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L’OCRI publie des propositions visant à uniformiser les règles du jeu en matière de rémunération des conseillers

2 Avr 2024 10 MIN DE LECTURE

Depuis l’intégration en janvier 2023 des deux organismes d’autoréglementation (OAR) des marchés financiers du Canada, soit l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), les observateurs du marché, les investisseurs et les membres de ces OAR attendent que l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) publie sa proposition sur la façon dont les règles des OAR seraient consolidées. Plus tôt cette année, l’OCRI a publié un document de consultation sur les politiques possibles pour uniformiser les règles du jeu en matière de rémunération des conseillers. Le document de consultation propose des modifications possibles aux Règles visant les courtiers en placement et règles partiellement consolidées (Règles CPPC) afin d’harmoniser les approches acceptables en matière de rémunération des personnes autorisées.

À l’heure actuelle, les personnes autorisées en vertu des Règles sur les courtiers de fonds mutuels (Règles sur les CFM) sont autorisées à structurer leur rémunération par l’entremise de sociétés personnelles, sauf en Alberta. À l’inverse, les personnes autorisées régies par les Règles CPPC (y compris les représentants de courtiers en placement) ne sont pas autorisées à structurer la rémunération selon cette approche.

Afin d’élaborer une approche plus cohérente de la rémunération des personnes autorisées, le document de consultation propose trois approches possibles de la rémunération des personnes autorisées en vertu des Règles CPPC, dont chacune est examinée dans le présent blogue :

  1. une « approche améliorée fondée sur le versement de commissions à des tiers »
  2. une « approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées »
  3. une « approche fondée sur des sociétés inscrites »

En particulier, l’approche préférée de l’OCRI est celle fondée sur la constitution en société des personnes autorisées, qui permettrait aux personnes autorisées en vertu des Règles CPPC d’utiliser des sociétés personnelles (approuvées par l’OCRI) pour structurer leur rémunération.

Trois approches proposées pour structurer la rémunération des personnes autorisées

Option 1 : Modifications possibles pour améliorer l’approche actuelle fondée sur le versement de commissions à des tiers

Les règles sur les CFM permettent aux courtiers en épargne collective d’utiliser un « arrangement de versement de commissions à des tiers » en vertu duquel une personne autorisée peut demander que son courtier membre parrainant verse les commissions ou les honoraires qu’il a gagnés relativement à une activité menée par la personne autorisée au nom du courtier membre à une société non inscrite.[1] Les Règles CPPC interdisent actuellement ces arrangements et exigent qu’une rémunération soit versée par un courtier en valeurs mobilières directement à une personne autorisée.[2]

Pour déterminer s’il y a lieu d’adopter une approche fondée sur le versement de commissions à des tiers semblable à l’approche actuelle en vertu des règles sur les CFM, l’OCRI propose une « approche améliorée fondée sur le versement de commissions à des tiers ». En vertu de cette approche, les personnes autorisées pourraient demander qu’une partie des commissions ou des honoraires qu’elles ont gagnés relativement aux activités ne nécessitant pas l’inscription menées par une société non inscrite soit versée directement à une société personnelle appartenant à la personne autorisée (seule ou avec d’autres personnes autorisées et les membres de leur famille). Cette approche permettrait de contrôler les propriétaires et les activités de la société, ce qui atténuerait les risques possibles pour les investisseurs. Dans le cadre de cette approche proposée, l’OCRI viserait à répondre aux préoccupations quant à la possibilité d’un manque de transparence des activités des propriétaires véritables au sein des sociétés qui reçoivent actuellement des paiements de commission à des tiers. Plus précisément, l’OCRI a déterminé qu’il lui faudrait une compétence accrue pour déterminer si une personne autorisée qui utilise cette approche s’assure que la société limite ses activités à des activités ne nécessitant pas l’inscription.

Pour répondre aux préoccupations de l’OCRI au sujet de l’approche actuelle fondée sur le versement de commissions à des tiers, l’OCRI a proposé que ses règles soient modifiées pour inclure des dispositions qui :

  • imposeraient des limites à la propriété de la société, ce qui limiterait probablement la propriété aux personnes autorisées et à leur famille immédiate ou à une fiducie familiale;
  • imposeraient des limites aux valeurs mobilières et aux autres activités pouvant être menées au sein de la société (c.-à-d. limiter les autres activités de la société aux activités de services financiers et, le cas échéant, aux autres activités approuvées par le courtier membre);
  • exigeraient que le courtier membre parrainant vérifie la conformité à ces exigences.

L’objectif de l’OCRI concernant ces modifications proposées aux règles à l’égard de l’approche fondée sur le versement de commissions à des tiers est d’améliorer la protection des investisseurs en imposant des limites à la propriété de la société et aux activités menées par celle-ci, et de rendre obligatoire la surveillance de ces activités par le courtier membre.

Option 2 : Approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées

Le personnel de l’OCRI a indiqué que l’approche possible qu’il préfère est celle fondée sur la constitution en société des personnes autorisées. Cette approche permettrait aux personnes autorisées en vertu des Règles CPPC d’utiliser des sociétés personnelles (approuvées par l’OCRI) pour structurer leur rémunération. L’adoption de cette approche à l’usage de toutes les personnes autorisées qui exercent seulement des activités ne nécessitant pas l’inscription au sein de la société pourrait se faire au moyen de modifications aux règles de l’OCRI seulement. Cette approche donnerait également aux personnes autorisées la possibilité de participer à des activités nécessitant l’inscription au sein de la société dans la mesure où les lois sur les valeurs mobilières de certaines provinces et de certains territoires sont modifiées pour le permettre.

L’approche fondée sur la constitution en société des personnes autorisées serait mise en œuvre au moyen de modifications aux règles de l’OCRI afin d’établir une nouvelle catégorie pour les personnes autorisées qui sont des personnes morales (catégorie de personnes autorisées constituées en société).

Le document de consultation précise les exigences auxquelles les demandeurs devraient satisfaire et les exigences relatives à l’exécution de la convention de personne autorisée constituée en société, notamment :

  • La société doit être une société de services professionnels dans les territoires où il est possible de devenir une société de services professionnels.
  • Toutes les activités menées au sein de la société au nom du courtier membre parrainant doivent l’être au nom ou au nom commercial du courtier membre parrainant.
  • Les activités menées pour d’autres personnes au sein de la société seraient limitées à ce qui suit :
    • autres activités autorisées dans le secteur des services financiers;
    • autres activités qui ont reçu l’approbation préalable du courtier membre parrainant.
  • Une convention de personne autorisée constituée en société dans une forme acceptable pour l’OCRI doit être conclue entre le courtier membre parrainant, la personne autorisée constituée en société (c.-à-d. la société) et les personnes autorisées agissant en leur nom.

De plus, en vertu de la convention de personne autorisée constituée en société, le courtier membre aurait l’obligation de superviser la personne autorisée constituée en société, ainsi que les employés et mandataires de sa personne autorisée. En outre, le courtier membre serait responsable envers ses clients et d’autres tiers des actes et omissions de la personne autorisée constituée en société.

Option 3 : Approche fondée sur des sociétés inscrites

Enfin, la troisième option, l’approche fondée sur des sociétés inscrites, prévoit que la société appartenant à la personne autorisée dans laquelle les activités sont menées au nom du courtier membre parrainant serait tenue de s’inscrire dans les territoires pertinents de l’ACVM. Cette approche nécessiterait des modifications aux règles de l’OCRI, ainsi que des modifications aux lois sur les valeurs mobilières afin d’établir une nouvelle catégorie d’inscription et aux exigences connexes s’appliquant à la société inscrite. L’OCRI suggère que ces dispositions législatives pourraient inclure des exigences d’admissibilité semblables à celles décrites ci-dessus pour les demandeurs dans le cadre de l’approche fondée sur des sociétés inscrites.

Les avantages mentionnés de l’approche fondée sur des sociétés inscrites comprennent un niveau de surveillance réglementaire plus élevé et des améliorations à la protection des investisseurs. Cependant, cette approche a un inconvénient, à savoir les exigences supplémentaires qui seraient imposées non seulement aux personnes autorisées, à leurs courtiers parrainant et aux sociétés de personnes autorisées, mais aussi au personnel d’inscription de l’OCRI et de l’ACVM.

Conséquences

Le document de consultation oriente considérablement les efforts vers une vision visant à consolider davantage les règles et l’approche réglementaire. L’OCRI a cerné que chacune des trois approches proposées partage une préoccupation commune : à savoir que des modifications aux lois sur les valeurs mobilières dans chaque province et territoire du Canada devraient être adoptées pour permettre aux personnes autorisées d’exercer des activités nécessitant l’inscription au sein de la société et d’être rémunérées pour ces activités. De plus, compte tenu de la compétence des provinces et territoires en matière de réglementation des valeurs mobilières au Canada, il peut y avoir des différences dans la nature et le moment des modifications apportées à la loi sur les valeurs mobilières dans chaque province et territoire qui permettraient à une société de personne autorisée d’exercer des activités nécessitant l’inscription au sein de la société et d’être rémunérée.

Les courtiers membres et les personnes autorisées devront également tenir compte des conséquences que la mise en œuvre de ces arrangements peut avoir sur leurs modèles d’affaires actuels, en prenant en compte les considérations liées à l’exploitation, à l’emploi, à la supervision et aux relations avec la clientèle.

Les organismes de réglementation et les participants du secteur devront également tenir compte d’importantes considérations fiscales, parallèlement aux propositions de l’OCRI, pour s’assurer que les résultats fiscaux souhaités sont réalisables.

Nous continuerons de suivre l’évolution de la situation et de publier des articles à ce sujet.


[1] Les règles sur les CFM permettent ces arrangements, sauf en Alberta. Voir : La règle sur les CFM 2.4.1(a) exige que la rémunération soit versée par un courtier (ou ses sociétés affiliées ou les courtiers en épargne collective qui lui sont associés) directement à une personne autorisée. Toutefois, la règle 2.4.1(b) de l’ACFM permet de verser une rémunération à une société non inscrite, sauf en Alberta et sous réserve de certaines conditions, notamment la condition que ces arrangements ne soient pas interdits ou autrement limités par les lois sur les valeurs mobilières ou les organismes de réglementation des valeurs mobilières applicables. 

[2] Voir le document de consultation de l’OCRI, p. 4 (note de bas de page 12), qui prévoit ce qui suit : « En vertu du paragraphe 2551(7) des Règles CPPC, le courtier en placement (ou les membres du même groupe que lui ou les courtiers en placement reliés) doit verser la rémunération directement à une personne autorisée.  Toutefois, le paragraphe 2551(8) des Règles CPPC permet de verser à une société non inscrite, à certaines conditions, la rémunération gagnée par des représentants inscrits dont les activités sont limitées à l’épargne collective hors de l’Alberta. L’une des conditions est que le courtier membre parrainant soit inscrit à la fois comme courtier en placement et comme courtier en épargne collective. »