Comme des membres de notre équipe d’arbitrage l’ont écrit récemment, la pandémie mondiale a incité des parties à considérer l’arbitrage comme le processus optimal de résolution de différends, étant donné qu’il est efficace, efficient et personnalisable. Le milieu de l’arbitrage international a réussi à se transformer rapidement pour s’adapter assez facilement aux changements à l’échelle mondiale. Témoignant de la flexibilité de l’arbitrage, les institutions arbitrales du monde entier ont réagi en publiant des mises à jour et des guides de pratique visant à préciser et simplifier leurs règles et procédures afin de mieux refléter la réalité des différends dans le paysage de l’après-2020.
Règles de l’ICC de 2021
Les règles révisées de la Chambre de commerce internationale (« ICC »), l’une des principales institutions arbitrales internationales, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021 (les « règles de l’ICC de 2021 »). Ces modifications ont été décrites comme constituant une « étape de plus vers une efficacité, une flexibilité et une transparence accrues » par le président du tribunal de l’ICC, Alexis Mourre. Tout différend déposé auprès de l’ICC à compter du 1er janvier 2021 est assujetti aux règles de l’ICC de 2021. Ces mises à jour reflètent les tendances actuelles en arbitrage international, dont le recours à des audiences virtuelles et l’accroissement de l’efficacité, de la flexibilité, de la transparence et de l’équité. Il convient également de souligner que les règles de l’ICC de 2021 comprennent des dispositions conçues spécialement pour les traités d’investissement, en plus des litiges commerciaux. Certaines des principales mises à jour sont résumées ci-après :
Audiences virtuelles
Après la publication de la note d’orientation de l’ICC sur les mesures possibles visant à atténuer les effets de la pandémie de COVID-19, les règles de l’ICC de 2021 comprennent maintenant une disposition portant explicitement sur les audiences à distance. Les tribunaux avaient auparavant le pouvoir discrétionnaire de tenir des audiences virtuelles, mais les nouvelles règles viennent clarifier explicitement cette compétence. Après avoir consulté les parties et en se fondant sur les circonstances et les faits d’un dossier, un arbitre peut décider si une audience sera tenue à distance ou en personne. De plus, des copies papier des demandes d’arbitrage ne sont plus exigées; les demandes d’arbitrage peuvent être soumises par voie électronique.
La prise en compte des progrès technologiques dans les règles d’arbitrage est une tendance observée auprès de l’ensemble des institutions internationales. À titre d’exemple, la London Court of International Arbitration (« LCIA ») a également publié des mises à jour des règles d’arbitrage de la LCIA, qui sont entrées en vigueur le 1er octobre 2020. Ces révisions tiennent également compte d’options technologiques dans les procédures, comme les audiences virtuelles, les communications électroniques et la protection des données. Il sera intéressant de voir quelles pratiques seront toujours utilisées dans la réalité mondiale post-pandémique. De nouvelles façons de faire telles que les audiences hybrides et les comparutions virtuelles de témoins vont vraisemblablement demeurer courantes dans les procédures d’arbitrage international.
Vers une efficacité et une flexibilité accrues
La procédure rapide prévue par les règles de l’ICC accélère le calendrier d’arbitrage et exige qu’une décision finale soit rendue dans un délai de six mois suivant la conférence de gestion de la cause initiale. La limite supérieure pour l’application du processus rapide, sous réserve de possibilités d’exclusion, a été revue à la hausse dans les règles de l’ICC de 2021, passant de 2 millions de dollars américains à 3 millions de dollars américains, ce qui élargit le champ d’application de ce processus et favorise son efficacité par le fait même.
Les règles de l’ICC de 2021 incluent des modifications touchant les procédures multipartites afin de répondre aux besoins des différends complexes et des relations contractuelles multidimensionnelles dont sont habituellement saisis les tribunaux de l’ICC. Plus particulièrement, il est maintenant clair que les dossiers peuvent être consolidés en un seul lorsque les demandes d’arbitrage sont faites aux termes d’une même clause ou de clauses similaires — la disposition a été modifiée pour inclure « under the same agreement or agreements » (aux termes de la même convention ou des mêmes conventions) (ce qui inclut explicitement plus d’une convention).
Une fois le tribunal constitué, toute partie peut maintenant demander une jonction d’instances, sous réserve uniquement de l’accord des autres parties, ce qui élimine essentiellement le pouvoir de veto que les parties originales avaient auparavant. Cette modification tient compte du fait qu’il est beaucoup plus difficile d’amener les parties à s’entendre une fois qu’une procédure a commencé. L’élimination de la nécessité que toutes les parties s’entendent est un facteur supplémentaire favorisant l’efficacité du processus.
Un mécanisme plus transparent et plus équitable
Plusieurs de ces nouvelles modifications laissent entrevoir que la transparence et l’équité seront davantage favorisées. Par exemple, une nouvelle disposition permet expressément au tribunal de l’ICC, dans des « circonstances exceptionnelles », de nommer les membres du tribunal indépendamment de la convention d’arbitrage pour éviter un risque considérable d’inégalité de traitement et d’inéquité pouvant affecter la validité de la décision.
Il y a également de nouvelles dispositions visant à offrir une meilleure protection contre les conflits d’intérêts. L’une de ces dispositions oblige les parties à divulguer l’existence et l’identité de tout tiers bailleur de fonds. Cette mesure a pour but de confirmer l’absence de conflits d’intérêts avec le tribunal, et elle aidera à assurer son impartialité ainsi que son indépendance. Il est à noter que les règles sur les conflits d’intérêts dans l’arbitrage international de l’Association internationale du barreau [PDF] comprenaient déjà une disposition semblable. Il y a également une nouvelle disposition permettant au tribunal de prendre toute mesure nécessaire pour éviter un conflit d’intérêts résultant d’un changement de représentation des parties.
Arbitrage de différends relatifs aux traités d’investissement
Enfin, deux mises à jour des règles de l’ICC de 2021 portent spécifiquement sur l’arbitrage de différends relatifs aux traités d’investissement. L’inclusion de ces modifications témoigne des efforts soutenus de la part de l’ICC pour devenir une option souhaitable pour ce type de différends. La première modification prévoit que lorsqu’un différend découle d’un traité, aucun arbitre ne peut être de la même nationalité que l’une des parties — cette disposition s’apparente à une disposition de la convention du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) et s’inscrit donc dans des pratiques existantes. L’ajout de cette disposition reconnaît la nécessité pour un tribunal d’être et de sembler impartial.
De plus, les dispositions sur l’arbitrage d’urgence ne sont pas applicables aux différends découlant d’un traité d’investissement. De même, l’arbitrage d’urgence n’est pas disponible aux termes de la convention du CIRDI ou des règles d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, qui sont habituellement utilisées pour ce type de différends. Ces dispositions tiennent compte du fait que les entités d’État ne peuvent pas toujours se conformer aux courts délais qui y sont associés. Il est à noter que cette exclusion ne s’applique qu’aux différends découlant de traités d’investissement, et que les dispositions sur l’arbitrage d’urgence ne s’appliquent toujours pas aux contrats d’investissement.
Points à retenir
D’autres institutions apporteront vraisemblablement des modifications à leurs règles en 2021. Par exemple, un certain nombre de modifications proposées aux règles d’arbitrage international du Centre for Dispute Resolution International font actuellement l’objet de discussions. L’adoption de nouvelles modifications par les tribunaux d’arbitrage international permet de constater que l’arbitrage est fidèle à sa réputation de mécanisme efficient, flexible et efficace, et qu’il cherche à l’être encore davantage face aux changements qui se produisent à l’échelle mondiale.
Il est important de tenir compte des modifications adoptées par les institutions d’arbitrage international dans la rédaction de clauses sur l’arbitrage. À titre d’exemple, la clarification explicite de la compétence du tribunal concernant les procédures par audience virtuelle et la capacité accrue de consolider les différends accordés par les règles de l’ICC de 2021 pourraient être attrayantes pour les parties. De plus, différentes règles peuvent être intéressantes pour les utilisateurs de différents secteurs. Les sociétés des secteurs des infrastructures ou de la construction, où les multiples contrats connexes sont monnaie courante, pourraient maintenant être enclines à adopter les règles de l’ICC de 2021 dans leurs conventions. De plus, si un litige est susceptible d’avoir une valeur inférieure à 3 millions de dollars américains, la procédure rapide prévue par les règles de l’ICC s’appliquera, ce qui peut être intéressant pour les litiges de valeur moindre. Un avocat chevronné spécialisé en arbitrage peut vous conseiller sur les avantages et les inconvénients de certaines règles institutionnelles et devrait être consulté au cours du processus de rédaction de contrats.