Auteurs(trice)
Associé, Droit des sociétés, Vancouver
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Il est difficile de déterminer le thème prédominant du colloque de la PDAC de 2020. L’année a commencé avec un regain d’optimisme dans le secteur minier. Des signes de résolution des guerres commerciales ont semblé donner un élan aux métaux de base alors que les préoccupations à l’égard d’un ralentissement potentiel du marché ont laissé entendre que l’or retrouvait son statut de valeur refuge, son prix atteignant son plus haut niveau depuis plusieurs années. En janvier et février, on s’attendait à ce que des accords et quelques activités de financement soient annoncés avant le colloque de la PDAC. Autrement dit, nous avions bien hâte au colloque de la PDAC cette année. Bien que le nouveau coronavirus tenait la planète en haleine, il n’avait pas eu de conséquences graves sur les marchés ou les perspectives… jusqu’à ce qu’il se propage de façon inattendue sur de nouveaux territoires et que les marchés s’inquiètent de plus en plus de l’efficacité des efforts déployés pour le contenir, ce qui a soufflé un vent de panique généralisé dans les jours précédant le début du colloque.
Le coronavirus, ses risques, ses conséquences potentielles et ses effets sont devenus le principal sujet de discussion dans le secteur minier. De nombreuses sociétés ont imposé des interdictions de voyage ou des participations limitées aux événements. Et, le désinfectant pour les mains est devenu le produit le plus convoité. Nous hésitions entre la poignée de main, la salutation poing contre poing, coude contre coude ou par hochement de tête, et ce dilemme se posait en temps réel dans les interactions qui ressemblaient davantage à des combats de boxe qu’à des salutations professionnelles.
En fin de compte, le secteur minier demeure tout de même résilient et l’événement s’est poursuivi (bien qu’avec ce qui semblait être une baisse assez considérable du nombre de participants, même si les organisateurs ont noté la présence de plus de 23 000 personnes). Voici les points saillants du colloque de la PDAC 2020.
Les petits émetteurs ne se portent pas bien
Les difficultés perdurent du côté des petits émetteurs. L’accès aux capitaux pour la prospection est restreint, et ce, depuis un moment déjà. Le rapport « State of Mineral Finance » de la PDAC brosse toujours un portrait plutôt morose de la situation. L’exploration au stade préliminaire est extrêmement limitée. Bien que, dans l’ensemble, le capital-investissement continue d’alimenter ses coffres de guerre et ses capitaux disponibles, il est presque entièrement axé sur la production ou sur les actifs en phase de production à court terme. De moins en moins de sources de capitaux sont disposées à investir dans le secteur minier et les investisseurs sont sélectifs et le deviennent de plus en plus. Bien entendu, ce thème existe depuis plusieurs années. Les prédictions selon lesquelles les petits émetteurs se regrouperaient ou disparaîtraient ne se sont, pour la plupart, pas concrétisées. Certes, il y a eu certaines consolidations dans le domaine de l’or à la fin de 2019 et au début de 2020, mais pas à la grande échelle que celle à laquelle on s’attendait (ou que celle qu’on espérait). On a l’impression que l’un ou l’autre de ces événements (ou les deux) devra se produire pour redonner un élan à la prospection.
Les grands joueurs, ayant stabilisé leur bilan au cours des dernières années, continuent de financer la prospection au moyen d’investissements privés et de coentreprises. Il s’agit d’une source importante de capitaux éventuels pour de nombreux petits émetteurs compte tenu du manque d’autres sources de financement. Bien que quelques opérations de financement aient été annoncées et réalisées en 2020, le contexte d’incertitude constant occasionné par le coronavirus a peu de chances d’être favorable à la collecte de capitaux à court ou moyen terme pour d’autres émetteurs que les grandes sociétés disposant déjà de capitaux importants.
Le secteur est ainsi aux prises avec un paradoxe intéressant : les seules sociétés ayant accès à des capitaux sont celles qui n’en ont pas vraiment besoin.
Taux de découverte en déclin
La nécessité de découvertes intéressantes constitue un autre thème qui est revenu continuellement. Il reflète la situation des petites sociétés d’exploration, puisque ce sont à elles que l’on attribuait un très grand nombre de découvertes. Si ce qui constitue une « découverte » est en quelque sorte subjectif, la preuve porte à croire que le taux de découverte est en déclin depuis des années. Personne ne sait comment remédier à cette situation alors que le marché n’est actuellement pas en état de soutenir les activités de prospection. Entre temps, nous nous attendons à ce que les grandes sociétés continuent de soutenir des sociétés d’exploration triées sur le volet au moyen d’investissements stratégiques et de coentreprises. La tendance continue du marché de privilégier les droits de redevance (tant dans le cadre de nouveaux financements que dans les opérations de portefeuille) est utile, puisqu’elle permet aux petites sociétés de diluer leur participation en un droit de redevances tout en préservant leur valeur.
Cependant, ce financement sélectif ne pourra pas sauver l’ensemble de l’écosystème des petites sociétés et les grandes sociétés sont sujettes à leurs propres pressions financières pour remettre du capital à leurs actionnaires et démontrer leur rentabilité. On ne saurait dire quand ou si une petite société pourra être en mesure de mobiliser des fonds pour des programmes de prospection spécialisés d’année en année en vue d’ajouter de la valeur dans le temps.
Facteurs ESG – divulguer ou taire
Au cours des dernières années, toutes les sociétés exploitantes de ressources ont dû accroître la divulgation d’information sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les facteurs ESG constituent depuis plusieurs années la pierre angulaire du secteur minier. Toutefois, pour répondre aux attentes des investisseurs, elle est plus que jamais au cœur des préoccupations dans les documents d’information publics. Certaines sociétés ont discuté davantage des efforts déployés en matière d’ESG que de prospection, de mise en valeur et d’extraction. Si les facteurs ESG revêtent une grande importance pour les investisseurs, ils témoignent peut-être davantage du manque de réalisations opérationnelles que du souci de répondre aux nouvelles attentes sociales en matière de relations avec les parties prenantes et d’environnement.
D’autre part, le sujet qui, étrangement, ne semble pas avoir été abordé au cours du colloque de la PDAC est le risque sur le plan territorial. Au cours des dernières années, le secteur minier s’est concentré sur ce que l’on appelle les « territoires sûrs », pour gérer le risque dans une industrie où le risque est inhérent aux activités, mais on ne sait plus ce constitue un territoire sûr. Les territoires habituellement « plus sûrs » pour l’extraction minière ont récemment dû relever de nombreux défis. Le Chili continue de faire face à des troubles sociaux et le Canada, reconnu comme étant un territoire très sûr pour le secteur minier, n’est pas à l’abri d’un examen minutieux. Pour la première fois en dix ans, aucun territoire canadien ne s’est classé parmi les dix premiers pays au chapitre de l’attrait exercé sur les investisseurs potentiels, selon le sondage annuel mené par l’Institut Fraser auprès des sociétés minières. Pour compliquer les choses davantage pour l’industrie canadienne (qui, historiquement, exporte son expertise dans d’autres pays à l’aide du capital réuni sur les bourses canadiennes), la récente décision de la Cour suprême du Canada dans le dossier Nevsun a accru le risque de responsabilité pour les opérations de sociétés étrangères affiliées dans les territoires ayant un bilan peu reluisant en matière de droits de la personne et de primauté du droit. Cet arrêt aura une incidence sur le marché et, selon nous, n’a pas été suffisamment abordé. Osler a récemment publié un résumé de cette décision, accessible ici.
Conclusion de marchés – occasion perdue ou la patience est une vertu?
Comme nous l’avons déjà mentionné, au début de 2020, les conditions du marché laissaient présager l’annonce d’opérations et de financements au colloque de la PDAC. Sauf quelques rares exceptions, aucune d’entre elles ne s’est réalisée. Cependant, les conditions n’étaient pas optimales pour leur réalisation. Plutôt que de jouer un rôle de catalyseur pour la conclusion et l’annonce d’opérations, le colloque de la PDAC constituait une occasion de poursuivre les discussions sur la conclusion d’opérations. Il s’agit du simple fait qu’en contexte d’incertitude, les parties ont besoin de plus de temps pour conclure un accord et il est virtuellement impossible de le faire lorsque les marchés sont en chute libre, comme c’était le cas à la fin de février. Par ailleurs, il semble malheureux que tout le secteur minier mondial se soit réuni à Toronto (mis à part les participants touchés par les interdictions de voyager) pour se contenter de discuter sans toutefois parvenir à un résultat plus définitif.
Et qu’en est-il de l’avenir?
Il est difficile de formuler des prédictions audacieuses concernant l’avenir du secteur minier dans les prochaines années. Le coronavirus a eu des conséquences considérables à court terme sur les marchés mondiaux, y compris sur le secteur minier; ce qui reste à voir, c’est l’incidence à moyen et long termes sur la demande de produits de base et la disponibilité des capitaux. Malheureusement, le colloque de la PDAC n’a pas été en mesure de répondre à plusieurs réponses sur les prochaines étapes, si ce n’est qu’il faudra plus de temps pour les découvrir.