L’ARC publie de nouvelles lignes directrices sur les divulgations volontaires relatives à la TPS

20 Déc 2017 10 MIN DE LECTURE

Contexte

Le 13 décembre 2017, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a publié une version révisée de son Mémorandum sur la TPS/TVH relativement au Programme des divulgations volontaires (PDV). Le nouveau document, qui s’intitule « Mémorandum sur la TPS/TVH 16-5, Programme des divulgations volontaires » (la politique révisée du PDV), remplace une ébauche de mémorandum publiée le 16 juin 2017 (l’ébauche de juin), laquelle avait été grandement critiquée. Sans contredit, la politique révisée du PDV constitue une amélioration par rapport à l’ébauche de juin, même si son effet est sensiblement le même. Toutefois, la politique révisée du PDV comporte de nombreux problèmes, et les avantages qu’elle présente pour les grandes sociétés ou les inscrits avertis seront vraisemblablement limités.  

Améliorations

Comme ce fut le cas pour l’ébauche de juin, l’ARC a créé, au titre de la politique révisée du PDV, trois catégories pour les entités qui présentent une demande relative au PDV :

1. opérations sans effet fiscal (allègement de 100 % des intérêts et des pénalités);

2. programme général (allègement de 50 % des intérêts et des pénalités);

3. programme limité (aucun allègement des intérêts et des pénalités, sauf pour une pénalité pour faute lourde). 

Une amélioration de taille par rapport à l’ébauche de juin est la réduction du nombre d’années de divulgation aux fins de l’admissibilité au programme général. Conformément à l’ébauche de juin, les entités qui présentaient une demande relative au PDV devaient divulguer des renseignements pour les six années civiles précédentes. En outre, l’ARC stipulait qu’elle produirait un avis de cotisation pour cette période de six ans, laquelle posait problème, parce que le délai de prescription général en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (en l’absence de fraude, d’omission délibérée, etc.) n’est que de quatre ans. Donc, pour être en mesure de procéder à une divulgation volontaire, certains inscrits devaient acquitter leurs cotisations fiscales, plus des intérêts et des pénalités de 50 % pour six ans, alors que dans le cadre d’une vérification, ils n’auraient eu qu’à payer les cotisations pour quatre ans, plus les intérêts et les pénalités, si la vérification avait eu lieu sur-le-champ et que l’avis de cotisation avait alors été produit. Étant donné qu’une divulgation volontaire ne peut avoir lieu que si l’inscrit n’est pas assujetti à une vérification et n’a pas été informé d’une vérification à venir, en pratique, même si l’ARC entamait une vérification le jour suivant, la déclaration serait presque certainement frappée de prescription et plusieurs autres mois (voire beaucoup plus) seraient nécessaires avant que la cotisation soit établie.  Par conséquent, le programme général présentait peu d’avantages. En fait, dans la plupart des cas, il aurait vraisemblablement été beaucoup plus avantageux pour un éventuel inscrit d’attendre la tenue d’une vérification plutôt que de procéder à une divulgation volontaire. 

Le changement apporté à la politique révisée du PDV est donc positif. Dorénavant, seules les entités qui présentent une demande au titre du programme général (la catégorie 2) sont tenues de divulguer des renseignements sur les quatre années civiles précédentes, soit la même période que pour les inscrits au titre des opérations sans effet fiscal (catégorie 1). Cela dit, même s’il sera souvent plus avantageux pour les inscrits qui prenaient part à des opérations sans effet fiscal de procéder à des divulgations volontaires, les inscrits au programme général devront déterminer la pertinence d’une divulgation volontaire compte tenu de leurs circonstances particulières.

Peu d’amélioration

La politique révisée du PDV présente encore une grande faiblesse, soit le fait que les inscrits ne peuvent pas savoir avec exactitude dans laquelle des trois catégories l’ARC décidera de les classer. L’ARC indique que « la détermination quant au traitement d’une demande dans le cadre des première, deuxième ou troisième catégories sera effectuée au cas par cas. » 

Trop grande latitude du programme limité

Les entités qui présentent une demande relative au PDV risquent d’être classées dans le programme limité (catégorie 3), en vertu duquel elles perdent de nombreux avantages auxquels elles avaient droit au préalable lorsqu’elles procédaient à une divulgation volontaire.  Plus précisément, les inscrits dans cette catégorie n’ont droit à aucun allègement des intérêts et seulement à des allègements des pénalités très limités, c.-à-d. qu’ils n’ont droit qu’à un allègement des pénalités pour faute lourde. De plus, on s’attend à ce qu’ils divulguent des renseignements pour toutes les années pertinentes. Les détracteurs de l’ébauche du mémorandum ont souligné que les avantages restreints que procure le programme limité font en sorte qu’il est peu probable que des entités présentent une demande à cet égard, à moins qu’elles aient commis une fraude ou que le délai de prescription de quatre ans ne s’appliquait pas et qu’elles aient vraisemblablement été assujetties à des pénalités pour faute lourde. Et même dans un tel cas, certains inscrits pourraient trouver que le prix à payer pour une divulgation volontaire (pénalités, nombre total d’années vérifiées, intérêts, etc.) dépasse les avantages potentiels.  

Un autre enjeu du programme limité était, selon l’ébauche de politique, qu’il s’appliquerait seulement si un cas présentait les caractéristiques suivantes :

  • « montants élevés »;
  • nombreuses « années d’inobservation »;
  • « inscrit averti ».

Autrement dit, la plupart des grandes sociétés se classeraient par défaut dans la catégorie du programme limité. Les détracteurs de l’ébauche de mémorandum se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles les grandes sociétés devraient être défavorisées en subissant un traitement moins avantageux, même si leurs actes ne sont pas nécessairement plus répréhensibles. 

Malgré le fait que la politique révisée du PDV présente quelques améliorations, les enjeux susmentionnés demeurent. 

L’ARC semble avoir voulu atténuer les inquiétudes soulevées par les détracteurs en redéfinissant les cas indiqués ci-dessus et en tenant compte de la rapidité avec laquelle l’inscrit tente de régler le problème, ce qu’elle considère comme des « facteurs » à envisager lorsqu’elle détermine dans quelle catégorie classer un inscrit. L’ARC a également affirmé que l’admissibilité n’était pas attribuable qu’à un seul facteur. De plus, l’ARC a revu le mémorandum afin de mettre l’accent sur l’existence obligatoire d’un « élément de conduite intentionnelle » et de préciser qu’« un inscrit averti peut toujours corriger une erreur raisonnable dans le cadre du programme général. » 

Malgré ces changements, il est probable que la plupart des grandes sociétés se retrouveront dans le programme limité, simplement parce qu’elles présentent les caractéristiques des montants élevés, des nombreuses années d’inobservation et du niveau d’expertise perçu de l’inscrit. En outre, l’ARC a ajouté un paragraphe qui stipule explicitement qu’« en règle générale, les demandes faites par des sociétés ayant des recettes brutes supérieures à 250 millions de dollars pendant au moins deux des cinq dernières années d’imposition, et par toutes les entités liées, seront examinées dans le cadre du programme limité. »  Par conséquent, une société dont les recettes sont supérieures à 250 millions de dollars pendant au moins deux des cinq dernières années d’imposition ne sera pratiquement jamais avantagée de faire une divulgation volontaire (sauf dans de rares cas où il est fort probable que des pénalités pour faute lourde s’appliquent). 

Il est dommage que le programme limité englobe de grandes sociétés considérées comme des inscrits avertis, étant donné que ces entités sont justement plus à risque de faire face à des problèmes complexes en matière de TPS et de TVH, ce qui vient compliquer la conformité d’entrée de jeu. De plus, contrairement aux divulgations volontaires ayant trait à l’impôt sur le revenu, pour lesquelles l’inscrit a généralement tiré profit de l’impôt non payé, en ce qui concerne la TPS, on s’attend à ce que la plupart des entités qui présentent une demande ne soient que de simples agents de recouvrement du gouvernement qui n’auront vraisemblablement pas profité de la TPS ou TVH qui n’a pas été perçue par inadvertance.

Les discussions préalables à la divulgation offrent une protection insuffisante

Enfin, la politique révisée du PDV n’apporte aucune amélioration quant au cadre des « discussions préalables à la divulgation » présenté dans l’ébauche de politique. Les détracteurs ont souligné qu’auparavant, les inscrits étaient protégés après avoir fait une divulgation « anonyme », ce qui leur donnait l’occasion de voir s’ils seraient admissibles au PDV et combien d’années l'ARC engloberait dans sa vérification. La politique révisée du PDV, tout comme l’ébauche de politique précédente, indique clairement que l’ARC ne sera pas tenue de tenir compte des discussions préalables à la divulgation (malgré l’ajout du passage suivant : « ces discussions[…] sont à l’avantage de l’inscrit »). En outre, le processus de divulgation volontaire ne commence pas officiellement tant que l’inscrit ne soumet pas son nom, ce qui veut dire que les inscrits doivent décider s’ils feront une divulgation avant même que l’ARC n’ait déterminé dans quelle catégorie ils seront classés. Ce critère engendrera un risque important pour les grandes sociétés qui envisagent de faire une divulgation volontaire au titre du programme général, et pourrait les dissuader d’entreprendre ce processus, de peur de se retrouver dans le programme limité. 

Conclusion

La politique révisée du PDV apporte des améliorations concrètes par rapport à sa version précédente, comme la diminution du nombre d’années de déclaration exigé au titre du programme général. Toutefois, de nombreuses questions soulevées par les détracteurs n’ont pas été réglées. Ces questions feront probablement en sorte de limiter le nombre de divulgations volontaires et pourraient finir par faire dévier le PDV de son objectif déclaré, soit de faire « la promotion de l’observation des lois fiscales du Canada .» 

Si vous avez des questions sur les nouvelles lignes directrices de l’ARC en matière de divulgations volontaires relatives à la TPS, veuillez communiquer avec l’un des membres de l’équipe responsable des taxes de vente d’Osler :

Alan Kenigsberg [email protected] 416.862.6659

Marlene Legare [email protected] 416.862.4603

D’Arcy Schieman [email protected] 416.862.5977

Blake Murray [email protected] 416.862.6444

Alain Fournier [email protected] 514.904.5390