Auteurs(trice)
Associé, Concurrence, commerce international et investissement étranger, Toronto
Associé, Concurrence, commerce et investissement étranger, Toronto
À l’approche du mois de janvier et, avec lui, d’une deuxième administration Trump, les entreprises canadiennes se préparent à l’incertitude et à la discorde avec le plus grand partenaire commercial du Canada.
À quoi ressemblera le deuxième mandat de Trump à la présidence pour les entreprises canadiennes, et comment le gouvernement du Canada pourrait-il réagir?
1. Tarifs douaniers
C’est en matière de tarifs douaniers que les résultats passés pourraient être le meilleur indicateur de la politique future. La précédente administration Trump a invoqué les tarifs douaniers pour protéger les industries américaines, réduire les déficits commerciaux et bénéficier d’un levier dans le cadre des négociations avec d’autres pays. Ces tarifs douaniers visaient toute une série de produits, en particulier ceux en provenance de Chine, mais aussi, et parfois au nom de la « sécurité nationale », ceux en provenance du Canada, de l’UE et d’autres pays alliés.
En tant que candidat à la présidence en 2024, le président élu Trump a fait des tarifs douaniers de 60 % sur les produits chinois et des tarifs douaniers généraux de 10 à 20 % sur tous les autres produits importés (non chinois) une pièce maîtresse de sa politique commerciale. Rien n’indique pour l’instant que le Canada serait exempté de ces tarifs douaniers généraux.
Étant donné qu’environ 80 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis, il s’agit d’une question cruciale pour les décideurs politiques canadiens.
En outre, les recours devant les tribunaux américains au cours de la première administration Trump ont confirmé le pouvoir discrétionnaire du Président en matière d’imposition de tarifs douaniers en vertu du pouvoir qui lui a été délégué par le Congrès dans diverses lois, notamment la Trade Expansion Act of 1962, à l’article 232 (pour des motifs liés à la sécurité nationale) et l’International Emergency Economic Powers Act de 1977 (pour des motifs liés aux urgences et menaces nationales). Il est peu probable qu’un Congrès contrôlé par les Républicains récupère ce pouvoir, laissant la capacité du Président à imposer des tarifs douaniers largement illimitée.
2. Renégociation de l’ACEUM
La renégociation de l’Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM) est également imminente. Officiellement, l’ACEUM doit être revu en 2026, mais on s’attend à ce que la nouvelle administration insiste pour le renégocier – peut-être avant 2026 – et à ce qu’elle menace de s’en retirer, afin d’aborder divers sujets de préoccupation, dont certains ont également été soulevés par l’administration Biden. Il s’agit notamment de la réforme des règles d’origine dans le secteur automobile afin de décourager l’utilisation de pièces et de composants chinois dans la production nord-américaine, ainsi que l’assemblage de véhicules de marque chinoise au Mexique. Sont également concernés certains aspects des secteurs agroalimentaires canadiens soumis à la gestion de l’offre, en particulier les produits laitiers, pour lesquels les contestations des États-Unis dans le cadre du règlement des différends ont été largement infructueuses, ainsi que l’abrogation de la taxe canadienne sur les services numériques, que les États-Unis considèrent comme discriminatoire à l’égard de leurs fournisseurs de services de diffusion numérique en continu et d’autres services.
Le Canada a été en mesure de protéger la plupart de ses intérêts commerciaux clés de manière assez efficace lors des négociations avec la première administration Trump, qui ont abouti à l’ACEUM, qui faisait suite à l’ALENA. Sa position sera plus périlleuse et encore plus défensive dans le cadre d’une renégociation, car la nouvelle administration sera mieux préparée que ne l’était la première administration Trump à poursuivre ses objectifs mercantilistes sous l’enseigne « L’Amérique d’abord » (America First), et moins contrainte par des considérations nationales et diplomatiques pour ce faire.
3. Répercussions économiques sur le Canada
En premier lieu, l’incertitude économique liée au passage de quatre décennies de commerce fondé sur des règles à des politiques commerciales chaotiques et unilatérales émanant des États-Unis mettra à l’épreuve les chaînes d’approvisionnement et la planification des investissements des entreprises.
Ensuite, les industries canadiennes qui dépendent fortement des exportations vers les États-Unis – et c’est le cas de la plupart d’entre elles – seront presque certainement confrontées à une augmentation des coûts et à une perte potentielle de parts de marché, car leurs produits pourraient devenir moins compétitifs par rapport aux produits manufacturés américains. Il s’agit toutefois d’une hypothèse et il est peu probable qu’elle soit universelle, compte tenu de la complexité des chaînes d’approvisionnement mondiales et de ce qui sera probablement des exemptions de tarifs douaniers, des effets des taux de change et d’autres facteurs touchant les décisions en matière d’approvisionnement et les prix. Au-delà des répercussions économiques directes, cette situation pourrait rendre les entreprises canadiennes affaiblies plus attrayantes en vue d’une acquisition ou les inciter à investir aux États-Unis pour se prémunir contre l’augmentation des coûts d’exploitation et la réduction de l’accès aux marchés transfrontaliers.
Enfin, les efforts du Canada pour mieux s’aligner sur la politique commerciale des États-Unis à l’égard de la Chine (comme nous l’avons déjà vu avec les surtaxes sur les véhicules électriques chinois et les produits en acier et en aluminium) peuvent atténuer certains des risques de politique commerciale au sud de la frontière, mais au prix de représailles commerciales de la part de la Chine. Nous l’avons déjà vu avec l’enquête sur le dumping menée par la Chine sur les exportations de canola canadien – un marché d’exportation de 6 milliards de dollars pour les agriculteurs et les négociants agricoles canadiens – en réponse aux surtaxes imposées par le Canada sur les véhicules électriques chinois et les produits en acier et en aluminium, qui faisaient suite à des tarifs douaniers américains similaires.
4. Réactions possibles du Canada
Si la nouvelle administration impose des tarifs douaniers sur les importations en provenance du Canada, le Canada sera contraint de riposter en nature contre les importations américaines, comme il l’a fait en réponse aux tarifs douaniers imposés en application de l’article 232 par la première administration Trump sur l’acier et l’aluminium canadiens. Les représentants et les entreprises du Canada auront besoin de s’engager de manière soutenue auprès de leurs homologues américains, en particulier dans les régions des États-Unis qui seront économiquement sensibles aux représailles commerciales du Canada ou qui dépendent des intrants canadiens. Il s’agit notamment des entreprises des États de la région des Grands Lacs, de celles de la Californie et de celles qui dépendent des importations d’énergie en provenance du Canada.
Le Canada peut éventuellement améliorer ses relations commerciales et renforcer ses liens économiques avec d’autres partenaires commerciaux qui seront dans la même situation que les États-Unis, tels que l’UE, le Japon et la Corée du Sud. Dans le passé, les efforts du Canada pour diversifier ses échanges et réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis ont généralement échoué et ont souffert d’un manque d’ambition et d’engagement soutenus. Toutefois, l’effondrement des idées reçues sur la fiabilité des États-Unis en tant que partenaire commercial pourrait donner un nouvel élan à l’élargissement de l’accès du Canada à d’autres marchés, un élan qui aurait plus de chances de surmonter l’attraction gravitationnelle du voisin le plus proche et le plus riche du Canada.
Il est également probable que des pressions politiques s’exercent au Canada pour que des mesures de soutien soient prises au profit des travailleurs et des entreprises touchés par les tarifs douaniers américains ou par une guerre commerciale générale. Dans la mesure où ce soutien prend la forme de subventions, il risque d’être contesté par les partenaires commerciaux du Canada, y compris les États-Unis eux-mêmes.
Conclusion
Le Canada ne sera pas le seul pays à subir les conséquences d’un changement de la politique commerciale des États-Unis. Toutefois, ses liens économiques particulièrement étroits avec les États-Unis et sa dépendance à l’égard des exportations le rendent particulièrement vulnérable. Cette vulnérabilité est exacerbée par le solde traditionnellement négatif des investissements étrangers nets et par l’écart croissant entre les investissements directs du Canada vers les États-Unis et ceux des États-Unis vers le Canada. Face à ce défi, les entreprises canadiennes devraient s’inspirer de leur expérience lors du premier mandat de Trump à la présidence et se préparer à naviguer à travers des eaux encore plus orageuses au cours des prochaines années.