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L’OCDE propose des changements importants qui auront une incidence sur les multinationales

Auteur(s) : Patrick Marley, Taylor Cao, Kaitlin Gray

Le 9 octobre 2019

Dans ce bulletin d’actualités

  • Plus tôt en 2019, l’OCDE a publié son Programme de travail [PDF] visant à élaborer une solution fondée sur un consensus pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie (le « Programme de travail »).
  • Ce Programme de travail comprenait deux mesures principales : le pilier 1 qui attribuait des droits d’imposition supplémentaires aux juridictions du marché et le pilier 2 qui introduisait un impôt minimum mondial afin de prévenir le transfert de bénéfices aux juridictions à faible taux d’imposition.
  • Le 9 octobre 2019, le secrétariat de l’OCDE a publié une proposition à l’égard d’une « approche unifiée » au titre du pilier 1 (le « Document de consultation »).
  • Détails du pilier 1 et du pilier 2 et prochaines étapes de mise en œuvre.

Contexte

Plus tôt cette année, l’OCDE a publié son Programme de travail [PDF] visant à élaborer une solution fondée sur un consensus pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie (le « Programme de travail »). Ce Programme de travail visait à atteindre un consensus mondial à l’égard des révisions du système de fiscalité international dans le but d’empêcher des pays d’imposer des mesures unilatérales pour taxer les revenus des multinationales (plus particulièrement celles qui exploitent des entreprises à forte composante numérique).

Le Programme de travail de l’OCDE comprenait deux mesures principales : le pilier 1 qui attribuerait des droits d’imposition supplémentaires aux juridictions du marché (par la révision du lien de l’« établissement stable » aux fins d’établir les droits d’imposition du pays source et la révision de la norme relative à la « pleine concurrence » à l’égard de la répartition des bénéfices) et le pilier 2 qui introduirait un impôt minimum mondial afin de prévenir le transfert de bénéfices aux juridictions à faible taux d’imposition. Le Canada et d’autres pays du G20 ont appuyé ce Programme de travail. Ils ont indiqué qu’ils « allaient redoubler d’efforts pour trouver une solution de consensus et présenter un rapport final d’ici 2020 ». Veuillez consulter notre bulletin d’actualités précédent à l’égard du Programme de travail (« Incidence sur le Canada de l’évolution de la fiscalité internationale »).

Le Programme de travail à l’égard du pilier 1 était initialement axé sur les entreprises à forte composante numérique et explorait trois propositions distinctes se fondant sur la « participation de l’utilisateur », les « biens incorporels de commercialisation » et la « présence économique significative ». Après consultations, il semblerait toutefois qu’il était peu probable de parvenir à un consensus aux termes des trois propositions (plus particulièrement en raison du fait qu’elles semblaient avoir une incidence disproportionnée sur les multinationales exploitant des entreprises à forte composante numérique établies aux États-Unis).

Le 9 octobre 2019, le secrétariat de l’OCDE a publié une proposition à l’égard d’une « approche unifiée » au titre du pilier 1 [PDF] (le « Document de consultation »). La date limite pour que les intervenants soumettent leurs observations est le 12 novembre 2019. L’OCDE espère parvenir à un consensus mondial avec cette nouvelle approche unifiée d’imposition des grosses multinationales en relation étroite avec les consommateurs (y compris les entreprises à forte composante numérique et les entreprises traditionnelles). Si elle est adoptée mondialement, la proposition marquera une rupture considérable par rapport à la façon dont le revenu est actuellement réparti entre les juridictions. La proposition répartira une partie des bénéfices d’une multinationale aux juridictions du marché en se fondant sur des formules – sans égard à la question de savoir si la multinationale a une présence physique ou un « établissement stable » dans la juridiction et sans égard à la question de savoir si les bénéfices répartis dépassent un rendement « sans lien de dépendance » en tenant compte des fonctions, des actifs et des risques dans la juridiction. Bien que l’OCDE vise à garder cette nouvelle approche aussi simple que possible et qu’elle comporte des mécanismes de règlement des différends, elle mènera sans aucun doute à une complexité accrue. Un grand nombre de détails restent par ailleurs à préciser. L’OCDE propose également de publier plus de détails en novembre à l’égard d’un impôt minimum mondial dans le cadre des règles de sa proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition (GLoBE) aux termes du pilier 2. 

Propositions du pilier 1 – approche unifiée

Les propositions du pilier 1 sont destinées à répondre à un certain nombre de mesures fiscales unilatérales adoptées par divers pays visant les sociétés multinationales non résidentes (plus particulièrement celles qui exploitent des entreprises à forte composante numérique – dont beaucoup sont établies aux États-Unis). Par exemple, plus tôt cette année, la France a approuvé une taxe de 3 % sur le revenu généré par les sociétés exerçant certaines activités numériques, si ces sociétés fournissaient des services numériques imposables à l’échelle mondiale d’une valeur de 750 M€ et des services numériques imposables en France d’une valeur de 25 M€. Le Parti libéral du Canada a récemment annoncé qu’il « reproduira le projet de taxe sur les services numériques annoncé par le gouvernement français » s’il est réélu en introduisant une nouvelle taxe sur la valeur ajoutée de 3 % sur le revenu des entreprises offrant des services de ciblage publicitaire et des services d’intermédiation numériques, si les revenus mondiaux de l’entreprise excédent 1 G$ CA et les revenus générés au Canada excèdent 40 M$ CA. Le Parti conservateur (le principal rival du Parti libéral lors des élections fédérales du Canada qui se tiendront le 21 octobre) a également déclaré que de telles multinationales devraient « payer leur juste part » d’impôt au Canada, bien qu’il n’ait pas proposé de mesures fiscales particulières à cet égard. L’introduction des propositions du pilier 1 a en partie pour objectif de dégager un consensus mondial qui éviterait que les pays aient à adopter des régimes fiscaux unilatéraux ciblant les bénéfices des multinationales.

Un document de consultation publique antérieur sur le Programme de travail (publié le 13 février 2019) explorait trois propositions distinctes aux termes du pilier 1, qui voulaient toutes trois la répartition des droits d’imposition en faveur des utilisateurs et des juridictions du marché :

  • La proposition relative à la « participation des utilisateurs » qui viserait les plateformes de médias sociaux, les moteurs de recherche et les marchés en ligne en étant axée sur la valeur créée par de telles entreprises à forte composante numérique par le développement d’une base d’utilisateurs actifs et engagés.
  • La proposition relative aux « biens incorporels de commercialisation » qui aurait un champ d’application plus vaste que le modèle de participation des utilisateurs en ciblant toutes les industries et pas seulement les modèles commerciaux à forte composante numérique et qui attribuerait des biens incorporels de commercialisation aux juridictions du marché, ainsi qu’une part proportionnelle de bénéfices non standards.
  • La proposition relative à une « présence économique significative » qui établit en fait une présence imposable ou un établissement stable virtuel où les revenus sont générés dans une juridiction sur une base durable, combinée à d’autres facteurs laissant entendre une présence économique significative comme une importante base d’utilisateurs et une facturation et un recouvrement en monnaie locale, entre autres. Contrairement aux propositions relatives à la participation des utilisateurs et aux biens incorporels de commercialisation, la proposition relative à une présence économique significative vise tous les bénéfices réalisés par un groupe multinational et n’est pas restreinte par la réaffectation de bénéfices non standards.

Pour plus de renseignements sur les propositions décrites ci-dessus, veuillez consulter notre dernier bulletin d’actualités Osler sur cette question et les observations que nous avons présentées le 7 mars 2019 à l’OCDE (Présentation à l’OCDE par Osler en réponse au document de consultation publique Relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie).

En publiant l’« approche unifiée », l’OCDE semble reconnaître qu’aucune des trois propositions antérieures ne serait susceptible de dégager un consensus. Pour encourager un consensus, l’« approche unifiée » intègre des aspects de chacune des trois propositions antérieures en introduisant une approche unifiée relative au champ d’application, au lien et à la répartition des bénéfices. Chaque facette de l’approche unifiée est décrite ci-dessous bien que de nombreux détails restent à préciser, notamment en ce qui concerne l’administration, l’application, le règlement des différends et l’élimination de la double imposition. (Veuillez consulter les pages 19 et 20 du Document de consultation pour prendre connaissance de la liste exhaustive de questions qui y est comprise.)

Champ d’application – l’« approche unifiée » appliquerait les propositions du pilier 1 aux grosses entreprises en relation étroite avec les consommateurs, largement définies dans le Document de consultation comme étant « les entreprises qui génèrent des revenus en fournissant des produits de consommation ou en fournissant des services numériques qui comportent un élément de relation étroite avec les consommateurs », à condition qu’elles dépassent un certain seuil de bénéfices mondiaux. Il pourrait y avoir des exclusions à l’égard de certains secteurs (comme les industries extractives, le secteur des matières premières et possiblement les services financiers). Afin de plus amplement clarifier la portée du pilier 1, le Document de consultation sollicite des observations sur les questions suivantes :

  • Comment établir quelles sont les entreprises en relation étroite avec les consommateurs? Quels types de modèles d’affaires devraient être inclus (p. ex., les ventes aux intermédiaires devraient-elles être prises en compte)? Comment définir un groupe d’entreprises multinationales?
  • Quelles exclusions devraient être formulées? L’approche unifiée suppose que les industries extractives seront couvertes par les exclusions et soulève également la possibilité d’une exclusion des services financiers.
  • Comment définir le champ d’application d’une entreprise multinationale? Quel est le seuil approprié à l’égard de la taille pour établir si l’entreprise est assujettie aux propositions du pilier 1 (p. ex., le seuil de bénéfices de 750 M€ à l’égard des exigences de déclaration pour chaque pays)?

Nouvelle règle relative au lien à l’égard des contribuables du champ d’application – l’« approche unifiée » introduit une nouvelle règle relative au lien à l’égard des entreprises de son champ d’application qui ne dépendent pas d’une présence physique dans la juridiction du marché et des utilisateurs. Le lien sera plutôt établi en fonction d’un seuil de revenu (pouvant varier en fonction de la taille du marché) qui est considéré comme indiquant une participation soutenue et importante dans la juridiction de l’utilisateur ou du marché. Le seuil de revenu peut être combiné à un seuil temporel et d’autres activités (comme la publicité en ligne visant une juridiction particulière) peuvent également être pertinentes. Cette nouvelle règle du lien serait introduite au moyen d’une règle autonome – reposant sur la règle existante de l’établissement stable – afin de minimiser les retombées. Le Document de consultation sollicite des observations sur les questions relatives au lien qui suivent :

  • Comment les seuils du chiffre d’affaires propres à un pays devraient-ils être définis et appliqués?
  • Comment un seuil du chiffre d’affaires devrait-il être calibré pour assurer que les juridictions dont les économies sont plus petites puissent également bénéficier des propositions du pilier 1?

Nouvelle règle révisée de répartition des bénéfices à l’égard des contribuables du champ d’application – l’« approche unifiée » crée une nouvelle règle de répartition des bénéfices à l’égard des entreprises de son champ d’application outrepassant le principe de pleine concurrence. La proposition commence par l’établissement des bénéfices d’un groupe de multinationales pouvant se fonder sur des états financiers consolidés et être séparés en fonction d’un secteur d’activité, d’une région ou d’un marché. Un rendement approprié à l’égard d’activités routinières (pouvant se fonder sur des pourcentages fixes) est exclu de l’ensemble des bénéfices et le reste est présumé être des bénéfices non standards, dont une partie sera répartie parmi différentes juridictions du marché admissibles en fonction de variables comme le chiffre d’affaires.

Aux termes de l’« approche unifiée », une juridiction du marché peut avoir le droit d’imposer les trois types de montants qui suivent :

  • Montant A : la partie du bénéfice résiduel présumé (c.-à-d., l’ensemble des bénéfices d’un groupe moins un rendement à l’égard d’activités routinières) qui est allouée à une juridiction du marché.
  • Montant B : un rendement fixe (pouvant varier selon l’industrie ou la région) à l’égard de certaines activités routinières de commercialisation et de distribution exercées dans la juridiction du marché.
  • Montant C : un bénéfice attribuable aux activités dans une juridiction du marché qui vont au-delà des activités routinières de commercialisation et de distribution, calculé en fonction du principe de pleine concurrence, qui ne doit pas reproduire le montant A ci-dessus.

Les questions en suspens concernant la répartition des bénéfices comprennent celles qui suivent, dont certaines sont comprises dans les questions du Document de consultation :

  • Comment calculer le bénéfice d’un groupe de multinationales? Si le bénéfice est calculé en fonction d’états financiers consolidés, quels ajustements standards devraient y être apportés? Comment partager le bénéfice entre les secteurs d’activité? La rentabilité régionale doit-elle être prise en compte?
  • Quelle partie du bénéfice résiduel présumé doit être allouée aux juridictions du marché? Comment établir un tel pourcentage?
  • Quelle est la meilleure approche pour éliminer la double imposition, plus particulièrement en ce qui concerne l’interaction entre le montant A et le montant C?
  • Quelles activités répondent à la définition de rendement fixe et comment établir le montant du rendement fixe? Le montant du rendement fixe doit-il varier en fonction d’un secteur ou d’une région?
  • Quelle est la meilleure façon d’assurer l’application et le respect de la perception d’un impôt sans présence physique? L’utilisation potentielle des retenues à la source à l’égard des pays est examinée afin de percevoir l’impôt sur le revenu alloué en fonction du montant A. 

Règlement des différends — bien que l’OCDE semble déterminée à ce que l’« approche unifiée » n’entraîne pas une double imposition, certaines questions demeurent en suspens (y compris celles que nous avons énumérées dans nos observations du 7 mars 2019), ce qui souligne l’importance de procédures efficaces de règlement des différends. Ces questions comprennent celles qui suivent :

  • Les différences de périodes d’imposition et de monnaies fonctionnelles entre les membres du groupe de multinationales (y compris à l’échelle de plusieurs juridictions et en ce qui concerne les investisseurs minoritaires).
  • La façon dont les pertes sont appliquées (l’« approche unifiée » énonce simplement que les nouvelles règles s’appliqueront aux bénéfices et aux pertes et que l’OCDE examine un mécanisme de récupération ou de « compensation » des pertes aux termes du montant A, sans préciser le moment applicable ou la façon dont les bénéfices et les pertes seront reconnus à l’échelle des différentes entités et juridictions – plus particulièrement à l’égard de pays comme le Canada dont le régime fiscal n’est pas consolidé).
  • La façon dont les revenus et les dépenses sont calculés et répartis à l’échelle des juridictions (notamment en ce qui concerne le moment et le montant).

La prolifération des différends existants concernant les prix de transfert pourrait augmenter de façon exponentielle si les détails concernant l’approche unifiée ne sont pas suffisamment clairs et n’ont pas été acceptés par toutes les juridictions concernées. Bien que l’OCDE ait utilement reconnu l’importance de robustes procédures de règlement des différends – leur efficacité devra être examinée lorsque d’autres détails seront donnés.

Propositions du pilier 2

Tandis que le pilier 1 a pour objectif de réattribuer des droits d’imposition supplémentaires aux juridictions du marché, le pilier 2 a pour objectif d’augmenter le montant de l’impôt perçu mondialement – compensant partiellement la perte de recettes fiscales réparties dans d’autres juridictions. Les propositions aux termes du pilier 2 tentent de remédier aux questions de BEPS non résolues au moyen de l’élaboration d’une règle du revenu soumis à une inclusion (pour les pays de résidence) et d’une règle de prévention de l’érosion de la base d’imposition (pour les pays sources) pour assurer que toutes les entreprises multinationales – sans égard à la question de savoir si elles exercent leurs activités dans l’économie numérique – payent un niveau minimal d’impôt. Si elles sont mises en œuvre, les deux propositions entraîneront des changements importants à l’égard des règles fiscales internationales existantes de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR).

La règle du revenu soumis à une inclusion imposerait un impôt courant sur le revenu d’une entité étrangère contrôlée (ou d’une succursale étrangère) si ce revenu était autrement assujetti à un taux d’imposition effectif en deçà d’un certain taux minimum. Une telle règle exigerait des changements importants aux règles existantes de la LIR concernant une « société étrangère affiliée ». En vertu des règles courantes, le revenu gagné par une « société étrangère affiliée contrôlée » d’un contribuable canadien d’une activité commerciale exercée activement dans une juridiction assujettie à une convention est généralement exonéré de l’impôt canadien pour les actionnaires sans égard au taux d’imposition applicable dans le pays local. Les bénéfices prévus en vertu des conventions fiscales à l’égard des bénéfices attribuables pour exonérer les succursales étrangères ou dérivés d’actifs immobiliers étrangers exonérés pourraient également être assujettis à la règle de « substitution » qui remplacerait l’exonération par une méthode d’imputation dans le cas où le revenu pertinent était assujetti à un taux d’imposition effectif bas dans la juridiction étrangère.

La règle de prévention de l’érosion de la base d’imposition interdirait une déduction ou imposerait une retenue d’impôt possible sur les paiements ayant pour effet d’éroder la base d’imposition à moins que le paiement ne soit assujetti à un impôt à un taux égal ou supérieur à un taux minimum précisé dans la juridiction du bénéficiaire. Les propositions du pilier 2 comprennent en outre une règle « d’assujettissement à l’impôt » qui assure que les avantages prévus par les conventions (plus particulièrement en ce qui concerne les intérêts et les redevances) sont accordés uniquement dans des circonstances dans lesquelles un élément de revenu est imposé à un taux minimum dans la juridiction du bénéficiaire. Cette règle exigerait également un changement important des règles existantes puisque l’applicabilité de la retenue fiscale en vertu de la partie XIII de la LIR (et la disponibilité des exonérations en matière de retenues fiscales en vertu de la LIR et des conventions fiscales du Canada) dépend généralement de la nature du paiement et de la relation entre les parties plutôt que du taux auquel un paiement est imposé dans la juridiction du bénéficiaire. La disponibilité des déductions à l’égard des dépenses d’entreprise (y compris les intérêts) ne dépend pas actuellement du taux d’imposition étranger à l’égard du paiement concerné.

Séparément, le Parti libéral du Canada a récemment proposé [PDF] de limiter le montant des intérêts déductibles par les sociétés de leurs revenus à un maximum de 30 % de leurs bénéfices avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) ou ratio mondial du groupe entre les frais d’intérêt et les BAIIA, selon ce qui est le plus élevé, dans le cas des sociétés ayant des frais d’intérêt nets de plus de 250 000 $. Le Parti libéral du Canada a également proposé de limiter les montages hybrides. L’interaction entre les règles existantes du Canada (comme les règles de capitalisation restreinte qui limitent généralement une déduction lorsqu’un ratio d’endettement dans une proportion de 1,5 pour 1 est dépassé), ces propositions nationales et les propositions du pilier 2 devront être examinées avec attention.

Les plus importantes questions en suspens à l’égard des propositions du pilier 2 comprennent les éléments suivants qui devraient faire l’objet d’une consultation publique après la publication en novembre des autres détails concernant le pilier 2 :

  • Champ d’application — les propositions du pilier 2 s’appliqueront-elles à toutes les entreprises multinationales? Y aura-t-il des exclusions en fonction des seuils de l’industrie ou de revenus – potentiellement assorties au champ d’application du pilier 1?
  • Seuil — quel ensemble de règles devrait être utilisé pour calculer la base d’imposition et le taux d’imposition effectif pertinents l’égard du revenu? Le calcul du taux d’imposition effectif doit-il être effectué pour chaque pays ou par regroupement en mêlant le revenu gagné et les impôts versés dans toutes les juridictions étrangères?
  • Réduction de la double imposition — comment coordonner la règle du revenu soumis à une inclusion et la règle de prévention de l’érosion de la base d’imposition?

Prochaines étapes

L’approche unifiée sera examinée par les ministres des Finances des pays du G20, le 17 octobre, et l’OCDE a organisé des consultations publiques qui auront lieu les 21 et 22 novembre. En supposant qu’un consensus soit atteint au G20, un autre consensus sera recherché en janvier 2020 par les 130 pays et quelques qui sont membres du Cadre inclusif sur le BEPS de l’OCDE et du G20. L’OCDE compte ensuite mener à bien ses travaux techniques à l’égard de l’approche unifiée (et du pilier 2) au cours de 2020.

En pratique, les propositions de l’OCDE exigeront d’apporter des changements importants aux conventions fiscales et aux législations nationales. L’OCDE devrait tenter de mettre en œuvre les changements relatifs aux conventions fiscales au moyen de l’instrument multilatéral (IM) qui a été élaboré pour permettre de modifier un grand nombre de traités fiscaux de manière efficace. L’IM a été ratifié par le Canada et plus de 30 autres pays (mais n’a pas encore été signé par les États-Unis). Bien entendu, parce que l’approche unifiée vise à prévenir un grand nombre de mesures unilatérales qui ciblaient les multinationales américaines exploitant des entreprises à forte composante numérique – il sera important de confirmer le moment et la façon dont les propositions seront en définitive adoptées par les États-Unis. Plus particulièrement, l’OCDE insiste sur la nécessité d’une mise en œuvre simultanée pour veiller à créer un contexte équitable.

Selon l’OCDE, l’effet combiné des piliers 1 et 2 mènera à « une augmentation importante des recettes fiscales mondiales ». Par conséquent, les propositions devraient avoir une incidence défavorable à l’égard de bon nombre d’entreprises multinationales. Les multinationales (plus particulièrement celles qui exercent leurs activités dans des secteurs numériques et à forte intensité de biens incorporels) devraient examiner l’approche unifiée avec attention afin d’établir comment les propositions toucheront leurs entreprises, y compris la question de savoir si des exonérations ou des limites de taille sectorielles pourraient s’appliquer.

Nous continuons à évaluer les progrès concernant les propositions de l’OCDE et les autres développements fiscaux à l’échelle internationale pouvant intéresser les Canadiens. Pour plus de renseignements sur les questions à portée internationale ou d’autres questions fiscales, n’hésitez pas à communiquer avec un membre du groupe de droit fiscal d’Osler.