Auteurs(trice)
Associée, Services financiers, Toronto
Sociétaire, Services financiers, Toronto
Associé, Droit de la santé, Toronto
Associée, Droit de la santé, Toronto
L’augmentation continue des opérations de fusion et d’acquisition depuis 2020 a été largement commentée tout au long de l’année dernière. Au fur et à mesure que l’hésitation initiale à s’engager dans des activités de fusion et d’acquisition au début de la pandémie s’est dissipée, les sociétés de capital-investissement sont devenues de plus en plus actives, motivées par la nécessité de dépenser le capital inutilisé qui s’était accumulé pendant les périodes d’accalmie précédant l’expiration des périodes d’investissement applicables. En outre, l’activité de fusion et d’acquisition au Canada a été stimulée par des taux d’intérêt historiquement bas et par une confiance accrue dans la reprise économique alors que la pandémie commence à s’atténuer. Grâce à l’accès à des réserves de fonds inutilisés, à des taux d’intérêt bas et à une hausse spectaculaire des niveaux d’activité, les investisseurs étrangers ont pénétré le marché canadien avec ferveur, surtout dans le domaine de la santé.
La mise au point sur l’industrie de la santé au Canada : Le Canada n’est plus perçu comme le pays des « soins de santé gratuits »
L’industrie canadienne de la santé attire de plus en plus les investisseurs, dont les cliniques spécialisées en médecine vétérinaire, en dentisterie et en orthodontie, ainsi que dans les soins virtuels. Cet attrait croissant va à l’encontre de l’idée erronée selon laquelle le système de santé canadien est un système de santé entièrement public – une idée que beaucoup de gens entretiennent bien que la plupart des cliniques de santé au Canada sont détenues et exploitées par le secteur privé.
La propriété des cliniques au Canada demeure fragmentée et n’a pas encore connu l’état d’avancement des regroupements de cliniques fusionnées observés aux États-Unis et dans d’autres pays. De plus, l’industrie canadienne de la santé a toujours été considérée par de nombreux intervenants étrangers comme un secteur difficile à pénétrer pour diverses raisons : a) le secteur est principalement assujetti à la réglementation provinciale, ce qui signifie que la prestation des services de santé est géographiquement cloisonnée ; b) certaines professions de la santé sont souvent financées par des régimes d’assurance-maladie gouvernementaux complexes ; et c) dans certaines professions de la santé, les professionnels de la santé réglementés par les provinces doivent constituer les seuls ou la majorité des actionnaires, des administrateurs et/ou des dirigeants de toute personne morale qui exerce au sein d’une profession de la santé réglementée (une personne morale offrant des services de santé) et/ou en remplir des rôles de gestion précis.
Opérations de fusion et capital-investissement privé
Le marché américain observe depuis longtemps à la fois des investissements de capitaux privés dans des cliniques de santé et des opérations de fusion dans lesquelles un investisseur de capitaux privés acquiert un certain nombre de cliniques. De plus en plus, les sociétés ouvertes participent à des stratégies d’acquisition de cliniques ; les sociétés généralistes recherchent l’acquisition de plusieurs fournisseurs de services et les sociétés spécialisées se concentrent sur des occasions d’investissement plus ciblées.
En plus de l’augmentation de l’activité sur les marchés financiers, des investissements privés semblables dans le secteur de la santé se produisent maintenant régulièrement au Canada. Les investisseurs privés canadiens et étrangers profitent des occasions d’investissement. Dans les secteurs de la médecine vétérinaire et des soins dentaires en particulier, qui ne sont pas financés par les régimes d’assurance-maladie gouvernementaux, sauf à quelques exceptions près, l’activité de regroupement des cliniques continue de croître.
Considérations liées au financement
Il existe plusieurs considérations financières importantes lors des acquisitions par emprunt de cliniques de santé. Comme indiqué précédemment, selon la profession de la santé dans laquelle la société exerce ses activités, il peut s’avérer nécessaire que la structure du capital social de la personne morale offrant des services de santé ne compte qu’un ou plusieurs professionnels de la santé agréés comme actionnaire(s), administrateur(s), dirigeant(s) et/ou superviseur(s). Cette exigence peut présenter des difficultés lors de l’exécution pour les prêteurs. Dans un scénario de mise en exécution, il faut considérer la capacité de nommer un professionnel de la santé pour remplacer et prendre le contrôle, si nécessaire, tout en continuant de satisfaire aux exigences réglementaires applicables. Les garanties et les sûretés accordées aux prêteurs dépendront de la capacité de ces derniers à obtenir des droits d’intervention dans le cadre d’ententes de service clés conclues avec les exploitants de cliniques, ainsi que de toute restriction législative applicable empêchant le transfert de licences ou l’octroi de sûretés sur les licences.
Considérations relatives à la réglementation en matière de santé
Les opérations de fusion au Canada peuvent être structurées de diverses manières pour satisfaire aux exigences réglementaires applicables. Cela peut inclure des stratégies pour faire face aux interdictions d’exercice d’une profession de santé réglementée par une société. Il est généralement permis à une société ordinaire, c’est-à-dire une société sans restriction quant à la composition de son actionnariat, de ses administrateurs ou de ses dirigeants (société de gestion) de fournir des services à une personne morale offrant des services de santé, dont la prestation de tous les services de gestion et administratifs, l’équipement, la technologie et le personnel (autre que le personnel réglementé) nécessaires à une opération clé en main.
En général, on se fiera dans une certaine mesure au professionnel de la santé réglementé pour remplir certains rôles prescrits au sein de la personne morale offrant des services de santé. Celui-ci s’ajoute aux autres professionnels qui fournissent des services dans les cliniques. Toutefois, il existe un certain nombre de mesures qui peuvent être mises en œuvre par l’investisseur ou le fournisseur de services afin d’atténuer les risques associés au recours au professionnel de la santé réglementé. Pour certaines cliniques de santé qui se trouvent sur un territoire donné, une entité peut satisfaire aux exigences réglementaires applicables en ayant recours au levier financier sur plusieurs catégories d’actions par l’entremise d’un professionnel de la santé qui détient certaines actions et par la conclusion d’une convention d’actionnaires qui attribue les pouvoirs décisionnels et financiers à la société de gestion.
Une autre structure souvent mise en place pour répondre aux normes réglementaires comporte une entente de services entre la société de gestion et la personne morale offrant des services de santé. Une telle entente permet à la société de gestion d’exercer un contrôle financier sur la personne morale offrant des services de santé par le paiement de frais de gestion qui reposent sur les revenus ou simplement de frais fixes. Dans cette structure, la supervision et la responsabilité de la prestation des services de santé professionnels ainsi que l’engagement des professionnels de la santé demeurent uniquement entre les mains de la personne morale offrant des services de santé. Une telle structure peut être reproduite, et modifiée si nécessaire, pour satisfaire aux obligations réglementaires applicables dans chaque territoire.
Dans le contexte des ententes entre une société de gestion et une personne morale offrant des services de santé, des questions de politique publique et de réglementation se posent également quant à la protection et l’application de la protection de la clientèle associées aux cliniques du fait que la personne morale offrant des services de santé est responsable de la prestation des services de santé. Ces questions sont généralement abordées dans l’entente de services ou d’autres ententes entre les parties au moyen de clauses restrictives et de dispositions relatives à la résiliation du contrat.
Dans ces cas, les actionnaires de la personne morale offrant des services de santé auraient également des restrictions contractuelles sur leur capacité à en transférer les actions. La société de gestion aura généralement le droit contractuel de nommer un autre professionnel de la santé réglementé pour détenir les actions de la personne morale offrant des services de santé et pour satisfaire aux autres exigences réglementaires, le cas échéant. Cette option garantit à la société de gestion la capacité de continuer à tirer une valeur économique de l’entreprise sans dépendre indûment d’un professionnel de la santé en particulier.
Certaines professions de santé exigent également de la part de l’exploitant de la clinique ou de l’entreprise de santé réglementée qu’il ou elle soit titulaire d’une licence pour pouvoir mener des activités ou facturer certains frais au régime d’assurance-maladie gouvernemental. Dans certaines situations, le consentement d’une autorité de réglementationest requis pour pouvoir transférer cette licence ou pour permettre toute modification au contrôle, à la direction ou à la gestion de l’entité détenant la licence. Dans d’autres situations, une licence peut être considérée comme personnelle à son détenteur et une nouvelle demande de licence sera nécessaire si l’entité détenant la licence fait l’objet de modifications. Selon le type de licence et les relations entre les parties, il peut être possible de s’appuyer sur une entente de service de transition pour poursuivre les activités avec une licence existante pendant qu’une nouvelle demande de licence est en cours.
Autres points à prendre en considération
Outre les principales considérations financières et réglementaires propres au domaine de la santé, il peut y avoir d’autres complexités liées à la protection des renseignements personnels et à la propriété des dossiers associés aux activités des cliniques. Afin d’exploiter des cliniques dans de nombreux territoires, il peut s’avérer nécessaire de se conformer à diverses normes prévues par le secteur privé et les lois sur la protection des renseignements personnels dans le domaine de la santé.
Selon la manière dont sont structurées les ententes de licence et de gestion, l’information relative aux franchises et d’autres considérations peuvent également s’appliquer aux opérations de fusion dans les provinces canadiennes qui réglementent le droit des franchises, notamment l’Ontario, la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick.
Conclusion
En raison de l’importance des investissements étrangers qui financent désormais le secteur privé de la santé au Canada, il est évident que le Canada n’est plus perçu comme ayant uniquement un système de santé public. Le changement de perception a été amplifié par la pandémie de COVID-19. Nous prévoyons que la poursuite des investissements et des acquisitions par des acteurs stratégiques et des investissements privés dans le secteur de la santé se poursuivra dans les années à venir.
De nouvelles méthodes de prestation de services, dont le recours accru aux fournisseurs de soins privés en dehors du système public, ainsi que des investissements privés et les gains d’efficience qui peuvent être réalisés par le regroupement de la prestation de services, continueront d’être à la fois nécessaires et souhaitables pour améliorer l’efficacité de la prestation des services de santé et la qualité des soins. Il existe plusieurs questions particulières et parfois complexes à prendre en compte dans le cadre de ces opérations, mais ces considérations peuvent être traitées avec succès dans divers contextes et ne sont plus perçues comme des obstacles à l’investissement.