Les conseils d’administration doivent évoluer plus rapidement en ce qui concerne la diversité – Options politiques

20 Oct 2017 6 MIN DE LECTURE

Les femmes commencent à faire des percées dans la salle du conseil des sociétés ouvertes au Canada. Comme il est précisé dans le troisième rapport annuel d’Osler, Hoskin et Harcourt sur les pratiques de divulgation en matière de diversité, et dans un avis des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) publié le 5 octobre, le pourcentage des sièges d’administrateur détenus par des femmes augmente. Mais les choses, à ce jour, avancent beaucoup trop lentement. La divulgation ne suffit pas : nous devons légiférer sur une norme minimale de diversité au sein des conseils afin d’amorcer le changement.

Comme nous l’avons précisé dans notre rapport de septembre 2017, même s’il s’agit d’une amélioration par rapport à 12,6 % un an plus tôt, les femmes ne détiennent que 14,5 % des sièges d’administrateur environ. Ces résultats découlent de facteurs de changement extraordinaires.

Depuis trois ans, la plupart des sociétés cotées à la Bourse de Toronto sont assujetties à l’obligation de divulgation en matière de diversité suivant le modèle « se conformer ou s’expliquer ». Au cours de cette période, les médias se sont beaucoup intéressés à la représentation des femmes au conseil des sociétés ouvertes. Il y a presque deux ans, lorsqu’on lui a demandé pourquoi la parité entre les sexes est importante, le premier ministre a répondu : « Parce que nous sommes en 2015 ». Lorsque nous avons fait remarquer dans notre rapport de 2016 l’absence de progrès significatifs dans la diversité au sein du conseil des sociétés ouvertes, le public s’est demandé si les entreprises canadiennes comprenaient le message.

À la fin de 2016, avec le concours de l’Institut des administrateurs de sociétés, Osler a publié un modèle téléchargeable de politique sur la diversité au sein du conseil qu’il est possible de personnaliser. Nous espérions que cet outil susciterait aux conseils une discussion sérieuse sur la nécessité d’accroître la représentation des femmes au sein du conseil, et qu’il mènerait au recrutement d’un plus grand nombre d’administratrices. Nous avons été heureux de constater que la proportion des sociétés déclarantes ayant indiqué qu’elles se sont dotées d’une politique écrite sur la diversité au sein du conseil est passée à 47 %, par rapport à 34 % en 2016, bien que seulement 35,5 % des sociétés déclarantes aient indiqué avoir une politique écrite sur l’identification et la nomination des administratrices.

Dans notre rapport de 2016, nous avons remarqué chez les investisseurs un intérêt naissant pour la diversité au sein des conseils. Cet intérêt a grandi en mars cette année lorsque State Street, la société américaine de services financiers, a dévoilé la statue baptisée Fearless Girl devant le taureau de bronze de Wall Street et annoncé une nouvelle initiative centrée sur la diversité au sein des conseils. BlackRock et Vanguard, des sociétés de gestion d’actifs, ont fait peu après des annonces similaires. De plus, dernièrement, le vérificateur de la ville de New York a lancé une campagne d’envoi de lettres demandant à 140 sociétés, dans lesquelles ses caisses de retraite sont investies, d’indiquer les compétences, l’expérience et les qualités de leurs administrateurs, de même que le genre, la race ou l’origine ethnique de chaque personne.

Malgré toute cette attention prêtée à la diversité, le pourcentage des sièges d’administrateur occupés par des femmes au Canada a augmenté d’une année à l’autre de moins de 2 %. À ce rythme, le Canada n’atteindra pas la parité entre les sexes avant au moins 2035.

Le roulement des administrateurs à lui seul ne nous permettra pas d’y arriver. L’ACVM a indiqué dans son avis que 505 des 674 sièges d’administrateur vacants avaient été pourvus pendant l’année. Cela représente un taux de roulement d’un peu plus de 9 % de tous les sièges d’administrateur en 2017. Mais seulement 26 % de ces postes ont été pourvus par des femmes. À ce rythme, le roulement aurait pu entraîner une augmentation globale de 2,4 % du nombre d’administratrices, n’eût été les erreurs d’arrondissement et le fait que certains des postes vacants avaient été libérés par des femmes.

Nous devons accélérer le rythme du changement, surtout si nous voulons commencer à nous concentrer sur d’autres différences sur le plan de la diversité. La question est de savoir comment. Le quota n’est pas une solution privilégiée à long terme. Toutefois, même s’il y a beaucoup de raisons de s’inquiéter du recours au quota, il est indéniable que les pays qui l’ont adopté ont atteint un niveau plus élevé de représentation des femmes dans les salles de conseil, et ce, plus rapidement.

Le résultat des divulgations de cette année en matière de diversité laisse entendre qu’il existe une autre solution que celle qui exige que les femmes représentent un pourcentage précis des administrateurs à chaque conseil. La majeure partie de l’augmentation du nombre d’administratrices cette année est le résultat de l’ajout d’une femme à des conseils jusque-là composés exclusivement d’hommes. Nous avons déclaré que le pourcentage des sociétés sans administratrice avait diminué à 37 % en 2017, par rapport à 46 % l’année précédente, tandis que la proportion des conseils comptant une ou trois femmes avait augmenté. Par conséquent, le nombre moyen d’administratrices par société a monté pour atteindre 1,13 (comparativement à 0,96 à la même époque en 2016). On peut affirmer aujourd’hui sans trop s’avancer que toute société sans administratrice se situe sous la moyenne et se trouve en minorité.

Maintenant que plus de 63 % des sociétés comptent au moins une administratrice, c’est le moment d’entraîner les autres en exigeant que chaque conseil comptant quatre administrateurs ou plus admette au moins une administratrice.

Au fil des ans, j’ai observé un changement dans le comportement des administrateurs lorsqu’il y a au moins une femme au conseil. Le fonctionnement du conseil s’améliore, les administrateurs se concentrent davantage sur le travail à faire, la confiance dans les résultats augmente et, par la suite, il devient plus facile d’accroître la diversité au sein du conseil. Amenons toutes les sociétés à franchir le premier obstacle et exigeons des conseils de sociétés ouvertes au Canada qu’ils admettent au moins une administratrice.

Reproduit avec l’autorisation de l’Institut de recherche en politiques publiques. Cet article a d’abord paru dans Options politiques le 27 octobre 2017 (disponible en anglais seulement).