La Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, connue sous le nom de projet de loi 96 (la Loi), qui modifiera la Charte de la langue française du Québec (la Charte), a été adoptée hier par l’Assemblée nationale. Depuis la présentation du projet de loi en mai 2021, notre page de ressources spécialisées a présenté un certain nombre d’articles et de webinaires qui analysent en détail les mesures contenues dans la Loi.
Ce bulletin d’actualités revient sur les principales modifications apportées à la Charte et met également en relief certaines des modifications apportées à la Loi lors de son étude par l’Assemblée nationale au cours des derniers mois et qui sont pertinentes pour les entreprises exerçant leurs activités au Québec. Nous tiendrons une séance en direct à notre bureau de Montréal le 20 juin pour discuter des incidences de l’adoption de la Loi, ainsi que des modifications récentes; cette séance sera également accessible en ligne. Vous pouvez vous inscrire à cette séance sur notre site Web.
Principales modifications apportées à la Charte
Comme nous l’avons indiqué dans nos publications précédentes, les principales modifications apportées à la Charte par la Loi sont les suivantes :
- L’exigence pour toutes les entreprises de communiquer de manière généralisée avec leurs employés québécois en français, et en particulier une nouvelle règle exigeant que toutes les entreprises ayant des employés québécois fournissent des documents de formation écrits en français.
- Des exigences plus strictes en ce qui concerne la publication des offres d’emploi en français obligeant les entreprises à publier la version française des offres d’emploi pour les postes au Québec d’une manière comparable à la publication de la version anglaise.
- De nouvelles limites quant à la capacité des entreprises d’exiger la connaissance d’une autre langue que le français pour des postes au Québec : les entreprises seront désormais tenues de procéder à une évaluation des besoins linguistiques réels associés aux fonctions du poste, d’examiner si les employés existants qui ont déjà une connaissance de l’autre langue pourraient exercer les fonctions qui exigent la connaissance de l’autre langue et, de façon générale, de concentrer les fonctions exigeant la connaissance d’une autre langue dans le plus petit nombre possible de postes.
- Une nouvelle obligation pour toutes les entreprises d’informer et de servir leurs clients québécois (consommateurs et non-consommateurs) en français.
- L’exigence, comme condition de validité, que tous les contrats d’adhésion (contrats non négociables) et les contrats de consommation soient systématiquement fournis en français aux contreparties au Québec.
- Des limites quant à l’utilisation des marques de commerce qui contiennent du texte dans une autre langue que le français dans la publicité commerciale en exigeant que ces marques soient enregistrées en vertu de la Loi sur les marques de commerce pour pouvoir être utilisées au Québec. Dans les faits, les entreprises n’auront plus la possibilité d’utiliser des marques de commerce de common law (c’est-à-dire non enregistrées) contenant du texte dans une autre langue que le français dans leur publicité commerciale au Québec.
- Modifier les normes d’affichage dans les locaux en exigeant que le texte français qui accompagne une marque de commerce contenant un texte dans une autre langue que le français soit « nettement prédominant » par rapport au texte non français. Cela exige essentiellement que la taille de l’affichage en français qui doit déjà accompagner toute marque non française sur les lieux soit augmentée à deux fois la taille de la marque non française.
- Faire passer de 50 à 25 employés au Québec le seuil à partir duquel les entreprises deviennent assujetties à l’obligation de se soumettre à un « programme de francisation » visant à généraliser l’usage du français dans leurs activités au Québec.
- Augmenter les pouvoirs d’exécution de l’organisme de réglementation chargé de l’application de la Charte, l’Office québécois de la langue française (OQLF), en lui accordant notamment des pouvoirs d’inspection plus étendus, de nouveaux pouvoirs d’ordonnance et la possibilité de demander l’aide des tribunaux directement pour l’application de la Charte.
- Instaurer un nouveau droit d’action privé pour tous les résidents du Québec afin de demander des mesures injonctives, des dommages-intérêts et des dommages-intérêts punitifs en cas de violation des dispositions de la Charte.
Modifications notables apportées à la Loi depuis sa présentation
Règles de rédaction des contrats exclusivement en français
L’une des modifications les plus préoccupantes de la Loi pour les entreprises a été la formulation initiale des nouvelles règles de rédaction des contrats exclusivement en français, tant pour les contrats de travail que pour les contrats en général. Dans sa première version, la Loi proposait que tous les contrats d’adhésion (c’est-à-dire les contrats qui ne sont pas négociables) et tous les contrats contenant des clauses types soient fournis à la contrepartie au Québec en français avant même que cette personne puisse consentir à la signature du contrat dans une autre langue. En outre, la Loi a fait du respect de cette exigence une condition de validité du contrat, de sorte que si le processus contractuel en français exclusivement n’était pas suivi, le cocontractant pourrait demander l’annulation du contrat, ou une réduction de ses obligations aux termes du contrat, pour ce seul motif.
Heureusement, le champ d’application de cette exigence a été réduit et elle ne s’appliquera plus qu’aux contrats d’adhésion et aux contrats de consommation; les contrats autres que de consommation qui sont négociables, mais contiennent des clauses types ne seront plus soumis à la nouvelle règle de rédaction des contrats exclusivement en français. De plus, les contrats utilisés « dans les relations avec l’extérieur du Québec » seront également exemptés, ce qui n’était pas le cas dans la version initiale de la Loi. Cela signifie que les entreprises qui n’ont pas d’établissement au Québec et qui sont donc des entités « extraprovinciales » pourront éviter l’application de la règle de la rédaction des contrats exclusivement en français, même pour les contrats d’adhésion (bien que cette règle s’applique toujours aux contrats de consommation).
Malgré ces changements apportés à la règle de rédaction exclusive en français, les entreprises qui concluent des contrats avec des contreparties québécoises demeurent obligées en principe de conclure des contrats en français dans tous les autres cas, à moins que les parties ne souhaitent expressément conclure un contrat dans une autre langue. La différence est que si les parties souhaitent conclure un contrat dans une autre langue, il n’y a pas d’obligation de rédiger et de fournir d’abord une version française de l’accord comme c’est le cas pour les contrats d’adhésion qui ne sont pas « extraprovinciaux » ou pour les contrats de consommation. De plus, les contrats qui ne sont pas soumis à la règle de rédaction exclusivement en français ne peuvent pas être contestés par la contrepartie au moyen du nouveau droit d’action privé au motif qu’elle aurait préféré conclure le contrat en français (bien qu’une amende puisse toujours être imposée par les tribunaux en vertu des dispositions pénales de la Charte si une plainte est déposée auprès de l’OQLF et que celui-ci décide d’engager des poursuites).
Enfin, l’application de la règle de rédaction exclusivement en français qui était initialement immédiate a été suspendue pendant un an pour permettre aux entreprises de s’adapter à cette nouvelle exigence.
Exigences supplémentaires pour les offres d’emploi
Outre les nouvelles exigences relatives à la façon dont la version française d’une offre d’emploi doit être annoncée et les nouvelles restrictions concernant l’exigence de la connaissance d’une autre langue que le français, la Loi a été modifiée pour préciser que lorsqu’une entreprise exige la connaissance d’autre langue que le français pour un poste, la justification de cette exigence doit être donnée dans l’offre d’emploi elle-même.
Nouvelles restrictions à l’utilisation des marques de commerce de common law contenant une autre langue que le français
En plus de limiter l’utilisation de marques de commerce non françaises dans la publicité commerciale aux marques déposées seulement (excluant ainsi les marques de commerce de common law), une modification a été introduite dans la Loi pour étendre cette limitation aux inscriptions sur les produits. Ainsi, les marques de commerce de common law qui contiennent du texte dans une autre langue que le français ne seront plus autorisées sur les produits. En outre, si une marque déposée figurant sur un produit contient un terme générique ou une description du produit dans une autre langue que le français, ce terme générique ou cette description doit également figurer en français sur le produit ou sur un support attaché de façon permanente au produit.
Conformément aux autres changements concernant l’utilisation de marques de commerce non françaises dans la publicité commerciale et dans l’affichage, ces modifications des normes d’inscription des produits n’entreront en vigueur que dans trois ans, afin de permettre aux entreprises de mettre en œuvre ces changements pour leurs produits, leur publicité et l’affichage dans leurs locaux.
« Bonne » connaissance de la langue française de la part des hauts dirigeants
Dans ce qui est manifestement une réponse aux récentes controverses concernant certaines entreprises montréalaises dirigées par des personnes ne parlant pas le français, la Loi a été modifiée pour que le critère voulant « que tous les hauts dirigeants aient une bonne connaissance de la langue française » soit pris en considération par l’OQLF pour déterminer s’il y a lieu de délivrer un certificat de francisation à une entreprise, qui sera requis pour toute entreprise ayant plus de 25 employés au Québec (contre 50 employés actuellement).