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Dans Giroux et al. c. 1073355 Ontario Ltd. et al, 2018 ONSC 143 (Giroux), des franchisés ont sollicité, au moyen d’une motion en jugement sommaire, une déclaration selon laquelle ils avaient le droit d’annuler leur contrat de franchisage en raison d’une divulgation inadéquate.
Contexte factuel
En février 2014, les conjoints Claire Giroux et Mitchell Kennedy se sont adressés à un représentant de 1073355 Ontario Ltd. (107) concernant l’achat d’une franchise de consultants en télécommunications. En mars 2014, le franchiseur a transmis un premier document d’information sur la franchise à Giroux et Kennedy. Au cours de discussions et de négociations complémentaires, le franchiseur a fourni des documents supplémentaires, dont un addenda, une offre de financement et des projections de croissance. Par la suite, le franchiseur a fourni un deuxième document d’information, qui renfermait des mises à jour par rapport au premier document d’information. Après l’examen de ce document par l’avocat des franchisés éventuels, les franchisés ont signé le contrat de franchisage en avril 2014. La franchise de Giroux et Kennedy a été exploitée à perte durant son fonctionnement et le 7 avril 2016, ils ont remis un avis de résolution à la société 107.
Les franchisés ont fait valoir que les documents d’information comportaient un certain nombre de lacunes importantes, dont les suivantes :
- La divulgation n’avait pas été effectuée en un document, mais plutôt dans deux documents d’information et sous forme fragmentaire dans divers documents et contrats connexes, en violation du paragraphe 5(4) de la Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises (la Loi).
- Les états financiers n’avaient pas été dressés conformément à une norme minimale d’examen généralement reconnue dans l’un ou l’autre des documents d’information.
- Aucun document d’information ne faisait état du fondement et des hypothèses touchant les indications de rendement financier.
- Aucun document d’information ne renfermait les modalités importantes des ententes de financement offertes par le franchiseur.
- Les documents d’information ont omis des faits importants, dont des renseignements au sujet des anciens franchisés, de la relation du fondateur avec le franchiseur, d’anciennes sanctions prévues par la loi et de l’historique du système de franchise.
Les franchisés ont fait valoir, en se fondant sur les lacunes alléguées, qu’ils avaient le droit d’exercer un recours en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi.
Décision de la Cour supérieure de l’Ontario
La Cour supérieure de l’Ontario a prononcé un jugement déclaratoire selon lequel les franchisés avaient le droit d’annuler le contrat de franchisage en raison du défaut du franchiseur de fournir tous les faits importants et a rejeté la demande reconventionnelle des défendeurs.
La Cour a accueilli la demande de résolution parce que les états financiers non audités qui étaient compris dans le deuxième document d’information ne répondaient pas à la norme comptable requise. L’alinéa 3(1)b) du Règlement de l’Ontario 581/00 (le Règlement) exige que les états financiers soient dressés conformément aux normes d’examen généralement reconnues. Comme le franchiseur n’a pas soumis de preuve établissant que sa divulgation financière était conforme à cette norme, la Cour a tiré une conclusion négative selon laquelle les états n’étaient pas conformes.
La Cour a également conclu que le défaut du franchiseur de fournir des renseignements qui auraient justifié les projections de gains équivalait à une lacune importante. Il n’est pas nécessaire d’inclure les projections financières dans la divulgation; toutefois, lorsqu’elles sont fournies, le paragraphe 6(3) du Règlement exige que les renseignements qui servent à justifier les projections soient également mis à la disposition des franchisés éventuels. La Cour a signalé que les renseignements fournis par le franchiseur dans le deuxième document d’information – à savoir des graphiques illustrant les gains réalisés sur une période de 31 à 48 mois pour tous les franchisés, les franchisés qui possèdent au moins un an d’expérience et les franchisés qui se situent dans la première tranche de 25 % des gains – correspondaient à des projections financières. Le défaut du franchiseur de divulguer les renseignements sous-jacents à ces projections correspondait à une violation du paragraphe 6(3) du Règlement.
En ce qui concerne les faits importants qui auraient été omis des documents d’information, la Cour a statué que le deuxième document d’information renfermait une liste exacte des anciens franchisés, ce qui signifie que le franchiseur a respecté la réglementation sur la divulgation relative à ces renseignements. La Cour a noté que les renseignements suivants n’ont pas été divulgués : a) les renseignements concernant le fondateur de la franchise (même si le fondateur était un associé du franchiseur conformément à la Loi) parce que ce n’était pas un fait important; b) des condamnations antérieures du fondateur qui remontent à plus de 10 ans; et c) l’historique de propriété du franchiseur qui remonte à plus de 10 ans.
Fait intéressant, la Cour a rejeté l’argument des franchisés selon lequel la divulgation ne s’était pas faite une seule fois et en un document unique. Au vu de la preuve soumise, elle a plutôt conclu que les franchisés s’en étaient remis seulement au deuxième document d’information, qui avait été étudié par leur avocat. La Cour a conclu que le processus d’achat de la franchise a recommencé à neuf lors de la transmission du deuxième document d’information du franchiseur et qu’il n’y avait pas de preuve de confusion entre les deux documents d’information.
Principaux points à retenir
La décision Giroux nous rappelle que les franchiseurs devraient faire preuve d’une grande prudence lorsqu’ils préparent les documents d’information en veillant à ce qu’ils soient conformes à la lettre des lois et règlements provinciaux sur le franchisage. Des avocats-conseils chevronnés peuvent aider les franchiseurs à s’acquitter de leurs obligations juridiques lorsqu’ils font une divulgation, et à éviter ou minimiser la responsabilité éventuelle qui découle d’une divulgation lacunaire.