Même les morts ne seraient pas épargnés par l’augmentation des gains en capital au Canada

8 Mai 2024 6 MIN DE LECTURE

L’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital que le gouvernement du Canada a proposée est susceptible de toucher un large éventail de contribuables, et pas seulement, comme il l’a affirmé, les personnes « les plus riches » et « une petite minorité » d’entreprises canadiennes.

Dans son dernier budget, le gouvernement du Canada a proposé de faire passer le taux d’inclusion des gains en capital de la moitié à deux tiers pour les dispositions effectuées à compter du 25 juin. Le taux majoré s’appliquerait à toutes les dispositions effectuées par les sociétés et les fiducies. Les particuliers seraient également soumis au taux majoré sur les gains supérieurs à 250 000 $ CA (environ 182 000 $ US) réalisés annuellement.

Le projet de loi d’exécution du budget déposé le 30 avril n’incluait pas cette proposition. Le gouvernement a déclaré qu’il avait l’intention d’introduire l’augmentation dans un projet de loi distinct.

Le gouvernement du Canada a également laissé entendre que le changement proposé ne toucherait probablement pas la majeure partie de la population, estimant que seuls 0,13 % des Canadiens paieraient davantage d’impôt sur le revenu des particuliers en 2025. Cependant, cette affirmation ne tient pas compte des répercussions que ce changement pourrait avoir.

Perspectives de la proposition

Les personnes qui vendent un chalet ou un investissement immobilier sont parmi celles qui ressentiront le plus fortement le changement.

Selon une enquête réalisée en 2023 par Royal LePage, une société immobilière, plus d’un Canadien sur dix possède un investissement immobilier. Si les ventes de résidences principales sont exonérées d’impôt sur les gains en capital, ce n’est pas le cas des ventes de résidences secondaires. Les gains supérieurs à 250 000 $ CA tirés de la disposition de telles résidences seraient soumis au taux majoré proposé.

L’augmentation du taux aurait également une incidence notable sur ce qui se passe au moment du décès. Sous réserve de certaines exceptions limitées, les contribuables sont généralement réputés, à leur décès, avoir disposé de leurs biens pour leur juste valeur marchande, et les biens sont immédiatement réputés acquis par la succession.

Par conséquent, tous gains accumulés sur les biens à ce jour devront être comptabilisés. Compte tenu du vieillissement de la population canadienne, l’imposition des deux tiers de tous les gains au moment du décès (au-delà de 250 000 $ CA) au lieu de la moitié aurait manifestement une incidence sur les actifs restants susceptibles d’être transmis à la génération suivante, ce qui mettrait en péril les dispositions existantes en matière de planification successorale.

Afin d’atténuer l’incidence de l’augmentation du taux pour les particuliers et « d’encourager l’entrepreneuriat », dans le budget, le gouvernement propose l’incitatif aux entrepreneurs, qui réduira le taux d’inclusion à 33,3 % sur des gains en capital admissibles cumulatifs de 2 millions de dollars canadiens.

Toutefois, les conditions d’accès à cet incitatif sont strictes. Il faut notamment que la personne soit une investisseuse ou un investisseur fondateur de la société et qu’elle ait détenu directement plus de 10 % des droits de vote et de la juste valeur marchande de la société à tout moment. De nombreux types d’entreprises seraient exclus de l’incitatif, notamment les sociétés de services financiers, d’assurances et de services immobiliers. L’incitatif serait également introduit progressivement sur une période de 10 ans.

Par conséquent, le nouvel incitatif aux entrepreneurs n’atténuerait guère, dans la pratique, l’incidence du taux majoré pour la plupart des contribuables.

Pour les sociétés, toutes les dispositions d’immobilisations effectuées à compter du 25 juin seront soumises au taux majoré. Des particuliers résidant au Canada possèdent et contrôlent des centaines de milliers de sociétés fermées. Les gains en capital réalisés par ces sociétés seraient soumis au nouveau taux, sans possibilité de bénéficier du taux d’inclusion de 50 % sur la première tranche de 250 000 $ CA de gains en capital ou de mesures incitatives compensatoires.

Les particuliers actionnaires ressentiraient en fin de compte l’augmentation de la charge fiscale résultant de ces dispositions. Par exemple, les professionnels tels que les médecins, les avocats et les comptables peuvent exercer leur profession par l’intermédiaire d’une société, qui peut détenir des investissements ou des biens immobiliers.

La disposition éventuelle de ces biens serait soumise au taux d’inclusion des deux tiers, ce qui réduirait considérablement le produit après impôt disponible pour le propriétaire. Cela pourrait avoir une incidence sur les plans de retraite.

Enfin, les sociétés ouvertes qui réalisent des gains en capital supporteraient une charge fiscale supérieure, ce qui signifie qu’elles disposeraient de moins de fonds à réinvestir dans l’entreprise ou à verser aux actionnaires sous forme de dividendes.

Une réponse évidente à l’augmentation du taux peut être de disposer des investissements immobiliers avant le 25 juin, ce qui déclencherait un gain soumis au taux d’inclusion inférieur de 50 % en vertu des règles existantes. Toutefois, cela est plus facile à dire qu’à faire. Même le vendeur le plus motivé disposerait d’un peu plus de deux mois pour trouver un acheteur et conclure la vente.

Perspectives

Les documents budgétaires ne fournissent que peu de renseignements sur la manière dont le taux d’inclusion majoré sera mis en œuvre, indiquant que des détails additionnels seront communiqués au cours des prochains mois.

Compte tenu de la place centrale qu’occupent les règles relatives aux gains en capital dans le régime fiscal canadien, ce changement nécessiterait des modifications législatives importantes et complexes, dont l’incidence ne pourra être pleinement mesurée qu’une fois la version définitive de la loi publiée. D’après les projections du gouvernement, le changement est substantiel, puisqu’il entraînerait une augmentation des recettes fédérales de 19,4 milliards de dollars canadiens sur cinq ans.

Cette proposition budgétaire marque la cinquième modification du taux d’inclusion des gains en capital depuis l’introduction de l’impôt sur les gains en capital en 1972. Si l’on se fie à l’histoire, l’augmentation du taux d’inclusion, si elle est mise en œuvre, pourrait ne pas être permanente. Comme sa durée de vie est actuellement indéterminée et que son incidence est généralisée, les contribuables et leurs conseillers devront peut-être s’y pencher dans un avenir prévisible.

Version anglaise reproduite avec l’autorisation de Bloomberg Law