Auteurs(trice)
Associé, Franchisage et distribution, Toronto
Associée, Droit du franchisage et distribution, Toronto
Associée, Commercial, Toronto
Les sociétés de capital-investissement (CI) souhaitent de plus en plus acquérir des systèmes de franchise canadiens.
De nombreux facteurs rendent les systèmes de franchise particulièrement attrayants comme cibles d’investissement : les systèmes couronnés de succès offrent des flux de rentrées prévisibles à long terme moyennant des coûts d’exploitation relativement bas, une reconnaissance de la marque et une pénétration du marché, ainsi que des possibilités de synergie avec d’autres entreprises appartenant à des sociétés de capital-investissement.
Le modèle d’affaires du franchisage est utilisé dans pratiquement tous les secteurs d’activité au pays, et il représente un secteur en pleine croissance de l’économie canadienne; il comporte donc de nombreuses occasions de marchés.
Toutefois, un fort potentiel de croissance s’accompagne d’importants pièges dans lesquels il est facile de tomber.
Le franchisage est hautement réglementé au Canada, et pour investir dans un système de franchise ou en acquérir un, il faut des connaissances spécialisées. Ci-dessous figurent certains des principaux enjeux que les sociétés de capital-investissement devraient prendre en compte lorsqu’elles évaluent les occasions d’investir dans un système de franchisage.
Nous présentons également certains des principaux points à prendre en compte relativement à la structuration et à l’acquisition, afin que la société de CI puisse obtenir le marché auquel elle s’attendait et éviter les obstacles aux futures stratégies de sortie lorsque viendra le temps de vendre le système.
Contrôle préalable et évaluation d’un système de franchise
Investir dans un système de franchise nécessite un contrôle préalable spécialisé, en plus du contrôle standard que l’on effectue dans une opération de fusion et acquisition type.
Le contrôle préalable particulier aux franchises vise à évaluer le système, à établir s’il est avisé de conclure ce marché, à cerner les risques liés à la non-conformité aux lois sur les franchises ou aux relations entre franchiseurs et franchisés, et à répartir ces risques entre les parties.
La nécessité de ce contrôle préalable particulier aux franchises repose en partie sur la nature des actifs de l’entreprise faisant l’objet de l’acquisition, ainsi que sur le contexte réglementaire exclusif au Canada et sur les risques juridiques connexes si le franchiseur visé n’a pas exploité le système en conformité avec ces lois.
Le franchisage est réglementé dans six des dix provinces canadiennes (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Ontario et Île-du-Prince-Édouard). Un franchiseur a pour obligation première la préparation et la remise aux éventuels franchisés (ce qui englobe les cas de renouvellement et de revente, à moins qu’il existe une exemption), d’un document d’information de style prospectus avant que l’éventuel franchisé ne signe le contrat de franchisage ou n’y porte intérêt. Si un franchiseur ne respecte pas cette exigence, le franchisé a le droit de résilier le contrat de franchisage et de solliciter une indemnisation importante du franchiseur.
Par ailleurs, la loi accorde aux franchisés le droit d’action pour fausses déclarations si un franchiseur ne se conforme pas à cette obligation de divulgation. En vertu de la loi, les deux parties à une franchise ont, l’une envers l’autre, l’obligation d’agir équitablement et de bonne foi.
Voici les points à prendre en considération :
- la conformité du franchiseur aux lois en matière de franchises, notamment le fait qu’il y ait ou non des lacunes importantes par rapport au document d’information relatif aux franchises, y compris le fait que les franchisés disposent ou non du recours à la résolution du contrat en vertu des lois provinciales; la jurisprudence au Canada a considérablement étendu la portée de la divulgation par rapport à ce qui est prévu dans la législation; lorsqu’on passe en revue un document de divulgation, le simple fait de le comparer au règlement en matière de divulgation ne révélera pas les lacunes signalées dans la jurisprudence;
- les processus de divulgation et de tenue de dossiers du franchiseur (la remise d’un document de divulgation parfait n’a aucune valeur si le franchiseur ne peut pas prouver qu’il y a procédé);
- la qualité des relations des franchisés, y compris le fait qu’ils aient été ou non pris en défaut, ainsi que l’existence d’une association ou d’un conseil consultatif de franchisés;
- la performance et la situation économique des franchisés;
- l’enregistrement et la protection des droits de propriété intellectuelle;
- la nature d’une exclusivité accordée aux franchisés et qui pourrait avoir une incidence sur le potentiel de croissance future ou empêcher la société de posséder des entreprises concurrentes.
Le contrôle préalable ciblé peut contribuer à confirmer, établir ou miner les avantages potentiels de l’achat d’un système de franchise ou la valeur de l’entreprise, et il permet également de déterminer si la société de CI sera en mesure d’atteindre ses objectifs après la conclusion du marché, aux fins de réussite, de croissance et de la vente du système au bout du compte.
Bien sûr, il est simplement inabordable d’effectuer un contrôle préalable particulier aux franchises dans tous les systèmes de franchise à part les plus petits. Un avocat en droit du franchisage expérimenté peut aider à personnaliser le processus de contrôle préalable en fonction du système ciblé, en équilibrant les frais juridiques par rapport aux risques importants repérés.
Structuration de l’opération de façon à répartir le risque
Les résultats du contrôle préalable particulier à la franchise aideront une société de CI à structurer l’opération de façon à répartir le risque adéquatement. Par exemple, si le contrôle préalable particulier à la franchise a révélé que certains franchisés disposent d’un recours à la résolution de deux ans, la société de CI devrait soupeser les avantages et les inconvénients de structurer le marché en tant qu’opération reposant sur l’actif, ou en tant qu’opération fondée sur les actions.
De plus, que l’opération soit structurée en fonction de l’actif ou des actions, I’existence possible de responsabilités imposées par la loi et liées à la franchise pourrait justifier ce qui suit :
- une réduction du prix d’achat;
- une augmentation du montant de la retenue;
- l’inclusion de déclarations, de garanties et d’indemnités propres à la franchise, y compris de la société mère du vendeur ou des principaux actionnaires, et peut-être des indemnisations pour une période plus longue que ce qui a été négocié;
- l’assurance relative aux déclarations et garanties.
Portez une attention particulière à la durée des retenues, des déclarations, des garanties et des indemnisations afin de vous assurer qu’elle correspond aux périodes de restriction prévues par la législation sur les franchises et aux périodes de restriction standard prévues par la loi.
Comprendre les droits et les restrictions relatifs au changement de système
Lorsqu’elles acquièrent un système de franchise, la plupart (sinon toutes) les sociétés de CI projettent d’apporter des changements après la conclusion de l’opération.
Il est essentiel que les sociétés de CI passent en revue les contrats de franchise pertinents pour comprendre les droits et les restrictions contractuels en vue d’instaurer des changements au système. De plus, même lorsque la société de CI bénéficie du droit contractuel d’apporter les changements désirés après la conclusion de l’opération, il importe de comprendre les répercussions de la common law et l’obligation d’agir équitablement et de bonne foi relativement au changement de système de franchise, ainsi que les restrictions qui en découlent.
Il sera également crucial, pour la société de CI, de comprendre l’importance de la relation franchiseur-franchisé ainsi que les avantages de disposer du soutien du franchisé lorsqu’elle apporte des changements au système.
Planification de la sortie
Le cycle de vie de nombreux investissements dans des franchises de CI comprend des plans de sortie éventuelle et la vente du système de franchise.
Compte tenu de cet objectif, les sociétés de CI doivent effectuer un contrôle préalable ciblé afin d’assurer que tous les obstacles ont été repérés avant l’acquisition du système de franchise, et qu’ils ont été supprimés dans les plus brefs délais après la conclusion de l’opération, de façon que la pleine valeur du système puisse être réalisée.
Plus particulièrement, les sociétés devraient se concentrer sur ce qui suit :
- passer en revue les modalités des contrats de franchise afin de s’assurer que le franchiseur dispose clairement du droit contractuel de céder les contrats, sans le consentement des franchisés;
- cerner et comprendre les responsabilités imposées par la loi relativement à la franchise qui pourraient avoir une incidence sur la valeur du système, avant et après la conclusion de l’opération;
- prendre des mesures après la conclusion de l’opération pour réviser les documents juridiques (c.-à-d. les contrats de franchise et les documents de divulgation) et corriger tout processus de divulgation ayant entraîné des responsabilités imposées par la loi avant la conclusion de l’opération.
Conclusion
En raison des flux de rentrées prévisibles à long terme, de la pénétration du marché établi et des occasions de croissance et de synergie, les systèmes de franchise continueront probablement d’attirer les sociétés de capital-investissement.
Cependant, compte tenu du contexte hautement réglementé et relativement litigieux du franchisage au Canada, et des caractéristiques exclusives de la relation franchiseur-franchisé, les sociétés de CI devraient agir avec prudence et s’assurer qu’elles traitent avec une équipe d’opération appuyée par des avocats expérimentés en matière de franchises, afin d’être bien conseillées sur des questions précises qui pourraient avoir une incidence sur la valeur, la répartition du risque et les plans futurs de l’entreprise.
*Cet article avait paru à l’origine dans The PE HUB Network.