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Gérer votre empreinte carbone : Conseils de planification proactive en matière de carbone pour les émetteurs de l’Alberta

Auteur(s) : Lorne Carson

Le 15 décembre 2017

Dans ce bulletin d’actualités :

  • Le règlement intitulé Specified Gas Emitters Regulation (SGER) existant impose un prix du carbone de 30 $ la tonne pour toutes les émissions industrielles sujettes à un plafond établi d’avance, et le règlement intitulé Carbon Competitiveness Incentive Regulation (CCI) nouvellement annoncé comportera des limites sectorielles applicables aux attributions fondées sur le volume de production pour diverses industries émettrices et resserrera au fil du temps les émissions permises pour ces industries.
  • Le gouvernement fédéral veille à ce que la tarification du carbone demeure grâce à diverses initiatives législatives.
  • Pour maximiser les résultats obtenus dans le cadre des nouvelles structures législatives, des stratégies efficaces de gestion du carbone commenceront par un bilan carbone et des stratégies d’atténuation des coûts.
  • D’autres stratégies d’investissement dans le carbone consistent à miser sur la technologie pour dégager des revenus supplémentaires, à investir directement dans des projets d’énergie renouvelable et à négocier des contrats bilatéraux souples en matière de crédits d’électricité ou d’énergies renouvelables

La prolifération des politiques sur la tarification du carbone et la réglementation des émissions en Alberta justifient une planification proactive en matière de carbone et des mesures décisionnelles, en amont, de la part des producteurs de pétrole et de gaz, des producteurs d’énergie, et d’autres grands émetteurs industriels de carbone en Alberta. Le présent article résume l’impulsion derrière le bilan carbone et fait ressortir certaines stratégies qui s’offrent aux émetteurs industriels de carbone de l’Alberta.

La combinaison des lois exige que l’on porte attention à la gestion du carbone

Le règlement intitulé Specified Gas Emitters Regulation (SGER) existant impose un prix du carbone de 30 $ la tonne pour toutes les émissions industrielles au-delà d’un plafond établi d’avance, et le coût des émissions excédentaires devrait augmenter à 50 $ la tonne d’ici 2022. Une taxe au détail sur le carbone équivalente est imposée dans l’ensemble de l’économie en vertu de la loi intitulée Climate Leadership Act (Alberta).

Récemment, le gouvernement de l’Alberta a annoncé le règlement intitulé Carbon Competitiveness Incentive Regulation (CCI), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018.

Ce règlement imposera des attributions fondées sur le volume de production des coûts du carbone au sein d’une industrie. La plupart des plus gros émetteurs devront respecter une limite de 80 % de l’intensité d’émissions en fonction de la moyenne pondérée de la production pour leur secteur industriel, y compris les industries d’amélioration du traitement du gaz naturel et de fabrications de produits chimiques multiples. Des exceptions s’appliqueront pour l’électricité, les sables bitumineux sur place et l’exploitation minière, ainsi que pour d’autres secteurs. En outre, le règlement CCI resserrera chaque année les attributions d’émissions gratuites, à compter de 2020, entre autres modifications apportées au régime provincial de réglementation.

Le gouvernement fédéral veille à ce que la tarification du carbone demeure en instaurant le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, qui annonce une mesure de protection fédérale des provinces qui ne maintiennent pas un tarif minimum du carbone sur un vaste éventail démissions de carburant.

Dans les limites provinciales, outre la tarification du carbone, le gouvernement de l’Alberta s’approvisionne en quantités sans précédent d’énergie renouvelable au moyen de contrats à long terme de crédits renouvelables ou de crédits compensatoires des émissions, en développant un marché des capacités pour remplacer le modèle déréglementé fondé sur le marché de gros d’électricité, et en resserrant la législation sur le carbone au moyen de la réglementation parallèle sur la réduction des émissions de méthane et en limitant les émissions liées à la production de sable bitumineux.

Le 13 décembre 2017, le gouvernement de l’Alberta a accordé des contrats à long terme de près de 600 MW d’énergie éolienne dans le cadre de la première ronde de son programme d’électricité renouvelable (Renewable Electricity Program).

Tout bien considéré, la combinaison des lois sur la gestion climatique laisse présager qu’il serait judicieux pour les émetteurs industriels de carbone dans la province d’élaborer des stratégies efficaces de gestion du carbone.

Bilan carbone

La première étape d’une stratégie efficace de gestion du carbone est le bilan carbone. L’amalgame des lois sur le carbone en Alberta a créé une première structure incitative pour accorder une récompense importante aux sociétés albertaines qui effectueront une évaluation critique de leurs structures de fonctionnement et qui feront des investissements raisonnables en matière d’efficacité du carbone.

Nous proposons que toutes les sociétés en activité en Alberta effectuent des bilans carbone à l’échelle de l’entreprise ainsi que par projet. Celles qui le font pourront déterminer dans quels domaines relatifs à la capacité de leur usine, à leur équipement ou à leur exploitation elles peuvent gérer le plus efficacement leur conformité relativement au carbone ainsi que leurs coûts connexes. L’établissement des coûts à long terme du carbone dans les modèles financiers internes représente une composante importante du processus d’audit pour s’assurer que les organisations prennent des décisions d’investissement rentables qui tiennent compte de la trajectoire à long terme prévue de la tarification du carbone.

L’incitatif pour les grands émetteurs industriels à réaliser des bilans carbone internes approfondis est d’autant plus rehaussé du fait de la transition à venir vers une approche d’attributions fondées sur le volume de production en vertu du règlement SGER, qui fera passer la majeure partie des taxes sur le carbone dans certaines industries axées sur le commerce extérieur vers les exploitants les moins efficaces de cette industrie, sur une base comparative. En d’autres termes, les installations dont l’empreinte carbone est la plus faible dans les industries concernées obtiendront des crédits de performance en matière d’émissions pouvant être vendus avec bénéfice ou utilisés en vue d’opérations futures, tandis que leurs concurrents auront le fardeau d’une part démesurée des taxes sur le carbone de toute l’industrie.

Un autre inducteur du bilan carbone interne des sociétés ouvertes réside dans la pression de plus en plus grande pour les actionnaires de formuler et de communiquer des plans d’entreprise sur le carbone dans le cadre de la divulgation de renseignements sur l’environnement et l’entreprise. C’est particulièrement valide pour les sociétés ouvertes ayant une réputation publique en matière de responsabilité sociale d’entreprise, ou qui subissent une forte pression de l’extérieur pour exercer cette responsabilité.

Stratégies d’atténuation des coûts

Un bilan franc de l’incidence des coûts climatiques sur le résultat net d’un gros émetteur pourrait nécessiter une ou plusieurs stratégies d’atténuation des coûts. Par exemple, des hôpitaux, conseils scolaires, municipalités et autres émetteurs qui ont des coûts de fonctionnement importants ont commencé à mettre en œuvre des plans de transition vers l’éclairage D.E.L., la production d’énergie solaire sur place, des carburants de transport plus écologiques et d’autres mesures de diminution de leurs coûts de fonctionnement liés au carbone.

D’autres qui ont intégré des prévisions à long terme de tarification du carbone dans leurs modèles ont choisi de ne pas faire certains investissements de capitaux pour des raisons purement économiques, ou parce que la publicité de l’impact des émissions de carbone de l’investissement proposé ne serait pas justifiée du point de vue de la responsabilité sociale de l’entreprise.

De plus, un émetteur albertain qui établit des bilans carbone et qui attribue une tarification interne à la consommation de carbone peut déterminer qu’il devrait écarter ses activités commerciales ayant une empreinte carbone plus élevée ou des émissions de carbone plus élevées ou retirer les installations les plus vieilles ou les moins efficaces qui sont déjà en exploitation. Par exemple, les sociétés TransAlta Corporation et ATCO Power ont toutes deux annoncé qu’elles accéléreront le retrait de leurs installations de production au charbon les moins économiquement viables en faveur de la conversion de ces installations au gaz naturel avant l’échéance d’élimination du charbon de la province. L’accélération de la conversion de la production au charbon à la production au gaz donne lieu à une diminution importante des émissions de carbone, et cette stratégie atténue par conséquent les coûts de conformité relatifs au carbone de ces entités.

De même, l’investissement futur à grande échelle dans l’infrastructure énergétique en Alberta sera probablement fondé sur des projets très efficaces de production ou de coproduction au gaz naturel, parce que ces installations peuvent satisfaire aux exigences de chargement de l’Alberta tout en présentant une exposition limitée, voire aucune exposition, aux taxes sur le carbone d’après la structure réglementaire des attributions basées sur le volume de production qui sont déjà prévues.

Stratégies d’investissement dans le carbone

En plus d’encourager l’élaboration de stratégies d’atténuation des coûts, un bilan carbone approfondi peut aider un grand émetteur à évaluer s’il vaut la peine de réaliser des investissements de capitaux ou dans les opérations et dans quelle mesure il vaut la peine de le faire en regard de leurs autres coûts de conformité au règlement SGER. Après un tel bilan, une société peut notamment décider i) de miser sur les technologies pour augmenter son flux de rentrées ou diminuer son profil d’émissions, ii) d’investir directement dans le marché des crédits compensatoires d’émissions de carbone, ou iii) de conclure des contrats de crédits compensatoires d’émissions qui couvrent l’exposition au carbone.

i) Miser sur la technologie pour générer des produits supplémentaires

La mise en œuvre des politiques provinciales sur le carbone offre aux producteurs en amont et aux producteurs d’énergie l’occasion de tirer parti des technologies qui génèrent d’autres flux de rentrées.

Les sociétés pétrolières et gazières, ou les sociétés de services connexes, qui mettent au point à l’interne des technologies pouvant être déployées dans le commerce aux fins de la réduction des gaz à effet de serre peuvent mettre sous licence leurs innovations technologiques ou externaliser ces services à des concurrents et en tirer de nouveaux flux de rentrées.

La technologie peut également servir à obtenir des crédits gouvernementaux. Par exemple, depuis sa première ronde de financement en 2010, le programme Emissions Reduction Alberta (ERA) a investi une partie importante du produit des crédits achetés par les grands émetteurs dans le cadre du régime de conformité du règlement SGER dans des organisations privées qui ont des projets en matière d’énergie renouvelable, d’efficacité énergétique, de captage et stockage de carbone, et de production et de traitement propres, ce qui représente une diminution estimative globale de plus de sept mégatonnes d’ici 2020. Dans le cadre de l’annonce du règlement CCI, la province a également souligné qu’environ 1,4 milliard de dollars en crédits provinciaux seraient disponibles pour la mise en œuvre industrielle de projets de réduction des émissions, par l’intermédiaire du programme ERA et d’autres outils du gouvernement.

À mesure que le coût des crédits du fonds continue d’augmenter et que les exigences relatives aux réductions d’émissions en vertu du règlement SGER deviennent de plus en plus rigoureuses, le montant des fonds disponibles aux fins des bourses de recherche et de développement du programme ERA et du financement de l’investissement commercial au titre du programme ERA continuera d’augmenter. Fait important, le financement dans le cadre du programme ERA comprend un investissement sans effet de dilution et peut offrir des options de financement partiel relativement à des projets sur les énergies renouvelables ou à d’autres projets non concurrentiels sur le plan commercial.

ii) Investissement direct dans des projets de crédits compensatoires d’émissions

Certains grands émetteurs de l’Alberta ont choisi d’investir directement dans des projets de crédits compensatoires d’émissions dans la province comme moyen de bénéficier des avantages économiques de la législation sur le carbone, notamment dans des projets sur les énergies renouvelables.

Plusieurs facteurs justifient que des sociétés de production de pétrole ou de gaz ou d’oléoducs investissent directement dans des projets d’énergie renouvelable ou dans d’autres projets de crédits compensatoires d’émissions, notamment sur le plan du placement en actions ou de la propriété absolue de projets sur les énergies renouvelables. Les exigences de plus en plus rigoureuses de réduction des émissions et l’augmentation des coûts de la taxe du carbone en vertu du règlement SGER ou du texte réglementaire qui y a succédé rendront les crédits compensatoires d’émissions à la fois plus coûteux et plus nécessaires et attrayants. L’élaboration à l’interne de projets de crédits compensatoires permet de contourner la nécessité de désigner un vendeur et d’engager des coûts d’opérations en négociant des contrats d’achat et de vente.

De plus, l’intégration verticale de la production et de l’utilisation de crédits compensatoires d’émissions donne à un grand émetteur davantage de certitude quant à la propriété, à la production conforme au protocole et à la vérification des crédits compensatoires d’émissions qui sont nécessaires aux fins de la conformité au règlement SGER.

En outre, l’investissement direct et publicisé dans des projets de crédits compensatoires d’émissions populaires portant sur les énergies renouvelables aide l’industrie du pétrole et du gaz à jouir d’une caution sociale, ou au moins à bénéficier de meilleures relations publiques que celles qui découleraient d’achats privés de crédits de fonds ou de la conclusion de contrats privés bilatéraux de crédits compensatoires d’émissions qui seraient de courte durée.

De plus, l’industrie pétrolière et gazière et les énergies renouvelables sont naturellement en symbiose, en ce sens que les producteurs de pétrole et de gaz ont souvent du capital d’investissement, de l’expertise technologique, de l’expérience dans le déploiement de grands projets énergétiques à forte intensité de capital, et entretiennent déjà des relations dans les collectivités où les deux types de projets ont tendance à être situés.

Toutefois, il importe de souligner que le règlement CCI nouvellement annoncé comportera une limite à la mesure dans laquelle un grand émetteur peut se conformer à ses réductions d’émissions en ayant recours aux crédits compensatoires d’émissions et raccourcira la vie utile des crédits compensatoires d’émissions. Ces deux nouveaux règlements amèneront les parties à échanger leurs crédits compensatoires des émissions.

iii) Participation contractuelle au marché des crédits compensatoires des émissions

Certains grands émetteurs ne disposent peut-être pas des capitaux et des compétences de base nécessaires ou ne souhaitent pas investir directement dans l’énergie renouvelable ou dans d’autres projets de crédits compensatoires d’émissions, mais peuvent quand même bénéficier d’une participation au marché des crédits compensatoires d’émissions dans le cadre d’une stratégie de gestion du carbone.

Les grands émetteurs qui ne veulent pas payer le coût des crédits du fonds de 30 $ la tonne, en hausse, des émissions de carbone excédentaires peuvent accéder actuellement au registre des crédits compensatoires d’émissions en ligne au nom de la province, et négocier un contrat d’achat et de vente portant sur des crédits compensatoires d’émissions groupés conformément aux exigences du registre. Il existe plusieurs options relativement à une telle participation contractuelle au marché des crédits compensatoires des émissions, y compris les contrats bilatéraux à long terme.

Les contrats bilatéraux peuvent être assez souples et permettent aux grands émetteurs d’acheter une quantité déterminée de crédits de carbone pour une certaine période, conformément à leurs besoins et au profil du projet de crédits compensatoires d’émissions. Un grand émetteur peut également négocier le droit de médiatiser l’affiliation à un projet d’énergie renouvelable en particulier sans avoir à verser de dépenses de capital complètes ou à acquérir l’expertise à l’interne qui est nécessaire pour posséder ou exploiter un projet d’énergie renouvelable. Cette forme de contrat offre au grand émetteur un approvisionnement certain en crédits compensatoires d’émissions que le registre provincial des crédits compensatoires ou une plateforme d’échanges en ligne ne fournit pas. De plus, une entente au sujet d’un prix fixe pourrait tenir lieu de protection contre des changements futurs à la politique sur le prix du carbone.

Si le projet de crédits compensatoires d’émissions en question est un projet sur l’énergie renouvelable, il importe de relever dans l’option du contrat bilatéral que les crédits compensatoires d’émissions peuvent être regroupés avec une partie ou la totalité de l’énergie produite par le projet dans le cadre d’un accord à long terme d’achat virtuel d’énergie. Cette façon de procéder permettrait à un grand émetteur de négocier l’approvisionnement à long terme auprès d’un fournisseur pour atténuer les frais d’opération et d’administration et pourrait tenir lieu de couverture en regard des prix de l’énergie et des crédits compensatoires des émissions. Toutefois, un contrat bilatéral de longue durée avec un projet d’énergie qui n’est pas encore construit, qui présente au fil du temps un risque réglementaire de réduction de la consommation, et dont les crédits compensatoires d’émissions ne pourraient peut-être pas être utilisés dans un avenir lointain dans le régime de réglementation qui prévaut, comporte un niveau de risque que tous les grands émetteurs ne trouveront pas acceptable. L’aspect attrayant des contrats virtuels d’achat d’énergie de longue durée est qu’ils peuvent être adaptés pour combler les besoins uniques du promoteur du projet d’énergie renouvelable et du grand émetteur.

En ce qui concerne les grands émetteurs qui choisissent de prendre part à des contrats de crédits compensatoires d’émissions ou d’investir directement dans de tels projets, il est important que les protocoles sur les crédits compensatoires d’émissions de l’Alberta se conforment à une norme rigoureuse internationalement reconnue. Les crédits compensatoires d’émissions en Alberta générés dans le cadre de cette norme largement reconnue se qualifient souvent à titre de crédits sur les énergies renouvelables; ces crédits peuvent être utilisés à des fins de conformité aux règles sur le climat dans d’autres provinces ou territoires du Canada et États des États-Unis. Par conséquent, les grands émetteurs en activité dans plusieurs territoires peuvent appliquer les crédits compensatoires des émissions achetés en Alberta pour répondre à leurs exigences de réductions des émissions réglementées et volontaires dans d’autres marchés où ils font des affaires et les vendre à l’extérieur de la province lorsque c’est possible. Ces entités qui produisent ou qui achètent et vendent des crédits compensatoires d’émissions en Alberta peuvent miser sur leurs mécanismes de production et d’échange de crédits compensatoires d’émissions dans les provinces et territoires du Canada (ce qui devrait vraisemblablement être conforme à une norme similaire sous le régime du nouveau cadre fédéral), et soumettre les prix canadiens du carbone à l’arbitrage en regard de ceux qui s’appliquent à l’échelle internationale, afin de maximiser leurs stratégies de gestion du carbone et de produire la valeur des crédits compensatoires d’émissions excédentaires qui ne sont pas nécessaires pour se conformer aux exigences provinciales de réduction des émissions.