Auteurs(trice)
Associée, Litiges, Vancouver
Associé, Droit des sociétés, Toronto
Associé, Droit des sociétés, Toronto
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Associé, Droit des sociétés, Toronto
Sociétaire, Droit des sociétés, Toronto
Même si les activités de fusions et acquisitions au Canada sont demeurées relativement stables en 2023 et 2024, cette période a été très occupée pour les autorités canadiennes en valeurs mobilières qui ont été invitées à arbitrer des différends entre cibles et initiateurs hostiles et entre entreprises et activistes. Les décisions établissent un équilibre entre les intérêts des actionnaires et ceux de l’entreprise et soulignent l’importance des faits propres à chaque affaire dans l’établissement de lignes directrices appropriées à l’égard des comportements acceptables.
D’une part, la décision Aimia fait preuve de déférence à l’égard du conseil d’administration d’une société cible qui a fait un placement privé en réponse à une offre hostile. D’autre part, les décisions rendues dans les affaires NorthWest Copper, Bitfarms et Greenfire ont protégé les discussions entre les actionnaires de la détermination des alliés ou ont empêché les conseils des sociétés cibles d’adopter des régimes de droits des actionnaires incompatibles avec le régime d’offres publiques d’achat.
Ensemble, ces décisions fournissent aux participants du marché de nouveaux repères importants pour la planification des opérations d’une entreprise qui pourraient nécessiter l’acquisition du contrôle.
L’avenir des placements privés dans la lutte pour le contrôle
Dans l’affaire Aimia Inc. (Aimia) [PDF], le Tribunal des marchés financiers de l’Ontario (le Tribunal) a fourni des directives sur l’utilisation de placements privés dans le cadre d’opérations de prise de contrôle. La question à laquelle l’autorité de réglementation des valeurs mobilières devait répondre eu égard aux circonstances découlait de la nécessité d’établir un équilibre entre les besoins financiers légitimes d’un émetteur et l’effet qu’un placement privé peut avoir sur l’évitement ou le retard d’une opération de changement de contrôle éventuelle.
Aimia et son actionnaire à 31 %, Mithaq, se sont engagées dans une course aux procurations et une poursuite, avant l’annonce d’un placement privé par Aimia. Le Tribunal a reconnu qu’il devrait se garder d’imposer des contraintes financières aux émetteurs engagés dans des luttes de contrôle prolongées lorsque leur issue n’est pas imminente.
L’annonce du placement privé a été faite à la suite de longs mois de négociations entre Aimia et les souscripteurs et de l’approbation conditionnelle de l’inscription à la cote de la Bourse de Toronto. Peu avant que Aimia annonce le placement privé, Mithaq avait lancé une offre publique d’achat non sollicitée en espèces visant toutes les actions ordinaires d’Aimia en circulation.
Par suite du placement privé, Mithaq a présenté une demande au Tribunal en vue de faire cesser les opérations au motif qu’il s’agissait d’une tactique défensive inappropriée ayant pour but de contrecarrer son offre d’achat. De plus, Mithaq demandait l’annulation de la décision de la Bourse de Toronto d’approuver le placement privé sans exiger l’approbation des actionnaires.
En appliquant les principes dégagés dans la décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) dans l’affaire Hecla Mining Company and Dolly Varden Silver Corporation (Re) (Hecla) [PDF], le Tribunal a conclu que le placement privé répondait à un besoin de financement grave et immédiat d’Aimia et n’avait pas été planifié ou modifié en réponse à l’offre d’achat de Mithaq, ou en prévision de celle-ci. Même si le placement avait pour effet de changer le contexte de l’offre d’achat en défaveur de Mithaq, cette caractéristique était secondaire et insuffisante pour justifier l’arrêt des opérations liées au placement privé.
Il était important pour le Tribunal qu’Aimia ait commencé à planifier le placement privé des mois avant l’annonce de l’offre de Mithaq, à un moment où il n’y avait aucune raison de croire qu’une offre publique d’achat était imminente. Le Tribunal a également conclu qu’Aimia avait un besoin de financement « grave et immédiat » évident, compte tenu du manque de liquidités d’Aimia, de sa difficulté à obtenir du financement par emprunt et de l’avis de son conseiller financier. Fait important, le Tribunal a établi que le terme « immédiat » n’englobait pas forcément l’urgence. Même si le produit tiré du placement privé était réservé au financement des opérations sur une période de 12 à 24 mois, cela était suffisant pour établir que le besoin existait bel et bien et n’était pas simplement spéculatif.
Les décisions des autorités canadiennes en valeurs mobilières fournissent aux participants du marché de nouveaux repères importants pour la planification des opérations d’une entreprise qui pourraient nécessiter l’acquisition du contrôle.
La décision dans l’affaire Aimia démontre une certaine souplesse envers les émetteurs qui peuvent établir un besoin de financement « grave et immédiat » lorsqu’ils font l’objet d’une offre publique d’achat hostile. Il s’ensuit que les cibles potentielles seront peut-être plus disposées à s’engager dans des placements privés qui ont pour effet d’entraver une offre publique d’achat.
Il vaut également la peine de souligner que le Tribunal a autorisé la conclusion du placement privé sous réserve d’un engagement à annuler l’opération si une ordonnance en ce sens était prononcée à l’issue de l’audience sur le fond. Cette conclusion était également conditionnelle à l’engagement que les actions émises dans le cadre du placement privé ne soient pas déposées en réponse à une autre offre publique d’achat.
Osler représentait l’investisseur principal dans le placement privé et à l’audience devant le Tribunal. Pour en savoir plus sur la décision Aimia, consultez nos Actualités Osler du 11 mars 2024.
Agir ensemble ne signifie pas forcément agir conjointement.
Dans l’affaire NorthWest Copper Corp. (Northwest Copper), la British Columbia Securities Commission (la Commission) a réitéré l’importance d’une communication ouverte entre les actionnaires. La Commission a également confirmé le critère préliminaire strict requis pour établir que des actionnaires agissent « conjointement ou de concert ». La détermination des alliés a des répercussions importantes sur les obligations de divulgation des actionnaires canadiens qui sont prévues dans les lois sur les valeurs mobilières, particulièrement en ce qui a trait aux règles du système d’alerte et aux obligations relatives aux offres publiques d’achat.
Dans l’affaire Northwest Copper, la Commission a suivi la décision de l’Alberta Securities Commission (l’ASC) dans l’affaire DIRTT Environmental Solutions, qui concluait que le fait que les parties partagent des intérêts communs ne signifie pas qu’elles agissent conjointement ou de concert. La Commission a souligné que, pour établir si les parties agissent « conjointement ou de concert », le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les parties « ont travaillé activement ensemble » pour atteindre « un objectif conjoint précis ». Il ne suffit pas que les actionnaires aient des intérêts communs et aient discuté de leurs intérêts et objectifs respectifs. De plus, la Commission a conclu que, même s’il était établi que les parties avaient agi conjointement ou de concert, les règles du système d’alerte ne seront déclenchées qu’à la suite d’une acquisition ultérieure par un allié et ne le seront pas automatiquement si le groupe est réputé détenir ensemble 10 % ou plus des titres en circulation. Dans sa décision, la Commission a soutenu qu’il valait mieux se concentrer sur une preuve claire que les parties agissaient conjointement et accepter le risque que certains groupes passent inaperçus, plutôt que d’entraver la discussion entre les actionnaires. De plus, elle a conclu qu’en cas de violation, le recours approprié aurait été la déclaration plutôt que la limitation des droits de vote.
Dans l’affaire Aimia, le Tribunal a conclu également qu’il n’y avait aucune preuve appuyant la conclusion selon laquelle les investisseurs dans le cadre du placement privé agissaient ensemble. Ces investisseurs agissaient tous dans leur propre intérêt, même s’ils étaient liés à l’investisseur principal, et rien n’indiquait qu’ils agissaient conjointement.
Le résultat de ces décisions appuie le pouvoir des actionnaires de communiquer librement entre eux. Les allégations de comportements alliés non déclarés exigent une preuve convaincante. De plus, même si le statut d’allié est établi, il est peu probable que ce statut entraîne des recours autres que des ordonnances de divulgation. Néanmoins, les actionnaires doivent rester prudents dans leurs communications et éviter de déclencher par inadvertance des obligations relatives aux offres publiques d’achat et des règles du système d’alerte.
Certitude du régime canadien d’offres publiques d’achat
On a constaté récemment une hausse marquée d’audiences sur des régimes de droits des actionnaires, alors que les émetteurs cherchent à utiliser des régimes de droits des actionnaires de façons inédites.
Dans Bitfarms [PDF], le Tribunal a confirmé le seuil de propriété de 20 % en vertu des règles d’offres publiques d’achat pour interdire les opérations liées à un régime de droits des actionnaires dont le seuil a été fixé à 15 % pour l’activation de la pilule empoisonnée. Bitfarms a adopté son régime de droits pour lui permettre de poursuivre un processus d’examen stratégique. Toutefois, le régime a eu pour effet d’empêcher son actionnaire détenant une participation de 14,9 % d’acquérir des titres supplémentaires, opération qui aurait été autorisée en vertu des lois canadiennes sur les valeurs mobilières. Le Tribunal a indiqué que le seuil de 20 % est une ligne de démarcation bien définie et que le régime de droits de Bitfarms saperait les principes sous-jacents du régime d’offres publiques d’achat de façon réelle et substantielle. Le Tribunal a ajouté que, si le régime de Bitfarms était maintenu, il diminuerait la prévisibilité et la certitude inhérentes au régime d’offres publiques d’achat et affaiblirait la confiance dans les marchés financiers et qu’il était donc dans l’intérêt public de cesser les opérations liées au régime de Bitfarms.
De même, dans l’affaire Greenfire, la société a adopté un régime de droits des actionnaires en réponse à l’acquisition annoncée par un tiers de 43 % des actions en circulation. La société envisageait des solutions stratégiques et a fait valoir que l’achat nuirait à sa capacité de maximiser la valeur pour les actionnaires. L’acquéreur a présenté une demande devant l’Alberta Securities Commission (l’ASC) en vue de faire cesser les opérations liées au régime de droits des actionnaires. Dans une demande reconventionnelle, Greenfire a demandé à l’ASC de rendre une ordonnance d’interdiction des opérations liées aux conventions d’achat d’actions. L’audience a eu lieu le 5 novembre 2024 et, le lendemain, l’ASC a délivré une ordonnance d’interdiction d’opérations relativement au régime de droits et rejeté la demande reconventionnelle. Les motifs de la décision suivront.
Dans l’affaire Aimia, le Tribunal a également reitéré la certitude offerte par le régime d’offres publiques d’achat. Le Tribunal a rejeté une requête d’Aimia qui aurait empêché Mithaq d’acquérir jusqu’à 5 % d’actions d’Aimia supplémentaires pendant l’offre.
Ces décisions s’inscrivent dans une suite de décisions en matière de réglementation des valeurs mobilières qui mettent l’accent sur la certitude du régime d’offres publiques d’achat, notamment la décision conjointe de la CVMO et de la Financial and Consumer Affairs Authority of Saskatchewan dans l’affaire Aurora Cannabis [PDF] et la décision de la CVMO dans l’affaire Optiva [PDF]. Étant donné que les organismes de réglementation mettent l’accent sur la certitude du régime d’offres publiques d’achat, nous nous attendons à ce que les avantages traditionnels des régimes de droits des actionnaires continuent d’être intégrés au régime. Toutefois, les régimes de droits continueront d’offrir d’importants avantages aux émetteurs pour traiter des opérations exemptées, comme les offres d’achat rampantes ou les opérations visées par l’exemption au titre d’une entente de gré à gré.
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En savoir plusOpérations de prise de contrôle et interventions à venir
Bien que les offres publiques d’achat hostiles deviennent de moins en moins fréquentes, l’activisme des actionnaires au Canada continue de croître. Comme le démontrent les décisions de la dernière année, les émetteurs, les actionnaires et les autres parties intéressées ont besoin d’avoir une compréhension nuancée du contexte réglementaire dans les opérations de prise de contrôle et des faits et circonstances de la nouvelle jurisprudence réglementaire. Ce contexte réitère la cohérence du régime d’offres publiques d’achat, tout en protégeant, dans certains cas, les décisions de conseils d’administration ainsi que les discussions entre les actionnaires.
Bien que le régime d’offres publiques d’achat ait été confirmé dans de récentes décisions, les règles relatives aux comportements acceptables pour les sociétés, les initiateurs et les actionnaires assujettis à ce régime continuent d’évoluer.