Invitation du ministère des Finances à participer d’ici le 30 décembre aux consultations sur les modifications à apporter au Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité

5 Déc 2024 8 MIN DE LECTURE

Le 30 novembre 2024, le ministère des Finances du Canada a fait l’annonce de nouvelles propositions de modifications aux règlements pris en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes du Canada (LRPCFAT). La période de consultation pour proposer des modifications se déroule exclusivement ce mois-ci et prend fin le 30 décembre 2024 à 23 h 59 (heure de l’Est). Les personnes intéressées sont invitées à soumettre leurs observations avant le début de la période chargée des fêtes de fin d’année.

Le gouvernement du Canada a exprimé sa volonté d’améliorer son régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) afin de « surveiller continuellement les risques de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes qui portent atteinte à l’intégrité du système financier et menacent la sécurité nationale, et s’y adapter ». Cette dernière série de modifications aux règlements d’application de la LRPCFAT, si celles-ci sont adoptées, mettra en œuvre et rendra opérationnelles certaines mesures annoncées dans les récents projets de loi budgétaires fédéraux (notamment le budget de 2024 à l’égard duquel nous avons publié, le 18 avril 2024, un article de blogue intitulé Le budget de 2024 propose de nouvelles réformes pour lutter contre les crimes financiers au Canada). Ces mesures visent à donner suite aux recommandations de l’examen parlementaire de 2018 de la LRPCFAT ainsi qu’aux conclusions du rapport de 2022 de la Commission Cullen (abordées dans l’article de blogue publié le 23 juin 2022 intitulé Cullen Commission releases final report on money laundering in British Columbia (en anglais uniquement) ainsi qu’à mettre en œuvre certaines normes dans le cadre du Groupe d’action financière (GAFI) en prévision de la prochaine évaluation du Canada par le GAFI, qui aura lieu en 2025 et en 2026.

Les modifications proposées s’articulent autour de quatre axes présentés ci-dessous.

Renforcement des pouvoirs de l’Agence des services frontaliers du Canada pour lutter contre la criminalité financière à caractère commercial

La criminalité financière à caractère commercial consiste à manipuler les transactions commerciales par des actions telles que la fausse facturation ou la fausse description des marchandises afin de masquer l’origine illicite de l’argent. Actuellement, les responsabilités et les pouvoirs de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) visent généralement à assurer le respect de la législation sur les douanes. Les modifications proposées obligeraient les entreprises qui font le commerce de marchandises à destination et en provenance du Canada à déclarer l’importation et l’exportation de marchandises à l’ASFC. Cette disposition vise à détecter, dissuader et perturber la criminalité financière à caractère commercial, et à conserver certains registres. Les modifications accorderont à l’ASFC de nouveaux pouvoirs de saisie et de confiscation des marchandises lorsqu’elle a des motifs raisonnables de croire que ces marchandises sont des produits de la criminalité ou qu’elles sont liées au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme ou à l’évasion des sanctions. En dernier lieu, les modifications établiront un régime de sanctions administratives pécuniaires pour assurer la conformité au nouveau cadre.

Facilitation de l’échange de renseignements entre les entités déclarantes

En reconnaissance de l’augmentation des acteurs du marché dans le secteur bancaire et des services financiers avec l’émergence d’entreprises de technologies financières, dont beaucoup sont des entreprises de services monétaires enregistrées, les modifications proposées rendraient opérationnels les changements législatifs déjà apportés au Code criminel et à la LRPCFAT pour permettre aux entités déclarantes d’échanger des renseignements les unes avec les autres. L’objectif de cette disposition serait de détecter et de décourager le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes et le contournement des sanctions, tout en maintenant les mesures de protection de la vie privée pour les renseignements personnels. Ces modifications n’obligeraient pas les entités privées à échanger des renseignements, mais permettraient de définir un processus pour les entités qui choisissent de le faire, assurant ainsi la protection des renseignements personnels (notamment en instaurant des « codes de pratique »), le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada qui jouerait un rôle de surveillance.

Déclaration obligatoire des divergences dans les renseignements sur la propriété effective par les entités déclarantes

Le gouvernement fédéral a déjà pris des mesures pour renforcer la transparence en matière de propriété effective en lançant cette année un registre public et consultable de la propriété effective des sociétés fédérales, géré par Corporations Canada. Bien que les entités déclarantes en vertu de la LRPCFAT soient déjà tenues d’obtenir et de vérifier les renseignements sur la propriété effective de l’entreprise lorsqu’elles vérifient l’identité d’une entité, les modifications proposées élargiraient cette disposition. La nouvelle exigence consisterait à signaler toute divergence importante (c’est-à-dire l’absence de propriétaires effectifs, et non des fautes de frappe ou autres erreurs non substantielles) entre leurs dossiers et les documents déposés au registre d’une société auprès de Corporations Canada (publiés dans le registre fédéral public des bénéficiaires effectifs) qu’elles observent dans le cadre de leurs activités habituelles. Cette exigence ne s’appliquera que lorsqu’une entité déclarante détermine qu’il existe un risque élevé de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. Les modifications prévoient également des sanctions en cas de non-respect de ces obligations.

Ajout des sociétés d’affacturage, des entreprises d’encaissement de chèques et des entités de financement et de bail dans le champ d’application de la LRPCFAT

Dans son budget de 2024, le gouvernement fédéral avait déjà annoncé son intention de réglementer les sociétés d’affacturage, les entreprises d’encaissement de chèques et les entités de financement et de bail, et de les soumettre à des contrôles en matière de LRPCFAT afin de changer la perception de lacunes réglementaires et de s’assurer que le Canada se conforme aux normes internationales établies par le GAFI. Les modifications proposées permettraient de concrétiser les intentions du gouvernement fédéral de la manière suivante :

  • Les sociétés d’affacturage seraient prescrites en tant qu’entités déclarantes en vertu de la LRPCFAT et soumises aux obligations existantes – ainsi qu’à de nouvelles obligations spécifiques. Ces nouvelles obligations spécifiques consistent notamment à vérifier l’identité de chaque partie ayant conclu une entente d’affacturage et à tenir les registres correspondants, ainsi qu’à tenir un registre de tout paiement supérieur ou égal à 3 000 $, reçu du payeur d’une facture affacturée. Ces nouvelles obligations spécifiques s’appliqueraient également aux entités financières déjà assujetties à la LRPCFAT lorsqu’elles fournissent des services d’affacturage.
  • Les entreprises d’encaissement de chèques seraient incluses dans la définition d’« entreprises de services monétaires » (ESM) en vertu de la LRPCFAT. Ces entités seraient soumises à l’ensemble complet des obligations existantes des ESM, ainsi qu’à certaines nouvelles obligations spécifiques, notamment à la vérification de l’identité d’un client qui encaisse des chèques d’une valeur supérieure ou égale à 3 000 $ et à la conservation des documents associés à la transaction.
  • Les entités de financement et de bail seraient prescrites en tant qu’entités déclarantes en vertu de la LRPCFAT et soumises aux obligations existantes ainsi qu’à de nouvelles obligations spécifiques. Ces nouvelles obligations spécifiques consisteraient notamment à vérifier l’identité de chaque partie avec laquelle une entité de financement et de bail conclut un accord de financement ou de bail et à tenir les registres correspondants, ainsi qu’à tenir un registre de tous les paiements reçus dans le cadre d’un accord de financement ou de bail. Ces nouvelles obligations spécifiques s’appliqueraient également aux entités financières déjà assujetties à la LRPCFAT lorsqu’elles fournissent des services de financement et de bail.

Ces modifications, notamment les nouvelles obligations spécifiques applicables à ces secteurs, seraient soumises à certaines dispenses énoncées, ainsi qu’à des sanctions en cas de non-respect de ces obligations.

En soutien à sa proposition, le ministère des Finances a entrepris une analyse des coûts et des avantages de chaque mesure proposée, notamment l’incidence sur les parties prenantes concernées.

Les règlements proposés concernant la criminalité financière à caractère commercial, les déclarations des divergences, les sociétés d’affacturage, les entreprises d’encaissement de chèques et les entités de financement et de bail entreraient en vigueur le 1er octobre 2025. Les règlements relatifs à l’échange de renseignements entreraient en vigueur après leur publication dans la Partie II de la Gazette du Canada.

Ces modifications pourraient faire émerger des obstacles importants ainsi que des exigences réglementaires, mais également représenter des outils utiles de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité, le financement des activités terroristes et le contournement des sanctions. Les participants du secteur sont vivement encouragés à soumettre leurs commentaires avant la clôture des consultations le 30 décembre 2024.