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Tout ce qui brille – droit minier 2020

Auteur(s) : James R. Brown, Alan Hutchison

Le 8 décembre 2020

Malgré toutes les incertitudes entourant la pandémie mondiale (ou peut-être en raison de ces incertitudes), le secteur minier semble avoir connu un regain en 2020. Les restrictions visant les déplacements et les limites des contrôles diligents ont compliqué la réalisation des opérations portant sur de nombreux actifs de sociétés à grande capitalisation, mais le raffermissement constant du prix des marchandises (en particulier celui de l’or) a stimulé les opérations de financement de moindre envergure et les opérations concernant des biens. La dernière année a notamment été marquée par les conditions de marché les plus favorables à l’exploration minière depuis la fin du dernier essor du cycle des matériaux, alors que de nombreux émetteurs (mais certainement pas tous) ont enfin réussi à réunir les capitaux dont ils avaient vraiment besoin. Les actions accréditives ont particulièrement été populaires auprès des investisseurs en raison de l’assouplissement des obligations visant l’engagement des dépenses et la renonciation. L’intérêt pour l’exploration minière refait surface alors que les nouvelles découvertes se font plus rares et que la durée de vie de plusieurs mines tire à sa fin. L’attention du marché s’est en grande partie portée sur l’or, mais des perspectives de financement ont également vu le jour pour les projets d’exploitation de métaux de base et de métaux pour batteries.

En 2020, l’amélioration de la conjoncture a également permis à plusieurs sociétés minières émettrices de procéder à une inscription en bourse au moyen de premiers appels publics à l’épargne et de prises de contrôle inversées. Cette tendance devrait se poursuivre, étant donné que les nouveaux émetteurs se font rares depuis cinq ans. Grâce au retour des possibilités de financement et au flux stable de fonds soutenant les projets d’exploration minière, les organismes de réglementation ont de nouveau porté leur attention sur l’information et les rapports techniques. Par le passé, comme les opérations et les financements étaient moins fréquents, l’obligation de produire un rapport technique révisé s’appliquait moins souvent. Par conséquent, bon nombre de sociétés minières émettrices se retrouvent aujourd’hui avec des rapports techniques qui ne sont pas à jour. De plus, compte tenu de la hausse du prix des produits de base, les sociétés minières émettrices sont plus portées à actualiser leurs estimations des réserves et ressources minérales. Les sociétés ont intérêt à gérer efficacement ces processus pour mettre en œuvre leur plan d’affaires.  

Deux importants changements d’ordre réglementaire apportés en 2020 sont décrits ci-dessous.  

Examen confidentiel des dépôts préalables de prospectus

Comme nous l’avons souligné dans notre article intitulé « Réduction du fardeau réglementaire : développements positifs en droit des sociétés et des valeurs mobilières en 2020 », les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié un Avis du personnel qui élargit l’accès aux examens confidentiels des dépôts préalables des émetteurs canadiens. 

Dans le secteur minier, cet Avis du personnel des ACVM fait suite à la publication en 2019 de l’Avis 43-706 du personnel de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) (en anglais), qui annonçait la mise en place d’un programme d’examen avant le dépôt de l’information technique des sociétés minières. Le programme ontarien d’examen préalable au dépôt était inspiré d’un programme semblable (en anglais) en Colombie-Britannique et visait à réduire les risques associés à l’exécution pour les émetteurs et les courtiers en valeurs qui souhaitent lancer des appels publics à l’épargne au moyen d’un prospectus simplifié, en permettant de corriger les lacunes de l’information technique avant le lancement. Les deux programmes d’examen étaient axés sur l’information technique avant le dépôt d’un prospectus simplifié. 

Grâce au programme permettant un accès élargi aux examens confidentiels des dépôts préalables de prospectus, les sociétés minières émettrices peuvent dorénavant faire examiner leur prospectus et leurs rapports techniques connexes avant de procéder à un placement. Les sociétés minières émettrices qui souhaitent se prévaloir de ce programme doivent noter que, selon l’Avis du personnel, de façon générale, le personnel fera de son mieux pour formuler ses premières observations dans les 10 jours ouvrables suivant le dépôt préalable. Ce délai correspond à la norme applicable aux prospectus ordinaires. Pour les émetteurs souhaitant faire un premier appel public à l’épargne, il existe peu d’inconvénients à se prévaloir de ce programme. Pour les émetteurs assujettis, l’accès au programme exige une grande planification qui pourrait ne pas être possible si une opération de financement est effectuée rapidement pour tirer parti des occasions sur le marché. 

Comme il est difficile de composer avec des problèmes touchant l’information ou les rapports techniques alors que le processus de placement est déjà lancé, le programme d’examen préalable au dépôt permet aux sociétés émettrices du secteur minier d’être proactives en faisant approuver leur information technique avant d’offrir les titres. Le programme permet par ailleurs aux émetteurs de s’assurer, en collaborant avec les organismes de réglementation, que les rapports techniques déposés antérieurement sont à jour en vue de l’appel public à l’épargne.  

Attentes en matière de publication d’estimations des ressources

Le 4 juin 2020, les ACVM ont annoncé la publication de l’Avis 43-311 du personnel des ACVM, qui résume les résultats de l’évaluation des estimations des ressources minérales figurant dans 86 rapports techniques. Les résultats de l’évaluation indiquent que la plupart des estimations des ressources minérales divulguées étaient satisfaisantes. Cet Avis du personnel vise à éclairer les émetteurs du secteur minier et les personnes qualifiées sur la manière dont les autorités en valeurs mobilières évaluent les estimations des ressources minérales présentées dans les rapports techniques. Il fournit également des indications précises pour aider les émetteurs à remédier aux lacunes décelées lors de l’examen et à réduire potentiellement les situations exigeant une intervention réglementaire. 

Les ACVM ont conclu que l’information présentée était inadéquate pour les aspects suivants :

  • Perspectives raisonnables d’extraction rentable à terme (les perspectives raisonnables) : Un gîte minier ne constitue pas une ressource minérale tant que ses perspectives raisonnables n’ont pas été démontrées. Certains rapports techniques ne présentaient pas suffisamment d’information adéquate sur les taux de récupération des métaux, les méthodes et les coûts d’exploitation et de traitement présumés, ainsi que les contraintes appliquées à l’estimation des ressources minérales pour démontrer clairement que la matière minéralisée avait le potentiel d’être extraite et transformée de façon rentable.
  • Vérification des données : Les données utilisées pour appuyer une estimation des ressources minérales doivent être vérifiées correctement et jugées convenables à cette fin par la personne qualifiée. Les projets miniers passent souvent entre les mains de plusieurs propriétaires, chacun ayant produit des données d’exploration et de forage. Il est légitime d’utiliser les données héritées des exploitants antérieurs, mais celles-ci doivent être vérifiées soigneusement, et cet exercice doit être consigné dans le rapport technique.
  • Facteurs de risque : Chaque projet minier présente des risques qui lui sont propres, chacun de ceux-ci pouvant avoir une incidence sur l’estimation des ressources minérales. Bon nombre de rapports techniques présentaient seulement de l’information passe-partout sur les risques éventuels et les incertitudes que comporte généralement le secteur minier. Le fait d’omettre des risques connus pertinents qui sont propres au projet minier peut rendre trompeuse l’information sur l’estimation des ressources minérales.
  • Sensibilité à la teneur de coupure : L’information sur les variations de la teneur de coupure servant à indiquer la solidité relative de l’estimation peut s’avérer utile. Cependant, toutes les estimations découlant de chacun des scénarios de teneur de coupure doivent répondre au critère des perspectives raisonnables, et le scénario de base ou privilégié doit être mis en évidence. 

En publiant l’Avis du personnel, les ACVM ont indiqué qu’elles s’attarderaient à ces aspects à l’avenir. Alors que la conjoncture s’améliore et que les capitaux semblent regagner le secteur minier, nous nous attendons à un contrôle accru de l’information sur l’estimation des ressources minérales. Nous recommandons donc aux émetteurs de réviser attentivement leur information technique, d’en discuter avec leurs personnes qualifiées ainsi que leur avocat-conseil externe et de tenir compte de la nécessité d’y apporter des améliorations pour éviter tout problème de conformité réglementaire potentiel. 

Étant donné la hausse du prix des marchandises et l’optimisme ayant gagné les investisseurs, nous estimons que l’activité dans le secteur minier continuera sur sa lancée en 2021. En outre, compte tenu de leur prédominance sur le marché canadien, les émetteurs aurifères seront probablement les principaux acteurs qui mobiliseront des capitaux et qui procéderont à l’exploration et à la mise en valeur. Il sera essentiel de découvrir des gisements pour assurer la vigueur à long terme du secteur ainsi que la croissance dont les nouvelles sociétés ont grand besoin. Alors que plusieurs opérations de fusions et acquisitions ont été conclues en 2019 et au début de 2020, la pandémie de COVID-19 a ralenti la consolidation du marché. Le secteur minier n’a cependant pas été durement touché, puisque l’exploitation et l’exploration minières déjà entamées se sont poursuivies. Avec un peu de chance, le secteur minier sera tout aussi résilient en 2021 et les émetteurs arriveront à conclure des opérations en toute sécurité.