Les SAVS tentent de réaliser des opérations admissibles

6 Déc 2016 10 MIN DE LECTURE

Les délais pour réaliser une acquisition pour les sociétés d’acquisition à vocation spécifique (SAVS) qui ont été créées dans une vague en 2015 approchent. Comme nous l’avons commenté antérieurement (voir « Les sociétés d’acquisition à vocation spécifique (SAVS) : en verrons-nous davantage? » sur osler.com), la viabilité des SAVS en tant que catégorie d’actif dépendra probablement de la capacité du groupe initial de SAVS à réaliser avec succès une « acquisition admissible » – une acquisition par la SAVS d’une entreprise avec le produit entiercé du premier appel public à l’épargne.

Le tableau ci-après résume les échéances auxquelles chaque SAVS de 2015 (et une réalisée en 2016) doit avoir réalisé son acquisition admissible :

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Pour chaque SAVS, le délai initial pourrait être prolongé à 36 mois suivant la clôture du premier appel public à l’épargne, moyennant l’approbation des actionnaires et le consentement de la TSX, au besoin. Le délai prolongé pour chacune des quatre premières SAVS dans le tableau s’applique si la SAVS a signé une lettre d’intention, un accord de principe ou un accord définitif pour une acquisition admissible dans le délai initial. Dans le cas de Kew Media, le délai initial pourrait être prolongé de trois mois à deux reprises, moyennant chaque fois la souscription par le promoteur ou d’autres fondateurs de parts d’un montant de 525 000 $.

 

À ce jour, quatre opérations proposées ont été annoncées, même si aucune de ces SAVS n’a encore réalisé une acquisition admissible.

INFOR Acquisition Corp. (« IAC ») a annoncé, le 25 juillet 2016, qu’elle avait conclu une convention d’arrangement avec Element Financial Corporation. La convention prévoyait un arrangement d’IAC aux termes duquel IAC serait acquise par la société exerçant les activités de financement commercial nord-américaines issue de la scission d’Element. Cette opération, qui aurait été la première acquisition admissible réalisée par une SAVS, a pris fin par suite d’une entente entre les parties le 12 octobre 2016, peu avant l’assemblée proposée des actionnaires de la SAVS convoquée pour l’examen de l’opération.

Dundee Acquisition Corp. (« DAC ») a annoncé, le 25 août 2016, qu’elle avait conclu une convention d’arrangement avec CHC Student Housing Corp. La convention prévoit un arrangement de DAC aux termes duquel DAC sera acquise par CHC et l’entité combinée acquerra d’autres logements pour étudiants. DAC a l’intention de tenir une assemblée des actionnaires le 20 décembre 2016, la clôture de l’opération étant prévue en décembre.

Alignvest Acquisition Corporation (« AAC ») a annoncé, le 1er novembre 2016, qu’elle avait signé une convention d’arrangement avec Trilogy International Partners LLC. La convention prévoit un arrangement d’AAC à l’issue duquel AAC acquerra jusqu’à 51 % des titres de capitaux propres (et 100 % des titres comportant droit de vote) dans Trilogy. AAC a l’intention d’envoyer une circulaire d’information par la poste aux actionnaires à la fin de décembre 2016 concernant une assemblée des actionnaires qui devrait se tenir à la fin de janvier 2017, la clôture de l’opération étant prévue avoir lieu peu après l’assemblée des actionnaires.

Acasta Enterprises Inc. (« AEI ») a annoncé, le 10 novembre 2016, qu’elle avait conclu des ententes visant l’acquisition de deux entreprises de produits de consommation de base de marque privée et d’une entreprise de conseils financiers en matière d’aviation commerciale et de gestion d’actif. Ces opérations devraient être conclues en janvier 2017.

Même si les opérations proposées ne sont pas réalisées, il y a néanmoins des développements intéressants pour les participants au marché qui en découlent :

  • Les fondateurs de la SAVS pourraient devoir réduire leur « promotion » ou modifier autrement leur placement initial pour réaliser une acquisition admissible;
  • Une acquisition admissible comprend une vente de la SAVS, notamment une vente qui entraîne l’acquisition par les actionnaires de la SAVS d’une participation minoritaire dans les activités en cours;
  • Un arrangement d’une SAVS pourrait nécessiter l’approbation d’une majorité simple (c.-à-d. plus de 50 %) des actionnaires plutôt que l’approbation typique des deux tiers pour un arrangement.

Réduction de la “promotion”

Les fondateurs d’une SAVS fournissent le capital de démarrage en achetant des parts de la SAVS (actions et bons de souscription) au même prix que celui payé par les investisseurs publics dans le PAPE. Le capital de démarrage couvre la commission de placement, les frais juridiques et les autres frais liés au PAPE et à l’acquisition admissible. Avant le PAPE, les fondateurs d’une SAVS font une acquisition initiale d’actions en contrepartie d’une somme symbolique. Ces « actions de fondateurs » indemnisent les fondateurs pour le risque qu’ils assument à l’égard du capital de démarrage, pour les efforts qu’ils ont déployés en vue de structurer la SAVS et pour leur capacité à trouver et à réaliser une acquisition admissible avec succès. Une part de 25 % de ces actions est susceptible de confiscation pendant une période suivant la réalisation de l’acquisition admissible si le cours des actions n’atteint pas certains seuils avec le temps.

Dans chacune des opérations proposées d’IAC et de DAC, les fondateurs ont convenu de réduire l’accumulation de la valeur devant être réalisée sur leurs actions de fondateurs à la réalisation de l’acquisition admissible. Dans le cas d’IAC, les fondateurs ont convenu de réduire la valeur de leurs actions de 80 % et, dans le cas de DAC, de 25 %. Le promoteur d’AAC a convenu d’investir une somme supplémentaire de 21 millions de dollars au cours du PAPE de 10 $ l’action et, avec d’autres fondateurs, a convenu d’immobiliser une partie de ses actions pendant une période suivant la clôture de l’acquisition admissible (en plus des actions susceptibles de confiscation). Les fondateurs d’AEI ont accru le nombre de leurs actions susceptibles de confiscation si le cours des actions n’atteint pas certains seuils avec le temps, ont haussé ces seuils par rapport à ceux établis à l’origine au moment du PAPE et ont convenu d’investir une somme supplémentaire de 10 millions de dollars au prix du PAPE de 10 $ l’action.

Vente de la SAVS

Comme il est indiqué ci-dessus, chaque opération proposée d’IAC et de DAC a été structurée comme un arrangement en vertu du droit des sociétés, dont les étapes comprenaient l’acquisition des actions de la SAVS. Bien qu’il puisse sembler paradoxal qu’une acquisition admissible puisse comprendre une vente de la SAVS, l’acceptation par la TSX de cette structure comme acquisition admissible était vraisemblablement fondée sur l’acceptation de l’argument que l’opération est, en effet, une « fusion » de la SAVS et de l’acquéreur, puisqu’une fusion est expressément envisagée comme une acquisition admissible potentielle dans un prospectus de la SAVS.

Il importe également de noter que l’opération d’IAC proposait que les actionnaires de la SAVS acquièrent effectivement seulement une participation minoritaire dans les activités en cours.

Seuil de vote pour les arrangements des SAVS

Un aspect intéressant de l’opération de DAC proposée et de l’opération d’AAC proposée est que chaque convention d’arrangement envisage que le seuil d’approbation des actionnaires pour la SAVS soit une majorité simple (plus de 50 %) des voix exprimées à l’égard de la résolution des actionnaires approuvant l’arrangement. Habituellement, le seuil d’approbation pour les actionnaires d’une société assujettie à un arrangement est de deux tiers (ou plus dans certains territoires) des voix exprimées relativement à la résolution des actionnaires. En vertu des lois sur les sociétés applicables, ce seuil est établi par ordonnance du tribunal, à sa discrétion, mais, en pratique, il a constamment été établi par le tribunal comme le même seuil qui s’applique aux autres « changements fondamentaux » en vertu des lois sur les sociétés applicables comme les modifications des statuts, les regroupements et les réorganisations.

DAC et AAC sont toutes deux constituées en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario (LSAO). La LSAO prévoit que, sous réserve d’une ordonnance provisoire du tribunal, lorsqu’un arrangement est approuvé par les actionnaires au moyen d’une résolution spéciale (c.-à-d. par les deux tiers des voix exprimées), la société peut demander au tribunal d’approuver l’arrangement. De toute évidence, le tribunal a la discrétion d’ordonner un seuil d’approbation des actionnaires différent, mais la présomption est que le seuil sera les deux tiers. Cette présomption est en outre mise en évidence par la disposition de la LSAO qui prévoit la délivrance de l’ordonnance provisoire. Elle prévoit que le tribunal peut rendre une ordonnance provisoire s’il le juge approprié, notamment une ordonnance stipulant qu’un arrangement doit être approuvé par une majorité précise supérieure aux deux tiers des voix exprimées à l’assemblée des actionnaires.

L’ordonnance provisoire du tribunal pour l’arrangement de DAC prévoit un seuil d’approbation d’une majorité simple. L’avocat de DAC a fait remarquer dans ses documents déposés au tribunal qu’un seuil d’approbation d’une majorité simple est conforme aux exigences de la TSX applicables à une acquisition admissible d’une SAVS. L’avocat a aussi fait remarquer que les exigences en matière de vote dans l’ordonnance provisoire ne signifient pas que le tribunal a « fixé » ou « établi » le seuil de vote approprié qui peut être présenté à l’audience du tribunal devant être tenue après l’assemblée des actionnaires à laquelle le tribunal devra approuver l’arrangement comme juste et raisonnable. Notamment, lors de cette audience sur le caractère équitable de l’arrangement, le niveau réel d’approbation des actionnaires sera connu.

Nous croyons qu’un argument qui pourrait persuader et inciter le tribunal à accepter un seuil d’approbation des actionnaires d’une majorité simple pour l’arrangement d’une SAVS plutôt que le seuil d’approbation habituel des actionnaires des deux tiers est que, dans le cas d’une SAVS, tout actionnaire de la SAVS (qu’il vote en faveur de l’arrangement, contre celui-ci ou s’abstienne de voter) pourrait demander à la SAVS de racheter ses actions en fonction de sa quote-part pour sa part des fonds entiercés de la SAVS. Par conséquent, par opposition à un arrangement typique aux termes duquel l’actionnaire serait tenu de vendre ses titres sur le marché (à un cours qui pourrait ne pas refléter la juste valeur) ou d’exprimer sa dissidence et d’intenter un litige potentiellement coûteux pour obtenir une décision du tribunal quant à la « juste valeur » de ses titres afin de se départir de son investissement, l’actionnaire d’une SAVS peut facilement obtenir un remboursement s’il ne désire plus investir. L’ordonnance provisoire de l’arrangement de DAC ne prévoit pas de droits à la dissidence précisément pour cette raison.

Nous prévoyons qu’il y aura d’autres développements dans la pratique, alors que les SAVS existantes et, peut-être, de nouvelles progressent afin de mener à terme leurs acquisitions admissibles. Les participants au marché surveilleront la situation, puisque le sort de la structure des SAVS pourrait être en jeu.