Auteurs(trice)
Associé, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges, Calgary
Associée, Litiges, Montréal
Associé, Litiges, Toronto
Associé, Litiges et Insolvabilité et restructuration, Montréal
Table des matières
- Conseil scolaire de district de la région de York c. Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario, 2024 CSC 22
- Pelletier c. Transvrac Montréal Laval inc., 2024 QCCAI 102
- Martineau c. Telus, 2024 QCCAI 200
Revue de la jurisprudence sur la protection de la vie privée
Conseil scolaire de district de la région de York c. Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario, 2024 CSC 22
Faits
L’appelant, le Conseil scolaire de district de la région de York, représente une école publique de l’Ontario. L’intimée, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario, représente deux enseignantes employées par une école publique de l’Ontario.
Deux enseignantes ont consigné leurs communications privées relatives à des préoccupations quant à leur milieu de travail sur un journal électronique personnel partagé, protégé par un mot de passe, et sauvegardé sur une plateforme infonuagique. Le directeur de l’école est entré dans la salle de classe d’une des enseignantes et, en son absence, a fait défiler le document et pris des photos avec son téléphone cellulaire. Le conseil scolaire s’est ensuite basé sur ces communications pour formuler des réprimandes écrites. Le syndicat des enseignantes a déposé un grief pour contester cette mesure disciplinaire, alléguant que la fouille avait violé leur droit au respect de la vie privée au travail. Une arbitre du travail a conclu qu’il n’y avait pas eu atteinte à l’attente raisonnable des enseignantes au respect de la vie privée, compte tenu du droit du conseil scolaire de gérer le lieu de travail.
La Cour d’appel de l’Ontario a été saisie de la question de savoir si des employés avaient droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives en milieu de travail en application de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (Royaume-Uni), 1982, c. 11 (Charte canadienne). La Cour d’appel a estimé que la fouille était déraisonnable au regard de l’article 8 de la Charte canadienne. L’appelant a interjeté appel de cette décision, principalement au motif que la Charte canadienne ne s’appliquait pas aux conseils scolaires publics de l’Ontario.
Décision
La Cour suprême a rejeté le pourvoi.
Selon la majorité des juges de la Cour suprême, les enseignantes et les enseignants de l’Ontario sont protégés par l’article 8 de la Charte canadienne et ont donc droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives en milieu de travail.
L’article 32 de la Charte canadienne précise son champ d’application. La Charte canadienne s’applique au gouvernement, mais peut également être étendue à d’autres entités. C’est le cas lorsqu’une entité peut – soit de par sa nature même, soit à cause du degré de contrôle exercé par le gouvernement sur elle – être à juste titre considérée comme faisant partie du « gouvernement » au sens de l’article 32 de la Charte canadienne.
La Cour suprême a conclu à la majorité que la Charte canadienne s’appliquait aux conseils scolaires publics de l’Ontario, car ceux-ci font partie du gouvernement de par leur nature même, au sens voulu par l’application de l’article 32. Il en est ainsi parce que l’enseignement public est une mission gouvernementale de par sa nature même et que les conseils scolaires publics de l’Ontario sont une émanation du gouvernement. Il s’ensuit que toutes les activités menées par les conseils scolaires publics de l’Ontario sont soumises à la Charte canadienne.
Les juges concordants ont reconnu l’applicabilité de la Charte canadienne aux conseils scolaires publics.
Point principal à retenir
La Cour suprême a confirmé que la Charte canadienne s’appliquait aux conseils scolaires publics de l’Ontario. Elle a toutefois laissé ouverte la question de l’applicabilité de la Charte canadienne aux écoles publiques d’autres provinces.
Pelletier c. Transvrac Montréal Laval inc.,2024 QCCAI 102
Faits
Pelletier, la demanderesse, a présenté une demande d’accès à son ancien employeur, Transvrac Montréal Laval Inc., afin d’accéder à ses courriels et à ses contacts personnels stockés dans sa boîte courriel professionnelle. Avant son départ, une règle de transfert automatique avait été mise en place pour transférer ses courriels arrivant dans sa boîte personnelle vers sa boîte professionnelle.
Cela a conduit à un mélange de courriels personnels et de courriels professionnels dans sa boîte professionnelle. Après la fin d’emploi de la demanderesse, Transvrac a procédé à la migration de sa boîte courriel professionnelle vers la boîte Outlook du directeur général.
Transvrac s’est inquiétée de la lourdeur du traitement de la demande, qui nécessitait l’analyse de plus de 5 000 courriels. L’entreprise a également fait valoir que la liste de contacts contenait des renseignements sur des tiers qui devraient être protégés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
Transvrac a demandé à la Commission de ne pas tenir compte de la demande d’accès de la demanderesse au motif que celle-ci était abusive.
Décision
La Commission a conclu que Transvrac devait effectivement analyser tous les courriels qui se trouvaient dans l’ancienne boîte courriel professionnelle de la demanderesse, qui se trouvaient maintenant dans la boîte du directeur général.
Toutefois, la Commission a finalement accédé à la demande de Transvrac d’être exemptée du traitement de la demande d’accès. Elle a estimé que, bien qu’elle ait été faite de bonne foi, la demande de la demanderesse était abusive en raison du volume important de documents visés et de l’effort nécessaire pour départager les communications personnelles des communications professionnelles. La Commission a pris en considération les ressources limitées de l’entreprise, notant que le fait de demander au directeur général d’analyser manuellement plus de 5 000 courriels et 2 000 contacts n’était pas raisonnable compte tenu de la petite taille de l’entreprise et de ses effectifs.
Point principal à retenir
Lorsque des employés utilisent leur boîte courriel professionnelle pour des communications personnelles, cela peut compliquer les obligations de l’entreprise lorsqu’elle répond à des demandes d’accès à l’information. Pour déterminer les obligations de l’entreprise à cet égard, le tribunal peut prendre en considération le volume de documents visés, les efforts requis pour départager les courriels personnels des courriels professionnels, et les ressources de l’entreprise.
Martineau c. Telus, 2024 QCCAI 200
Faits
Martineau, la demanderesse, a adressé une demande d’accès afin d’obtenir de son ancien employeur plusieurs documents, notamment ses fichiers de payes, ses feuilles de temps et le rapport final d’enquête de harcèlement psychologique. L’enquête avait été menée en vertu du Code canadien du travail et du Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail (le Règlement). Le paragraphe 30(2) du Règlement, qui stipule que le rapport d’un enquêteur ne doit pas révéler, directement ou indirectement, l’identité des personnes impliquées dans une enquête ou dans le processus de règlement d’une enquête, revêt une importance particulière.
Telus a communiqué certains documents, mais en a retenu d’autres. En particulier, elle a caviardé des extraits du rapport final d’enquête de harcèlement psychologique, invoquant l’article 40 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (LPRPSP), en faisant valoir que les renseignements caviardés contenaient des renseignements personnels concernant des tiers et que leur divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ces personnes.
Décision
La Commission d’accès à l’information (la Commission) a précisé que l’application de l’article 30 du Règlement ne relevait pas de sa juridiction.
En se fondant sur l’article 40 de la LPRPSP, la Commission a conclu que Telus avait raison de ne pas communiquer les extraits du rapport contenant des renseignements personnels concernant des tiers, car leur divulgation pourrait leur nuire sérieusement, notamment entacher leur réputation ou donner lieu à des représailles sur le lieu de travail. Toutefois, la Commission a ordonné à Telus de communiquer les extraits du rapport qui contenaient les renseignements personnels concernant Martineau, étant donné que ces extraits n’étaient pas visés par la protection offerte par l’article 40.
Point principal à retenir
Les organisations peuvent avoir raison de caviarder des renseignements personnels concernant des tiers en application de l’exception prévue à l’article 40 de la LPRPSP lorsque leur divulgation risque de nuire sérieusement à ces tiers, notamment si elle risque d’entacher leur réputation ou de donner lieu à des représailles sur le lieu de travail.