Auteurs(trice)
Associé, Affaires réglementaires, Autochtones et environnement, Toronto
Sociétaire, Litiges, Toronto
Associé, Droit commercial, Toronto
Associée, Litige; Affaires réglementaires, Autochtones et environnement, Toronto
Le 20 décembre 2023, le gouvernement canadien a annoncé une nouvelle réglementation selon laquelle les véhicules zéro émission (VZE) devront représenter une proportion donnée des parcs de véhicules légers neufs mis en vente au Canada par les fabricants et les importateurs. Selon la réglementation relative aux VZE, tous les camions légers et voitures de tourisme mis en vente devront être des VZE d’ici 2035; au moins 20 % de ces véhicules devront répondre aux exigences intermédiaires d’ici 2026 et cette proportion passera à au moins 60 % d’ici 2030. La réglementation sur les VZE fait suite à la publication, en 2022, du Plan de réduction des émissions du gouvernement canadien, qui vise à réduire d’au moins 40 % par rapport à 2005 les niveaux des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 et à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 (comme il en a été question dans un blogue précédent).
Les objectifs énoncés dans la réglementation sur les VZE consistent à abaisser les émissions de GES dans le secteur des transports et à établir des normes relatives aux émissions et des procédures de test harmonisées avec les exigences fédérales des États-Unis.
Le présent blogue traite des principaux aspects de la réglementation sur les VZE et de ses implications sectorielles.
La réglementation sur les VZE
La réglementation sur les VZE modifie le Règlement sur les gaz à effet de serre des automobiles à passagers et des camions légerssous le régime de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, 1999, dont les obligations en matière de conformité et les modalités d’échange de crédits pour les VZE, définies en 2010, avaient une portée limitée.
Selon la réglementation sur les VZE, à partir de 2026, au moins 20 % du parc combiné de véhicules légers neufs mis en vente par les entreprises devront être des VZE, soit, d’après les définitions, des véhicules électriques, des véhicules hybrides rechargeables (VHR) ou des véhicules à pile à combustible. Les pourcentages de VZE dans les parcs de véhicules augmenteront chaque année et, d’ici 2035, tous les véhicules légers neufs devront être carboneutres.
La réglementation sur les VZE prescrit des cibles de vente par année de modèle :
Année de modèle | Cible de vente des VZE (%) |
---|---|
2026 | 20 |
2027 | 23 |
2028 | 34 |
2029 | 43 |
2030 | 60 |
2031 | 74 |
2032 | 83 |
2033 | 94 |
2034 | 97 |
2035 (et par la suite) | 100 |
Crédits pour conformité
Pour faciliter la transition vers les cibles de VZE, la réglementation sur les VZE comporte un système de crédits. Les entreprises qui dépassent leurs cibles de vente de VZE acquièrent des crédits pour conformité qu’elles peuvent « mettre de côté » pendant au plus cinq années de modèles après l’année de modèle au cours de laquelle ces crédits leur ont été attribués en vue de les échanger ou de compenser leurs unités de déficit futures. Les entreprises qui subiront un déficit au cours des années de modèles 2026 à 2034 seront tenues de compenser leurs unités de non-conformité au cours des trois années de modèles postérieures à l’année pendant laquelle elles auront subi ce déficit, et au plus tard en 2035.
La réglementation sur les VZE autorise les fabricants à accumuler des crédits pour action précoce au titre des ventes de VZE au cours des années de modèles 2024 et 2025. Afin d’être admissibles à des crédits pour action précoce, les parcs de véhicules des entreprises doivent compter au moins 8 % de VZE pour l’année de modèle 2024 et 13 % pour l’année de modèle 2025.
La réglementation sur les VZE comporte aussi des changements relatifs à l’attribution de crédits pour les véhicules hybrides rechargeables (VHR), comparativement à sa version provisoire publiée le 31 décembre 2022. Les VHR disposant d’une autonomie tout électrique de 80 km ou plus généreront un crédit pour chacune des années de conformité. Les VHR ayant une autonomie tout électrique de moins de 80 km recevront des crédits partiels pour les années de modèles 2026 à 2028, mais les années de modèles 2029 et ultérieures ne seront pas admissibles à des crédits, sauf si l’autonomie tout électrique des véhicules est égale ou supérieure au seuil de 80 km. De plus, les VHR peuvent être admissibles à des crédits pour action précoce, applicables aux années de modèles 2024 et 2025 et, pour l’année de modèle 2026, en fonction de leur autonomie tout électrique et du nombre de places dont ils disposent. L’obligation de conformité totale des entreprises à l’égard des VHR est plafonnée à 45 pour cent en 2026, 30 pour cent en 2027 et 20 pour cent en 2028 et subséquemment.
Infrastructures de recharge
Selon la réglementation sur les VZE, les fabricants peuvent également obtenir des crédits pour les investissements dans les infrastructures de recharge au cours des années de conformité initiales, et ce, jusqu’en 2030 inclusivement. Les entreprises sont autorisées à générer un crédit par tranche d’investissement de 20 000 $ dans de nouveaux projets d’infrastructure de recharge rapide qui répondent à des exigences précises. Les propositions concernant la mise en place de bornes de recharge peuvent être soumises au ministre de l’Environnement et du Changement climatique aux fins d’approbation au plus tard le 31 décembre 2027. Les projets de bornes de recharge peuvent faire intervenir des tiers, mais seules les entreprises réglementées seront autorisées à obtenir des crédits pour bornes de recharge de VZE. L’admissibilité à des crédits pour bornes de recharge s’applique exclusivement aux bornes de recharge situées au Canada et présentant les caractéristiques suivantes :
- avoir une capacité nominale d’au moins 150 kW;
- être activées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2027;
- être mises en service dans un délai d’au plus deux ans suivant l’obtention de l’approbation du Ministre;
- offrir un accès public, à un tarif uniforme, à tous les VZE compatibles (y compris les VZE dotés d’adaptateurs);
- être disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, ou, si elles sont situées sur le terrain d’une entreprise, pendant les heures d’ouverture habituelles;
- être opérationnelles pendant au moins cinq ans après leur mise en service.
Soulignons qu’une borne de recharge ne doit pas servir à générer des crédits pour conformité dans le cadre d’un autre projet réglementaire fédéral ni être financée pendant sa durée de vie par un autre programme d’investissement public (fédéral, provincial ou municipal), y compris, par exemple, dans le cadre du Règlement sur les combustibles propres, du Programme d’infrastructure pour les véhicules à émission zéro et des programnes offerts par la Banque de l’infrastructure du Canada.
Les fabricants qui se prévaudraient des crédits pour action précoce et pour conformité liés aux investissements dans les infrastructures de recharge auraient la possibilité de compenser jusqu’à 10 % de leurs obligations globales en matière de conformité pour 2026.
Implications pour les parties prenantes du secteur
L’objectif de la réglementation sur les VZE est de réduire les émissions de GES dans le secteur des transports, donnant priorité aux voitures de tourisme et aux camions légers qui représentent 40 % des émissions sectorielles de GES. Les réductions d’émissions de GES « aideront le Canada à respecter ses engagements internationaux de réduction des émissions de GES pour 2030 et 2050 ». Tel qu’il est indiqué dans le document d’information d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), la réglementation sur les VZE contribuera à l’atteinte des objectifs en matière de changements climatiques du Canada « en évitant la production de 362 mégatonnes d’émissions cumulatives de gaz à effet de serre ».
La réglementation sur les VZE vise également à mettre en place des normes d’émissions aidant « le Canada à rester en phase avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et plusieurs autres grandes économies, qui ont tous pris des mesures pour réduire les émissions et mettre plus de véhicules électriques sur les routes »[1] Tel qu’il est mentionné dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation du gouvernement du Canada, l’ECCC et l’Environmental Protection Agency des États-Unis poursuivent leur collaboration en vue de mettre en œuvre « des normes réglementaires harmonisées et des programmes de conformité conjoints » pour « améliorer l’efficacité relative à l’administration des programmes respectifs dans les deux pays ». La réglementation sur les VZE maintient les normes relatives aux émissions moyennes de GES des parcs de véhicules qui sont harmonisées avec les exigences énoncées par l’EPA des États-Unis dans un document de 2021 intitulé Final Rule Making [PDF].
Compte tenu de la nécessité de mettre en place des infrastructures de recharge, le gouvernement du Canada affecte plus de 1,2 milliard de dollars au déploiement d’un plus grand nombre de bornes de recharge à l’échelle du pays. Le financement du gouvernement fédéral est complété par le financement et les activités de développement du secteur privé. Par exemple, sept fabricants automobiles d’envergure mondiale ont annoncé la construction, à partir de 2024, d’un réseau de bornes de recharge « de grande puissance » pour les véhicules électriques, qui comptera au moins 30 000 bornes de recharge rapide en courant continu à l’échelle de l’Amérique du Nord[2]
On sait que l’augmentation des VZE en circulation s’accompagnera d’une hausse correspondante de la demande d’électricité. Selon des projections, la demande d’électricité pour les VZE représentera 5 % de la demande totale d’électricité d’ici 2035; cette proportion passera à 9,5 % d’ici 2050. Par conséquent, la croissance de la demande d’électricité pourrait exercer des pressions sur les réseaux électriques provinciaux et un relèvement correspondant des prix de l’électricité parce qu’il faudra produire plus d’électricité. ECCC reconnaît que des investissements pourraient être nécessaires pour faire croître la capacité de charge de pointe en kWh.
Enfin, le gouvernement du Canada reconnaît que la réglementation sur les VZE pourrait avoir une incidence démesurée sur les populations des collectivités rurales et nordiques, qui ont moins accès à des infrastructures de recharge publiques. Les collectivités nordiques feront vraisemblablement face à des difficultés plus grandes pendant la phase de transition vers les VZE en raison des périodes prolongées de froid et des problèmes associés au rendement des batteries par temps froid. Pour atténuer l’incidence de l’électrification des véhicules sur les collectivités rurales et nordiques, le gouvernement canadien s’est engagé à élaborer des politiques visant à assurer l’accessibilité des VZE, en dépit des disparités économiques et régionales.
L’incertitude subsiste quant à savoir si la réglementation sur les VZE sera contestée, vu l’opposition exprimée par certaines provinces, en particulier l’Alberta, dont la première ministre a rendu publique une déclaration selon laquelle « le gouvernement albertain fera tout en son pouvoir, dans les limites de ses compétences juridictionnelles, pour contrecarrer la mise en œuvre de ces règlements inconstitutionnels dans notre province » [traduction libre]. Cette incertitude est exacerbée dans le contexte de deux récentes décisions de tribunaux, qui ont déclaré que d’autres piliers de la stratégie environnementale du gouvernement fédéral étaient inconstitutionnels, soit : i) une décision rendue par la Cour fédérale du Canada, qui a annulé le décret du cabinet fédéral désignant les « articles manufacturés en plastique » en tant que substances toxiques dans l’annexe 1 de la LCPE, et ii) un jugement de la Cour suprême du Canada statuant que la Loi sur l’évaluation d’impact du Canada était partiellement inconstitutionnelle. Pour obtenir de l’aide ou des renseignements au sujet de la conformité à la réglementation sur les VZE, veuillez joindre un membre du groupe Affaires réglementaires, Autochtones et environnement d’Osler
[1] Environnement et Changement climatique Canada, « Une nouvelle norme sur la disponibilité des véhicules électriques permettra d’accroître l’accès à des véhicules abordables et d’améliorer la qualité de l’air pour les Canadiens », 19 décembre 2023.
[2] Environnement et Changement climatique Canada, « La norme sur la disponibilité des véhicules électriques (cibles réglementées pour les véhicules zéro émission) », 19 décembre 2023.