La Cour d’appel fédérale refuse l’accès systématique aux documents de travail sur l’impôt couru à l’ARC

20 Mar 2017 4 MIN DE LECTURE

Le 30 mars 2017, la Cour d’appel fédérale (CAF) a publié sa décision dans l’affaire BP Canada Energy Company c. Canada (Revenu national), 2017 CAF 61 portant sur la question de savoir si le ministre du Revenu national (le Ministre) pouvait ordonner à un contribuable de communiquer les positions fiscales incertaines présentées dans ses documents de travail sur l’impôt couru (DTIC). Cette décision infirme une décision de la Cour fédérale qui aurait obligé le contribuable à les communiquer. Le contribuable était représenté en appel par Al Meghji, Edward Rowe et Pooja Mihailovich d’Osler.

En réponse aux demandes de renseignements reçues dans le cadre d’une vérification, BP Canada Energy Company (BP Canada) a fourni au Ministre certains tableaux faisant partie de ses DTIC confidentiels, qu’il avait caviardés afin de ne pas communiquer des descriptions de ses positions fiscales incertaines (les listes de questions).

Le Ministre a allégué que, en vertu du paragraphe 231.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, il avait le droit d’exiger la communication des listes de questions et il a déposé une requête en ce sens devant la Cour fédérale.

Dans le cadre de sa requête, le Ministre a reconnu que les listes de questions tombaient sous le coup de sa politique administrative publiée relative aux DTIC et que, s’il avait demandé les listes de questions, c’était en vue de les utiliser comme « feuille de route » devant l’aider à exécuter les vérifications de BP Canada au cours des années d’imposition à venir.

La Cour fédérale a déclaré que la communication des listes de questions pouvait être exigée et a rendu une ordonnance exigeant que BP Canada les produise au Ministre. Il en a été appelé de cette décision devant la CAF.

La CAF a accueilli l’appel après avoir conclu que la communication des listes de questions ne pouvait être exigée en vertu du paragraphe 231.1(1) et, par conséquent, que les documents « ne [pouvaient] être transmis au Ministre ». Le juge en chef Noël, écrivant au nom de la Cour, alors unanime, a soutenu que, lorsqu’on interprète correctement le paragraphe 231.1(1), la communication des DTIC ne peut être exigée « sans restriction ».

À en juger par le contexte et l’objet du paragraphe 231.1(1), le législateur entendait que les vastes pouvoirs que ce paragraphe confère soient exercés avec retenue lorsqu’il s’agit de DTIC. La CAF a également fait remarquer que les obligations relatives à l’information financière qu’impose la législation provinciale en matière de valeurs mobilières constituaient un autre pan du contexte. Le législateur ne pouvait avoir eu l’intention, par le truchement du paragraphe 231.1(1), de conférer un pouvoir qui compromettrait l’intégrité du régime d’information financière.

La CAF a contextualisé cette décision en notant que, même si le régime fiscal est un régime d’autocotisation, l’obligation d’autocotisation n’oblige pas les contribuables à l’autovérification. En d’autres termes, le Ministre ne peut obliger les contribuables à révéler leurs « points faibles » dans leurs déclarations de revenus ni à assujettir à l’impôt des sommes qu’ils estiment non imposables.

En outre, la CAF a conclu que, même si la communication des listes de questions avait été exigée, elle n’aurait pas usé de son pouvoir discrétionnaire pour donner suite à la requête du Ministre. La politique du Ministre elle‑même prévoit que celui‑ci ne peut exercer le pouvoir lui permettant d’obtenir les DTIC de façon systématique, et elle reconnaît les contraintes que la Loi de l’impôt sur le revenu impose au Ministre. En cherchant à avoir un accès continu aux positions fiscales incertaines de BP Canada, le Ministre a, dans les faits, perverti sa propre politique.

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