Auteurs(trice)
Associé, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges, Calgary
Associée, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges et Insolvabilité et restructuration, Montréal
Table des matières
- Centre d’acquisitions gouvernementales c. Teva Canada limitée, 2025 QCCQ 892
- Office of the Information and Privacy Commissioner for British Columbia v. Airbnb Ireland UC, 2024 BCCA 333
La jurisprudence sur la protection de la vie privée
Centre d’acquisitions gouvernementales c. Teva Canada limitée, 2025 QCCQ 892
Faits
L’appelant, le Centre d’acquisitions gouvernementales (CAG), un organisme public du Québec, a fait appel d’une décision rendue par la Commission d’accès à l’information (CAI), qui ordonnait au CAG de transmettre à l’intimée, Teva Canada limitée (Teva), des copies de deux demandes d’accès à l’information qu’il avait reçues dans le cadre de l’application de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ c. A-2.1 (la Loi sur l’accès). Teva avait adressé une requête au CAG afin d’obtenir une copie de ces deux demandes qui visaient, notamment, à obtenir une copie d’un contrat conclu avec plusieurs fournisseurs, dont Teva.
La CAI a conclu que ces demandes d’accès à l’information avaient été déposées par le CAG dans l’exercice de ses fonctions. Elle a également établi que les documents demandés ne contenaient pas de renseignements personnels, car les demandes d’accès à l’information avaient été faites pour le compte et au nom de personnes morales.
Décision
La Cour a rejeté l’appel.
La Cour a conclu que la CAI n’avait pas commis d’erreur susceptible de révision en concluant que les demandes d’accès à l’information sont des documents détenus dans l’exercice des fonctions d’un organisme public, qui doivent être interprétés de manière libérale au sens de la Loi sur l’accès. La Cour a souligné que le fait que la loi constitutive d’un organisme ne prévoit pas spécifiquement son obligation de détenir tel ou tel autre document ne permet pas de conclure, en soi, que le document n’est pas détenu dans l’exercice de ses fonctions.
Les fonctions d’un organisme public s’étendent non seulement à l’ensemble de ses fonctions principales, mais également aux fonctions accessoires découlant de celles-ci, aux fonctions assumées volontairement ainsi qu’aux activités lui incombant en raison de sa loi constitutive ou en vertu d’une loi d’application générale comme la Loi sur l’accès. Par conséquent, la Cour a conclu que les documents demandés par Teva dans sa demande d’accès à l’information étaient détenus par le CAG dans l’exercice de ses fonctions.
Par ailleurs, la Cour a jugé que l’identité des demandeurs d’accès à l’information ne constituait pas un renseignement personnel confidentiel. Le nom d’une personne agissant à titre de représentant d’une entreprise n’est toutefois pas considéré comme un renseignement personnel confidentiel s’il n’est associé à aucune information significative le concernant personnellement. Ainsi, les documents demandés par Teva ne contenaient aucun renseignement personnel confidentiel au sens de la Loi sur l’accès.
S’il souhaitait ériger un principe fondamental visant la protection de l’identité des demandeurs d’accès et la confidentialité des demandes d’accès à proprement parler, le législateur l’aurait spécifié. La Cour a réitéré l’avis de la CAI selon lequel il ne lui appartient pas de créer une nouvelle exception au droit d’accès ni de réécrire la Loi sur l’accès.
La Cour ayant conclu qu’aucune exception au droit d’accès n’était applicable en l’espèce, rien n’empêchait le CAG de communiquer les documents demandés à Teva.
Point principal à retenir
Cette décision clarifie la portée de la Loi sur l’accès du Québec en affirmant que les demandes d’accès à l’information visent les documents détenus dans l’exercice des fonctions d’un organisme public et que le droit d’accès doit être interprété de manière libérale, à moins qu’une exception ne soit expressément prévue dans cette loi.
De plus, l’identité des demandeurs d’accès à l’information n’est pas considérée comme un renseignement personnel confidentiel au sens de cette loi si elle n’est pas associée à d’autres renseignements personnels importants.
Office of the Information and Privacy Commissioner for British Columbia v. Airbnb Ireland UC, 2024 BCCA 333
Faits
Cet appel concernait la divulgation de renseignements sur les titulaires de permis de location à court terme (LCT) dans la ville de Vancouver, collectés par la ville conformément à son accord avec Airbnb. En 2018, la ville a modifié ses règlements municipaux afin d’obliger les exploitants de LCT à obtenir des permis, qui sont délivrés au nom de l’exploitant et indiquent son adresse personnelle. Dans le cadre d’un protocole d’entente, Airbnb a fourni à la ville les noms, numéros de permis, adresses personnelles et adresses électroniques des hôtes, tous considérés comme des « renseignements personnels » au sens de la Freedom of Information and Protection of Privacy Act (FIPPA), la loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique.
Un demandeur a sollicité la divulgation des noms, numéros de permis et adresses des hôtes des LCT. La Ville a rejeté la requête en invoquant plusieurs exceptions à la FIPPA, notamment celles liées à la sécurité, à la sûreté des biens, aux intérêts commerciaux de tiers et à la protection des renseignements personnels. Le demandeur a sollicité un examen par le Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP).
L’arbitre de la CIPVP a ordonné la divulgation de certains renseignements, estimant que la plupart des préoccupations de la Ville et d’Airbnb concernant les préjudices n’étaient pas fondées, à l’exception d’un cas impliquant une victime de harcèlement. Il a également déterminé que les adresses des LCT étaient des « coordonnées » plutôt que des « renseignements personnels », car elles étaient utilisées à des fins commerciales et n’étaient donc pas protégées contre la divulgation en vertu de l’article 22 de la FIPPA.
Airbnb a demandé un contrôle judiciaire, faisant valoir que l’interprétation qu’avait faite l’arbitre de la FIPPA était déraisonnable et que les hôtes auraient dû être avisés et avoir la possibilité de participer au contrôle. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a annulé la décision de la CIPVP, renvoyé l’affaire pour réexamen et ordonné que tous les titulaires de permis soient avisés avant le réexamen.
Décision
La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a accueilli en partie l’appel du CIPVP, uniquement sur la question de savoir si les personnes dont les renseignements pourraient être divulgués devaient être informées du fait que le commissaire envisageait de les divulguer. Elle a jugé que la décision d’informer ou non les personnes concernées relevait du pouvoir discrétionnaire du CIPVP en vertu de l’article 54 de la FIPPA.
La Cour a confirmé la décision du tribunal de première instance, soulignant que l’analyse du juge était trop formaliste et ne tenait pas suffisamment compte du contexte législatif et de l’objectif de la loi, ni des conséquences pratiques sur la vie privée que pouvait avoir la divulgation d’adresses privées utilisées à des fins professionnelles.
Point principal à retenir
Cette affaire souligne la nécessité d’adopter une approche contextuelle et téléologique pour interpréter la notion de « renseignements personnels » au sens de la FIPPA, en particulier lorsque l’adresse du domicile est utilisée à des fins personnelles et professionnelles.