navires supplémentaires faisant partie de la « flotte fantôme » de la Russie et en interdisant les services liés à ces navires, et en imposant une interdiction d’importation de diverses « marchandises génératrices de revenus » et une interdiction d’exportation de près de 1 000 marchandises et technologies supplémentaires, y compris diverses marchandises et technologies à usage non militaire.
Interdictions au commerce de marchandises et de technologies
Grâce à l’ajout de près de 1 000 nouveaux articles à la liste des marchandises et des technologies qui ne peuvent être exportées, vendues, expédiées ou envoyées vers la Russie ou vers toute personne en Russie, et à l’interdiction d’importer, d’acheter ou d’acquérir des centaines d’articles, y compris des « marchandises génératrices de revenus », le Règlement visant la Russie interdit désormais le commerce avec la Russie d’un éventail beaucoup plus large d’articles qu’auparavant. Les interdictions d’exportation s’appliquent désormais à diverses marchandises supplémentaires liées à la production de matériel de pointe ou d’armes chimiques ou biologiques, notamment des marchandises telles que le kérosène qui peuvent soutenir l’effort de guerre de la Russie, et, surtout, elles s’étendent désormais à une large catégorie de « marchandises industrielles » qui ont des applications non militaires et vont des matériaux de construction aux produits chimiques en passant par les consoles de jeux vidéo. Les interdictions d’importation élargies s’appliquent désormais à diverses marchandises grâce auxquelles la Russie tire des revenus de ses exportations (par exemple, les produits du charbon et les métaux).
Ces interdictions commerciales supplémentaires entrent en vigueur 30 ou 60 jours après le 13 juin (selon la restriction), afin que les entreprises canadiennes aient le temps de s’adapter. Les modifications comprennent également des dispositions de « réduction progressive » qui exemptent les marchandises nouvellement ajoutées faisant l’objet de contrats existants. Ces dispositions varient selon l’interdiction et exemptent certaines importations et exportations effectuées dans le cadre de contrats conclus au moins 60 jours avant l’entrée en vigueur des modifications (à condition que les marchandises soient importées/exportées dans les 120 jours suivant l’entrée en vigueur des modifications), ainsi que certaines importations interdites si les marchandises nouvellement interdites ont été exportées de Russie au moins 60 jours avant l’entrée en vigueur des modifications.
Désignations supplémentaires : personnes et entités
Les modifications ajoutent Surgutneftgas, l’une des plus grandes sociétés pétrolières et gazières de Russie, à l’annexe 1 du Règlement visant la Russie. Cette mesure fait suite à des mesures similaires prises par les États-Unis et le Royaume-Uni en janvier, puis par l’Union européenne en mai. En étant ajoutée à la liste, Surgutneftgas est soumise au gel général des avoirs et à l’interdiction de faire des transactions qui s’appliquent à environ 2 300 autres personnes et entités figurant à l’annexe 1, alors qu’auparavant, elle n’était soumise qu’à des restrictions sur les transactions liées à sa nouvelle dette. Parmi les autres entités ajoutées à la liste des entités sanctionnées à l’annexe 1 figurent trois banques, dont une banque kirghize déjà soumise à des sanctions américaines.
Sanctions contre les navires : cibler la « flotte fantôme » de la Russie
En date du 13 juin, le Canada a désigné 201 navires supplémentaires comme faisant partie de la « flotte fantôme » de la Russie (c.-à-d. les navires que le Canada et ses alliés ont déterminé qu’ils participaient au contournement des sanctions en transportant du pétrole et du gaz naturel liquéfié russes vers des pays tiers et en transportant du matériel militaire, des fournitures et d’autres marchandises au profit de la Russie). Les modifications élargissent également les interdictions existantes à l’égard des navires inscrits sur la liste (c.-à-d. les interdictions d’accoster au Canada ou d’y transiter applicables à tous les navires russes et aux navires inscrits sur la liste, sous réserve de certaines exceptions) afin d’interdire également tous les services liés à tous les navires inscrits sur la liste.
Élargissement des canaux de signalement
Les modifications introduisent également un nouveau mécanisme de signalement de l’existence de marchandises qui sont la propriété ou sous le contrôle d’une personne visée par des sanctions ou d’une entité contrôlée par une telle personne, qui permet aux Canadiens et aux personnes se trouvant au Canada de faire un tel signalement à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (l’ancien mécanisme de signalement) ou au Service canadien du renseignement de sécurité.
Points à retenir
Si elles ne changent pas fondamentalement leur nature, les modifications constituent un nouvel élargissement des sanctions du Canada à l’encontre de la Russie. Toutefois, leur ampleur et leur portée témoignent de l’intention du gouvernement du Canada, conjointement avec ses alliés de l’Union européenne et du Royaume-Uni, de continuer à utiliser les sanctions comme outil privilégié de politique étrangère pour contrer la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine. À certains égards (par exemple, l’ajout de Surgutneftgas à la liste des entités visées par des sanctions), les modifications alignent la politique du Canada sur celle des États-Unis; à d’autres égards, elles vont au-delà des sanctions américaines actuelles. Il n’est pas certain que les États-Unis continueront à suivre cette approche.
Même si nous pensons que le Canada continuera à faire face à des difficultés dans l’application des sanctions (comme nous l’avons indiqué dans notre précédent article) à mesure que celles-ci s’étendent, les entreprises ont des mesures concrètes à prendre pour atténuer les risques et s’assurer qu’elles respectent les nouvelles sanctions. Les entreprises canadiennes et celles qui exercent des activités au Canada devraient examiner leurs chaînes d’approvisionnement et leurs relations commerciales afin de repérer les points de contact avec la Russie. Compte tenu de l’élargissement de la liste des marchandises et des technologies dont l’exportation est désormais interdite, les entreprises qui vendent ou exportent des marchandises ou des technologies vers la Russie devraient prendre des précautions particulières pour s’assurer que ces marchandises et technologies ne sont pas désormais visées par l’interdiction. Les entreprises devraient mettre en place ou mettre à jour leurs procédures de vérification des fournisseurs et des clients afin de s’assurer que les personnes, entités et marchandises nouvellement visées par les sanctions, qu’elles possèdent ou contrôlent, sont rapidement identifiées.
[1] Le Règlement visant la Russie a été modifié conformément à trois décrets : 2025-0516, 2025-0517 et 2025-0518.