Vers la légalisation du cannabis : les points forts du projet de loi sur le cannabis

2 Mai 2017 10 MIN DE LECTURE

Dans ce bulletin d'Actualités

  • Le government du Canada a récemment déposé un projet de loi (la « Loi sur le cannabis »), qui vise à encadrer rigoureusement la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis partout au Canada.
  • Les détenteurs actuels de licence relative à la marijuana thérapeutique détiendront automatiquement une licence en vertu de la Loi en ce qui concerne ces activités.
  • La Loi sur le cannabis élargit la responsabilité potentielle des dirigeants et des administrateurs d’entreprise.
  • Jusqu'à ce que la Loi sur le cannabis entre en vigueur, la production, la distribution et la vente de cannabis (en dehors du régime réglementaire en vigueur relativement à la marijuana thérapeutique) demeurent illicites. 

Le 13 avril 2017, le gouvernement du Canada a déposé le projet de loi C-45, la Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois (la « Loi sur le cannabis » ou la « Loi »). Conformément à la promesse électorale du Parti libéral du Canada de 2015, le gouvernement du Canada estime que la Loi « vise à encadrer rigoureusement la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis partout au Canada » [1].

La Loi fait suite au rapport « Un cadre pour la légalisation et la réglementation du cannabis au Canada » (le « rapport ») du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis paru en novembre 2016 [2]. La Loi prend en compte de nombreuses recommandations formulées dans le rapport. Les objectifs de la Loi s’alignent sur ceux énoncés dans le rapport : restreindre l’accès des jeunes au cannabis, protéger la santé et la sécurité publiques par l’établissement d’exigences strictes concernant la sécurité et la qualité des produits, décourager les activités criminelles par l’imposition d’importantes sanctions pénales aux personnes agissant en dehors du cadre juridique et alléger le fardeau du système de justice pénale relativement au cannabis [3].

Le projet de loi C-45 n’ayant pas encore reçu l’approbation parlementaire et la sanction royale, la production, la distribution et la vente de cannabis (en dehors du régime réglementaire en vigueur relativement à la marijuana thérapeutique) demeurent illicites. Le gouvernement fédéral a indiqué qu’il entend offrir un accès réglementé et restreint au cannabis « au plus tard en juillet 2018 » [4]. Nous avons énoncé ci-dessous un résumé des points forts de la Loi.

1. Régime de licence

La Loi établira un régime de licence pour l’importation, l’exportation, la production, l’essai, l’emballage, l’étiquetage, l’expédition, la livraison, le transport, la vente, la possession et la disposition de cannabis [5]. Les individus et les sociétés pourront présenter une demande de licences à ces fins dès l’entrée en vigueur de la Loi.

Les détenteurs actuels de licence relative à la marijuana thérapeutique au titre du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales (RACFM) adopté en application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances détiendront automatiquement une licence en vertu de la Loi en ce qui concerne ces activités. En d’autres mots, il semble que si la Loi est adoptée, les détenteurs de licence au titre du RACFM pourront mener les activités autorisées aux termes de leur licence à l’égard du cannabis thérapeutique et du cannabis non thérapeutique (c.-à-d. à usage récréatif).

En date du 31 mars 2017, Santé Canada avait reçu 1 630 demandes de licence au titre du RACFM. Le processus d’examen de Santé Canada est rigoureux : parmi ces 1 630 demandes, 265 ont été refusées, 414 sont en cours traitement, 69 ont été retirées, 841 étaient incomplètes et ont été retournées [6] et 43 ont été accordées [7]. La capacité d’examen de Santé Canada quant aux demandes présentées au titre du RACFM est limitée malgré le fait que Santé Canada puisse embaucher plus de personnel pour s’occuper de ces examens. Le processus complet de présentation d’une demande peut durer plus d’un (1) an [8]. Ainsi, les détenteurs actuels de licence au titre du RACFM et ceux dont les demandes sont en cours de traitement auprès de Santé Canada pourraient avoir un avantage notable en matière de délais quant à l’obtention d’une licence en vertu de la Loi.

La Loi prévoit également que les licences et permis autorisant l’importation ou l’exportation de cannabis ne seront délivrés qu’à des fins médicales ou scientifiques ou relativement au chanvre industriel [9]. Le cannabis à usage récréatif semble donc être une proposition qui a [traduction] « germé au Canada ».

2. Infractions criminelles, sanctions administratives et pouvoirs de saisie

Si elle est adoptée, la Loi :

  • décriminalisera la possession de moins de 30 grammes de cannabis (ou l’équivalent);

  • interdira aux jeunes âgés de 12 à 18 ans d’être en possession ou de distribuer plus de 5 grammes de cannabis (ou l’équivalent);

  • interdira la vente ou la distribution illégale de cannabis (y compris sa vente ou sa distribution à des jeunes de moins de 18 ans);

  • interdira la possession, la production, l’importation et l’exportation illégale de cannabis;

  • prévoira de vastes pouvoirs d’inspection et de saisie, y compris le pouvoir d’accès à tout endroit où il existe des motifs raisonnables de croire qu’une activité qui pourrait être régie sous le régime de la Loi y est exercée [10], et le pouvoir de saisir et retenir le cannabis ou toute autre chose à l’égard desquels il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils sont liés à une contravention à la Loi [11];

  • établira des sanctions administratives pécuniaires (pouvant atteindre1 000 000 $) et un système de suivi du cannabis à l’échelle nationale.

Le 13 avril 2017, le gouvernement fédéral a également déposé le projet de loi C-46, la Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Le projet de loi C-46 modifie les dispositions du Code criminel visant les infractions et les procédures liées à la conduite avec capacités affaiblies par la drogue.

3. Responsabilités des dirigeants et des administrateurs

La Loi élargit la responsabilité potentielle des dirigeants et des administrateurs d’entreprise. En cas de commission d’une infraction prévue à l’article 44 de la Loi par toute personne autre qu’un individu (c.-à-d. une société) [12], ses dirigeants, administrateurs ou mandataires qui l’ont ordonnée ou autorisée, ou qui y ont consenti ou participé, pourront être tenus responsables de l’infraction, que la personne ait été ou non poursuivie [13]. La Loi précise que les principes de common law offrant une justification ou une excuse relativement à une violation à la Loi s’appliqueront pour autant qu’ils soient compatibles avec la Loi. Toutefois, la Loi prévoit expressément que l’intéressé ne pourra pas invoquer en défense le fait d’avoir pris les précautions voulues pour empêcher la violation [14].

4. Pouvoir discrétionnaire des provinces

Bien que le droit criminel relève de la compétence exclusive du gouvernement fédéral conformément à la séparation des pouvoirs établie dans la Loi constitutionnelle, d’autres domaines, tels les droits de propriété et les droits civils, relèvent de la compétence des provinces.

Conséquemment, la Loi confère aux provinces un pouvoir discrétionnaire considérable. Les provinces accorderont les licences et superviseront la distribution et la vente du cannabis, sous réserve de conditions minimales énoncées par le législateur fédéral. Par exemple, les provinces seront responsables de déterminer l’âge minimal pour l’achat et la possession de cannabis (sous réserve de l’âge minimal de 18 ans établi dans la Loi) et la façon dont le cannabis sera vendu dans les provinces (p. ex. par la poste ou dans des magasins traditionnels).

5. Emballage, étiquetage et promotion

La Loi envisage un éventail de restrictions quant à la promotion, l’emballage, l’étiquetage et l’affichage du cannabis, conformément à des règlements qui seront adoptés en application des dispositions pertinentes de la Loi. La promotion ayant un objectif informatif (c.-à-d. des renseignements documentés au sujet du cannabis ou de ses caractéristiques) est permise dans certaines circonstances (p. ex. uniquement dans des endroits où l’accès est interdit aux moins de 18 ans par la loi). Dans les établissements accueillant des événements sportifs ou culturels, il sera interdit d’afficher, comme faisant partie intégrante de leur nom ou autre, un élément de marque de cannabis ou le nom d’une personne qui produit, vend ou distribue du cannabis [15]. Sous réserve d’exemptions réglementaires, il sera interdit de faire la promotion du cannabis d’une manière vraisemblablement attrayante pour les personnes âgées de moins de 18 ans [16].

6. Tarification et taxes

La Loi ne fournit aucune indication particulière sur les prix ou les taxes applicables au cannabis. Le rapport avait recommandé que la tarification et les taxes liées au cannabis établissent « un équilibre entre la protection de la santé et le but de réduire le marché illicite » [17].

Jusqu’à ce que les règlements d’application de la Loi soient rédigés et déposés, des aspects importants concernant le cannabis à usage récréatif ou [traduction] « licite » demeureront inconnus. Nous suivrons de près le cheminement de la Loi dans les processus de révision et d’approbation législatives.


[1]       Santé Canada, « Le projet de loi offrira un accès réglementé et restreint au cannabis et combattra la conduite avec facultés affaiblies » (13 avril 2017), en ligne : Gouvernement du Canada.

[2]       Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, « Un cadre pour la légalisation et la réglementation du cannabis au Canada » (30 novembre 2016), en ligne : Gouvernement du Canada.

[3]       Loi sur le cannabis, art. 7.

[4]       Supra, note 1.

[5]       Loi sur le cannabis, art. 62.

[6]       Santé Canada, « Processus de demande pour devenir un producteur autorisé ».

[7]       Santé Canada, « Producteurs de cannabis à des fins médicales autorisés approuvés ».

[8]       Supra, note 6.

[9]       Loi sur le cannabis, par. 62(2).

[10]     Loi sur le cannabis, al. 86(1)a).

[11]     Loi sur le cannabis, al. 87(2)j).

[12]     Aux termes de l’article 44 de la Loi, commet une infraction punissable par mise en accusation quiconque contrevient à une disposition de la Loi pour laquelle aucune peine n’est spécifiquement prévue, à une disposition d’un règlement ou à un arrêté pris en vertu de l’un des articles 73 à 76 (fourniture de renseignements au ministre, essais et études, mesures ordonnées par le ministre et rappels), à un arrêté modifié au titre de l’article 79 (demande de révision d’un arrêté pris en vertu des articles 73 à 76) ou à un arrêté pris en vertu de l’article 82 (arrêté du ministre exigeant des renseignements quant au système de suivi du cannabis).

[13]     Loi sur le cannabis, art. 46.

[14]     Loi sur le cannabis, art. 119.

[15]     Loi sur le cannabis, art. 22.

[16]     Loi sur le cannabis, al. 17(1)b).

[17]     Supra note 2 à la p. 32.