Dans l’affaire Charland c. Hydro-Québec, la demanderesse s’est-elle fabriqué une action collective?

12 Juin 2018 3 MIN DE LECTURE

Ce n’est pas tous les jours que la Cour supérieure rend une décision au mérite dans un dossier d’action collective. Or, non seulement c’est le cas dans l’affaire Charland c. Hydro-Québec, mais la Cour supérieure y va de reproches cinglants à l’égard de la partie demanderesse.

Le 29 mai dernier, le juge Steve J. Reimnitz a rejeté l’action collective, par laquelle la demanderesse réclamait de la défenderesse, Hydro-Québec, le remboursement de « frais d’administration » qu’elle qualifiait « d’intérêts », payés en sus du taux de 5 % prévu à la Loi sur l’intérêt « LSI ». Au soutien de ses prétentions, la demanderesse a présenté de nombreux arguments à la cour, mais sans succès.

Pour ce qui est de la nature des « frais d’administration », la Cour a tranché en faveur de la défenderesse en édictant que ces frais ne pouvaient être considérés comme des intérêts. Notamment, le législateur a adopté cette loi protégeant les consommateurs afin d’obliger le prêteur à révéler le taux annuel auquel l’emprunteur contracte. Nous ne sommes pas dans une situation d’emprunteur/prêteur et la demanderesse ne peut se retrouver dans cette situation puisque sa relation avec Hydro‑Québec est réglementée. Le juge a bien pris soin de préciser que l’interprétation suggérée par la demanderesse n’a rien à voir avec l’intention du législateur lors de l’adoption de la LSI. En effet, cette interprétation ne tient aucunement compte du contexte particulier qu’impose un contrat réglementé à caractère obligatoire applicable à la défenderesse. Pour cette seule raison, la Cour a rejeté l’action collective.

Le juge, en obiter, a également tranché tous les autres arguments soulevés par la demanderesse et y est allé de multiples critiques à son égard. Par exemple, alors que la demanderesse soulevait le défaut d’information de la part d’Hydro-Québec, vu la difficulté d’obtenir la réelle information sur le taux de « frais d’administration » payés, le juge a noté l’absence de préjudice et le non-respect de l’obligation de se renseigner. En particulier, les frais d’administration facturés par Hydro-Québec étaient inférieurs au taux autorisé par la Régie de l’énergie. Le juge a également reproché à la demanderesse d’être l’artisane de son propre malheur. En effet, la demanderesse a volontairement omis de payer ses factures afin de se faire facturer des frais d’administration, « de manière à causer artificiellement un préjudice qu’elle allègue avoir subi, et ce, dans le but de fabriquer le recours collectif soumis au tribunal ».  

Cette dernière remarque devrait inciter nos cours à scruter plus attentivement certaines actions collectives qui montrent, dès l’autorisation, un caractère artificiel et concocté.