La proposition d’acquisition d’Aecon par CCCI est bloquée pour des raisons de sécurité nationale

24 Mai 2018 4 MIN DE LECTURE

Le gouvernement fédéral du Canada bloque l’acquisition proposée de la société de construction Aecon Group Inc. par China Communications Construction Company International Holding Limited (CCCI) parce que cet investissement porterait atteinte à la sécurité nationale du Canada. Ce n’est que la troisième opération bloquée sous le régime de la sécurité nationale du Canada et la première opération que le gouvernement libéral refuse d’entériner. Cette décision a été motivée par les recommandations des organismes responsables de la sécurité nationale, mais aucun motif n’a été précisé dans l’annonce officielle.

CCCI compte une société affiliée inscrite à la cote des bourses de Hong Kong et de Shanghai, mais cette société, de même que CCCI en soi, appartiennent majoritairement au gouvernement chinois. La proposition d’acquisition a été annoncée le 26 octobre 2017 et est rapidement devenue un sujet de débat au Canada. Un examen relatif à la sécurité nationale a été ordonné au début de 2018. En vertu de la Loi sur Investissement Canada, un examen relatif à la sécurité nationale est mené avec la participation des organismes canadiens responsables de la sécurité et du renseignement et le ministère de la Sécurité publique. Les facteurs considérés sont l’incidence potentielle de l’investissement en question sur la sécurité des infrastructures essentielles du Canada, le potentiel de transfert de technologies comportant des applications militaires et le potentiel de surveillance ou d’espionnage étrangers. Il a été signalé que la prise de contrôle indirecte d’Aecon par le gouvernement chinois suscitait des inquiétudes en raison des activités d’Aecon dans les domaines de la construction de centrales nucléaires, d’installations militaires et de l’infrastructure de communication. Cette décision présente un contraste non équivoque avec la décision prise en 2015 par le gouvernement australien d’avaliser l’acquisition d’une entreprise de construction australienne de premier plan (John Holland) par une société affiliée de CCCI.

La décision relative au rachat d’Aecon représente un élément décisif et sera scrutée en raison de sa médiatisation, mais rien n’indique que cette décision annonce un changement dans l’approche générale du Canada en matière d’investissements étrangers, y compris en provenance de la Chine. À ce jour, le gouvernement fédéral a exercé judicieusement son pouvoir d’examen en matière de sécurité nationale, comme l’attestent les statistiques dont fait état son Rapport annuel Loi sur Investissement Canada de 2016-2017. Selon le Rapport annuel, les examens relatifs à la sécurité nationale sont peu fréquents puisque seulement cinq des 737 investissements approuvés ou certifiés en vertu de la Loi sur Investissement Canada au cours de l’exercice 2016-2017 ont officiellement fait l’objet d’examens en raison de préoccupations liées à la sécurité nationale. En 2017, le Canada a notamment fait montre d’ouverture à l’égard de 46 investissements de la Chine, ce pays s’étant classé au deuxième rang parmi les pays investisseurs au Canada, après les États-Unis, pour ce qui est du nombre d’opérations.

De plus, comme nous en avons rendu compte dans notre bulletin d’Actualités de l’automne 2017, un certain nombre d’opérations très médiatisées conclues par des investisseurs chinois ont été examinées et approuvées par le gouvernement Trudeau en 2017. Du nombre, notons la prise de contrôle par Hytera de Norsat International (un fabricant d’équipement et d’émetteurs-récepteurs pour satellites, notamment en vue d’applications militaires), l’acquisition par Anbang Insurance de Retirement Concepts (un exploitant de maisons de retraite en Colombie-Britannique, à Calgary et à Montréal) et l’annulation, fortement publicisée, par le gouvernement de la décision antérieure du gouvernement conservateur de refuser la prise de contrôle par O-Net Communications, une société de Hong Kong, de l’entreprise montréalaise ITF Technologies (qui possédait une technologie laser à fibre névralgique).

Bien que le gouvernement canadien ait indiqué clairement dans sa déclaration officielle que la décision avait été prise selon la recommandation des organismes nationaux responsables de la sécurité nationale, la portée complète de la décision de bloquer l’acquisition d’Aecon par CCCI n’est pas encore connue. Cette décision aura indéniablement pour effet, à tout le moins, de rehausser le profil du régime de sécurité nationale du Canada; de plus, elle met en lumière la nécessité vitale d’évaluer, de gérer et de prendre en considération le niveau de risque des investissements pouvant porter atteinte à la sécurité nationale.