Passer au contenu

Le ministère des Finances publie un document de consultation proposant d’apporter des modifications au régime des prix de transfert du Canada

Auteur(s) : Peter Macdonald, Amanda Heale, Kaitlin Gray

Le 12 juin 2023

Le 6 juin 2023, le ministère des Finances a publié un document de consultation sur les règles canadiennes sur les prix de transfert. Il a annoncé cette consultation pour la première fois dans le budget de 2021 en réponse à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Cameco, dont la Cour suprême a refusé de donner au gouvernement l’autorisation d’interjeter appel. Plus de deux ans après avoir annoncé son intention de lancer une consultation publique sur les règles canadiennes sur les prix de transfert « en vue de protéger l’intégrité du régime fiscal tout en préservant l’attrait du Canada comme destination de nouveaux investissements et de nouvelles activités commerciales », le gouvernement a maintenant publié un document de consultation accompagné d’avant-projets de lois, demandant que les commentaires sur les propositions soient soumis au plus tard le 28 juillet 2023.

Document de consultation

La norme reconnue à l’échelle internationale en matière de prix de transfert est le principe de pleine concurrence. Le document de consultation du gouvernement laisse entendre que le projet de modification de l’article 247 de la Loi de l’impôt sur le revenu « fournirai[t] davantage de précisions sur l’application du principe de pleine concurrence au Canada conformément au consensus international ». Il commence en disant que l’article 247 ne prévoit pas de directives explicites comparativement aux dispositions « plus modernes » en matière de prix de transfert en vigueur dans d’autres territoires. Une annexe au document de consultation présente des extraits de la législation de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis.

Le document de consultation fait également état des préoccupations du gouvernement quant à l’issue de l’affaire Cameco et suggère que « l’absence de détails dans la version actuelle de l’article 247 [...] a contribué à mettre indûment l’accent sur les contrats intra-groupe, plutôt que sur la nature réelle des transactions », ajoutant que cela a entraîné « des résultats où la répartition des bénéfices entre le contribuable canadien et le contribuable non-résident allait à l’encontre des contributions économiques des parties ». L’interprétation par le gouvernement de l’affaire Cameco et la vigueur du besoin qu’il exprime pour le projet de nouvelles règles méritent d’être examinées de près et feront probablement l’objet de critiques au cours du processus de consultation.

Le document de consultation décrit les deux principales étapes d’une analyse de comparabilité des prix de transfert : l’identification des conditions et des caractéristiques économiquement pertinentes de la transaction contrôlée (étape 1) et leur comparaison à celles de transactions comparables entre entreprises indépendantes (étape 2). Le document de consultation précise que « [l’]étape 1 a pour but d’établir un point de départ de l’analyse comparative dans l’étape 2. Elle exige une délimitation précise de la transaction contrôlée ». Il précise également que la transaction ou la série de transactions telle qu’elle est structurée par le contribuable ne constitue pas un point de départ suffisant et qu’il convient de tenir compte des « caractéristiques économiquement pertinentes », en faisant expressément référence aux concepts de contrôle exercé sur le risque et de capacité financière à l’assumer, tels qu’ils sont abordés dans la version 2022 des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert. Bien que le document de consultation n’aborde pas cette question, les tribunaux canadiens — y compris la Cour de l’impôt et la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Cameco — ont fait expressément référence aux versions antérieures des Principes, y compris à leurs orientations sur les « caractéristiques économiquement pertinentes » des transactions, pour statuer sur des affaires de prix de transfert dans le cadre de la loi existante.

En termes généraux, les avant-projets de lois figurant à l’annexe A visent à faire ce qui suit :

  1. introduire une nouvelle disposition stipulant que les « conditions » (à interpréter au sens large) d’une transaction ou d’une série de transactions doivent être « analysées et déterminées en référence à [leurs] caractéristiques économiquement pertinentes » (sur la base d’une nouvelle définition à ajouter au paragraphe 247(1))
  2. introduire une nouvelle disposition selon laquelle la comparaison hypothétique doit inclure toutes les conditions qui auraient été incluses dans des circonstances comparables si les parties avaient agi dans des conditions de pleine concurrence
  3. dans certaines circonstances, remplacer entièrement la transaction contrôlée, reflétant une nouvelle approche de la règle de requalification prévue aux alinéas 247(2)b) et d) actuels qui élimine l’exigence de « l’avantage fiscal » dans le test existant
  4. introduire une « règle de cohérence » exigeant que l’article 247 soit appliqué de manière à assurer la cohérence avec les Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert (définis comme la version 2022, ou tout autre texte prescrit par règlement), à moins que le contexte n’exige autre chose

Certaines formulations dans les avant-projets de lois découlent du Projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (projet BEPS), notamment un renvoi au « comportement réel » des participants à la transaction ou à la série de transactions, ainsi que le concept de transaction ou de série « délimitée ». La manière dont l’interprétation et l’application de ces concepts (s’ils sont adoptés) fonctionneraient dans la pratique et la manière dont les tribunaux aborderaient les règles proposées sont loin d’être claires. Il convient de noter que le projet de modification ne propose pas de date d’entrée en vigueur; toutefois, le document de consultation indique que les modifications devraient s’appliquer de manière prospective.

Le document de consultation aborde également certaines mesures administratives susceptibles d’être mises en œuvre, bien qu’il n’y ait pas d’avant-projet de loi relatif à ces mesures. Ces mesures poursuivent les objectifs suivants :

  • harmoniser les exigences du Canada en matière de documentation contemporaine sur les normes actuelles de l’OCDE
  • accroître le seuil de pénalité absolu à 10 millions de dollars
  • introduire des approches simplifiées de détermination des prix pour les éléments suivants :
    • les services intra-groupe à faible valeur ajoutée
    • les activités de distribution ordinaires
    • les prêts intra-groupe

Le document de consultation décrit également les mesures administratives que le gouvernement a envisagées mais qu’il a décidé de ne pas poursuivre pour le moment.

Commentaires

Le document de consultation sollicite des commentaires à l’égard de 23 questions. Les parties intéressées sont invitées à soumettre des mémoires en réponse à ces questions et à d’autres aspects du document de consultation au plus tard le 28 juillet 2023. Osler a l’intention de rédiger un mémoire dans le cadre de la consultation.

Pour plus de renseignements sur les conséquences du document de consultation ou le projet de modification de l’article 247, ou si vous êtes intéressé à rédiger un mémoire ou souhaitez contribuer à un mémoire sur le document de consultation, veuillez communiquer avec l’un ou l’autre des membres de notre groupe national de droit fiscal.