Les actions collectives en Colombie-Britannique : tournez-vous vers l’ouest, jeunes demandeurs

13 Déc 2021 9 MIN DE LECTURE

La Colombie-Britannique est depuis longtemps un forum favorable aux demandeurs pour les actions collectives au Canada. Contrairement à d’autres provinces, les demandeurs en Colombie-Britannique bénéficient, en ce qui a trait aux frais judiciaires, de règles favorables qui limitent leur exposition potentielle sur le plan des dépens dans le cas de décisions qui leur seraient défavorables au stade de la certification d’une action. La popularité de la Colombie-Britannique auprès des demandeurs potentiels en tant que province où déposer des demandes d’actions collectives a été renforcée cette année par l’adoption d’importantes modifications dans le cadre de la Loi de 1992 sur les recours collectifs de l’Ontario en septembre 2020. En vertu de ces modifications, les représentants proposés des demandeurs doivent maintenant faire face à un fardeau de la preuve plus lourd pour l’obtention de la certification d’une action collective en Ontario. Ce changement a entraîné une migration des nouvelles actions collectives nationales de l’Ontario vers la Colombie-Britannique et d’autres provinces. De plus, depuis 2018, la Colombie-Britannique permet la certification d’actions collectives nationales qui incluent des résidents extraprovinciaux avec une option de non-participation.

En 2021, deux décisions clés ont été rendues qui ont une incidence sur la pratique des actions collectives en Colombie-Britannique et qui n’ont pas été uniformément favorables aux demandeurs. D’une part, la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation d’interjeter appel d’une décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui confirmait la vaste portée de la compétence des tribunaux de la Colombie-Britannique pour les questions concernant les allégations de complot de fixation de prix et les défendeurs étrangers dans une action collective. D’autre part, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a statué qu’il ne fallait pas présumer que la certification constitue la première étape d’un projet d’action collective ; par conséquent, dans les bonnes circonstances, les défendeurs devraient pouvoir présenter des requêtes préalables sur le fond, comme des contestations de compétence ou des requêtes en radiation, avant même que la requête en certification ne soit entendue.

Ces deux décisions fournissent des lignes directrices importantes pour la pratique des actions collectives dans la province. Elles suggèrent également que, bien que les demandeurs puissent considérer la Colombie-Britannique comme une province qui est favorable aux demandeurs, les défendeurs continuent d’avoir des occasions significatives de faire rejeter ou restreindre les actions non fondées grâce à des requêtes sur le fond introduites avant la décision concernant la certification de l’action collective.

La vaste portée de la compétence de la Colombie-Britannique en ce qui concerne les défendeurs étrangers

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a pour la première fois exprimé sa volonté, dans certains cas, de statuer sur sa compétence à l’égard de défendeurs étrangers dans l’affaire British Columbia v. Imperial Tobacco Canada Ltd. Dans l’affaire Imperial Tobacco, la Cour d’appel a conclu, en se fondant sur les faits particuliers de cette affaire, qu’un défendeur étranger peut être appelé à rendre des comptes dans la province ou le territoire où le préjudice allégué a été subi, peu importe où la conduite fautive alléguée a eu lieu. La Cour d’appel a également conclu que les tribunaux de la Colombie-Britannique avaient compétence à l’égard des défendeurs étrangers qui ne fabriquaient pas de cigarettes vendues au Canada, mais qui étaient présumés avoir participé à un complot avec les autres défendeurs, y compris les fabricants nationaux, pour empêcher les Britanno-Colombiens de prendre connaissance des propriétés nocives et toxicomanogènes des cigarettes.

Par la suite, dans l’affaire Fairhurst v. De Beers Canada Inc., la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a étendu l’approche relative à la compétence établie dans l’affaire Imperial Tobacco à une allégation de complot de fixation des prix. Dans l’affaire Fairhurst, le demandeur a allégué un complot de fixation des prix par diverses entreprises du secteur des diamants de qualité gemme. Bien que les défendeurs dans l’affaire Fairhurst n’aient pas tous fait des affaires en Colombie-Britannique, les produits des défendeurs étrangers étaient tous entrés dans les circuits commerciaux de la Colombie-Britannique et, par conséquent, ces défendeurs étaient assujettis à la compétence des tribunaux de la Colombie-Britannique.

En 2020, dans l’affaire Ewert v. Höegh Autoliners AS, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a combiné les approches des affaires Imperial Tobacco et Fairhurst. La Cour a conclu qu’un défendeur étranger dont les produits ou services n’entrent pas dans les circuits commerciaux de la Colombie-Britannique peut néanmoins être assujetti à la compétence de la Colombie-Britannique sur la base d’allégations de complot fondées sur un préjudice économique indirect subi dans la province.

Dans l’affaire Ewert, les demandeurs ont allégué que Höegh Autoliners AS et d’autres fournisseurs de services de transport maritime par roulier avaient comploté à l’extérieur du Canada pour gonfler artificiellement les prix à l’intérieur du Canada. Le complot allégué aurait eu une incidence sur les Britanno-Colombiens en augmentant les prix des véhicules importés dans la province. Les défendeurs de Höegh ont demandé la suspension de l’action intentée contre eux au motif qu’ils n’étaient pas présents en Colombie-Britannique, qu’ils n’y exploitaient pas d’entreprise et que leurs services n’étaient jamais entrés dans les circuits commerciaux de la Colombie-Britannique.

En rejetant la requête en contestation de la compétence, la Cour d’appel a statué qu’un tribunal de la Colombie-Britannique peut se déclarer compétent à l’égard d’un défendeur étranger si les demandeurs allèguent que le défendeur étranger a participé à un complot de fixation des prix à l’étranger et que cela a entraîné une hausse des prix au Canada pour les biens ou services d’autres défendeurs. En d’autres termes, si le complot a entraîné une hausse des prix pour les consommateurs canadiens, toute personne ayant participé au complot pourrait être appelée à rendre des comptes dans la province, que les biens ou services du prétendu conspirateur étranger aient été fournis ou non en Colombie-Britannique. Le défendeur étranger peut réfuter la présomption de compétence en invoquant des preuves lui permettant de contester l’allégation selon laquelle il a participé au complot, ce qui pose évidemment le défi d’exiger du défendeur étranger qu’il réponde sur le fond à un stade de détermination de la compétence.

En avril 2021, la Cour suprême du Canada a rejeté une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision Ewert.

Une certification si nécessaire, mais pas nécessairement une certification

Depuis plus d’une décennie, les tribunaux de la Colombie-Britannique affirment que la certification est présumée être la première étape d’une action collective. Cela a créé des défis pour les défendeurs qui ont lutté pour que soient entendues, sur une base préliminaire, des requêtes comme des requêtes en radiation ou des requêtes en contestation de compétence qui pourraient restreindre ou entraîner le rejet d’une action intentée contre eux et ainsi leur éviter les coûts d’une requête en certification. Cela a également créé un défi sur le plan pratique, car la certification d’une action, même si cette dernière est non fondée, peut présenter un risque important pour les défendeurs en créant un effet de levier favorisant les demandeurs en ce qui a trait à tout règlement.

La situation a changé cette année. Dans l’affaire British Columbia v. The Jean Coutu Group (PJC) Inc., la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a statué que la certification n’est pas présumée être la première étape procédurale d’un projet d’action collective. La Cour a plutôt statué que chaque requête déposée doit être examinée dans le contexte de chaque affaire distincte :

[TRADUCTION] « Chaque requête préalable à la certification doit faire l’objet d’une décision sur le fond. Il y a lieu de se prononcer sur chaque demande en tenant compte du contexte dans lequel s’inscrit l’affaire particulière dont est saisi le tribunal. Le pouvoir discrétionnaire du tribunal doit être exercé de manière à faciliter et à atteindre l’efficacité judiciaire et à permettre la résolution rapide du litige… Je rejette la proposition qui veut qu’il existe une présomption selon laquelle la requête en certification devrait être la première question de procédure à être entendue. Les affaires pour lesquelles il a été statué en ce sens ont été, à mon avis, mal jugées et ces décisions ne devraient pas être adoptées. »

L’affaire Jean Coutu pourrait atténuer l’attrait de la Colombie-Britannique en tant que province favorable aux actions collectives. Bien que la Colombie-Britannique demeure une province « sans dépens », ce qui signifie que les représentants des demandeurs ne sont pas tenus de payer les frais de justice des défendeurs, cette protection n’est disponible qu’une fois que la requête en certification a été présentée. Par conséquent, si un défendeur peut faire rejeter une action non fondée avant qu’elle ne soit certifiée, le représentant proposé du demandeur peut se retrouver dans une position où il doit payer d’importants frais juridiques.

Quel est l’avenir des actions collectives en Colombie-Britannique?

À la suite des modifications apportées à la législation et à la pratique en matière d’actions collectives, particulièrement en Ontario, la Colombie-Britannique fait l’objet d’un regain d’attention en tant que province perçue comme étant favorable aux demandeurs pour les actions collectives. Pour plusieurs raisons, la province demeure un territoire de choix pour les demandeurs qui intentent une action collective. La législation de la Colombie-Britannique en matière d’actions collectives et la jurisprudence connexe sont favorables aux demandeurs, réduisent le risque pour les demandeurs qui entament une procédure et facilitent l’introduction d’actions collectives, y compris éventuellement contre des défendeurs étrangers.

En 2021, toutefois, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a signalé qu’elle était favorable à une approche visant à éliminer très tôt les actions non fondées. Il reste à voir si la Cour suprême de la Colombie-Britannique adoptera cette norme en 2022 et, le cas échéant, comment cela affectera le fait que la Colombie-Britannique est perçue comme une province favorable aux actions collectives.