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Rapports finaux 2015 du Projet BEPS - Réforme de la fiscalité internationale

6 octobre 2015

Le 5 octobre 2015, l’OCDE a publié ses rapports finaux relatifs au Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS, selon l'acronyme anglais) (les rapports finaux). Le Projet BEPS a été entrepris en 2013 et il a reçu une attention encore jamais vue de la part des gouvernements et du secteur privé.  Les rapports finaux présentent les recommandations de l’OCDE et le consensus des pays participants portant sur chacune des 15 actions précises énumérées dans son Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (voir notre bulletin d’Actualités sur le Plan d’action BEPS intitulé « Réforme de la fiscalité internationale par l’OCDE et le G20 : Incidence éventuelle sur les sociétés canadiennes », 19 juillet 2013. Les actions comprises dans les rapports finaux sont les suivantes :

  • Action 1 – Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique
  • Action 2 – Neutraliser les effets des dispositifs hybrides
  • Action 3 – Concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées
  • Action 4 – Limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et autres frais financiers
  • Action 5 – Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance
  • Action 6 – Empêcher l’octroi des avantages des conventions fiscales lorsqu’il est inapproprié d’accorder ces avantages
  • Action 7 – Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable
  • Actions 8-10 – Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur
  • Action 11 – Mesurer et suivre les données relatives au BEPS
  • Action 12 – Règles de communication obligatoire d’informations
  • Action 13 – Documentation des prix de transfert et déclarations pays par pays
  • Action 14 – Accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends
  • Action 15 – L’élaboration d’un instrument multilatéral pour modifier les conventions fiscales bilatérales

Les rapports finaux seront soumis à l'approbation des ministres des Finances des pays du G20 lors de leur réunion du 8 octobre, à Lima, au Pérou. S’ils sont approuvés, les rapports finaux seront ensuite présentés aux dirigeants du G20, à leur sommet qui aura lieu à Antalya, en Turquie, les 15 et 16 novembre 2015.

Le présent bulletin d’Actualités résume les principaux aspects des rapports finaux et se penche sur l’incidence éventuelle qu’ils pourraient avoir sur les sociétés canadiennes. Les rapports finaux représentent le consensus de 44 pays, qui comptent pour environ 90 % de l’économie mondiale. Par conséquent, si les recommandations formulées dans les rapports sont adoptées dans les conventions fiscales et dans les lois nationales, elles pourraient avoir d’importantes répercussions sur le commerce transfrontalier et sur les investissements à l’échelle mondiale. De nombreux pays se sont dits disposés à suivre les recommandations de l’OCDE. Les pays du G20 et de l’OCDE ont convenu de s’employer à réaliser une mise en œuvre uniforme et coordonnée des recommandations du Projet BEPS.

Malheureusement, les recommandations dans les rapports finaux pourraient mener à une augmentation importante du nombre de différends en matière de fiscalité internationale et à une hausse des coûts de conformité au Canada et ailleurs dans le monde, ainsi qu'à une réduction correspondante éventuelle de la productivité. Plus particulièrement, la nature consensuelle des rapports finaux donne lieu, dans bien des cas, à des recommandations ambiguës qui pourraient être formulées ou interprétées d’une manière qui servirait les intérêts particuliers d’un pays.  En évitant d’aborder des questions difficiles (comme la répartition des recettes fiscales entre le pays source et le pays de résidence), l’approche consensuelle dans les rapports finaux masque probablement d’importantes différences de vues entre les pays, en ce qui a trait aux pays qui récolteront le plus de recettes fiscales à la suite de ces propositions. Pour ce qui est du Canada, le gouvernement devrait garder à l’esprit la nécessité de s’assurer que les dispositions des conventions fiscales et les règles nationales protègent la compétitivité des entreprises canadiennes et favorisent les investissements au Canada. Plus particulièrement, étant donné l’importance des États-Unis pour l’économie canadienne, le Canada devrait se montrer réticent à suivre un bon nombre des recommandations du Projet BEPS, et ce, tant que les États-Unis n'auront pas adopté des modifications comparables.

Contexte

Le Plan d’action du Projet BEPS a été élaboré à la demande du G20 pour répondre aux préoccupations croissantes du public au sujet de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices. De manière générale, le Projet BEPS se penche sur des stratégies de planification fiscale qui exploitent les différences entre les règles fiscales nationales et internationales pour transférer les bénéfices dans des territoires à faible ou sans fiscalité, dans lesquels l’activité économique est modeste, voire inexistante. Les rapports finaux constituent le point culminant du projet de l’OCDE, étalé sur de nombreuses années, visant à accroître la cohérence, la substance et la transparence du système fiscal international. Le 16 septembre 2014, l’OCDE a publié les sept premiers résultats promis dans le cadre du Projet BEPS (l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS). À de nombreux égards, les rapports finaux publiés le 5 octobre reprennent les recommandations comprises dans l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS, ainsi que de nombreux autres rapports du Projet BEPS publiés par l’OCDE au cours des deux dernières années. Les rapports finaux comprennent également des recommandations et des améliorations qui étaient absentes des rapports précédents, et qui sont résumées ci-dessous.

Les rapports finaux

a) L’économie numérique

Action 1 – Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique

La plupart des régimes fiscaux internationaux ont été conçus bien avant l’émergence de l’économie numérique. L’Action 1 aborde les défis fiscaux qui ont surgi à la suite de la numérisation du commerce et de l’économie mondiale. De façon générale, l’Action 1 cerne quatre principales préoccupations en matière de politique fiscale soulevées par l’économie numérique :

A.  le lien d’une personne avec un territoire où elle n’a pas de présence physique;

B.  l’attribution d’une valeur à des opérations dans le cadre desquelles des données sont recueillies, utilisées ou fournies;

C.  la caractérisation de revenus tirés de nouveaux produits et services numériques.

D.  l’assurance de la collecte efficace de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou de la taxe sur les produits et services (TPS) à l’égard de l’approvisionnement transfrontalier en produits et services numériques.

Le rapport final sur l’Action 1 est essentiellement axé sur la première et la dernière de ces préoccupations. Le rapport fait état du fait que l’économie numérique et ses modèles d’affaires intensifient les risques existants d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices. Bon nombre des risques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices identifiés dans le cadre de la préparation du rapport final ont ainsi mené aux recommandations énoncées dans les rapports finaux sur d'autres Actions, particulièrement l’Action 7 – Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable.

Contexte

Le rapport final sur l’Action 1 a été élaboré par le Groupe de réflexion sur l’économie numérique, organe subsidiaire du Comité des affaires fiscales de l’OCDE, auquel des pays non membres de l’OCDE, des pays du G20 et des pays membres de l'OCDE ont participé sur un pied d'égalité. Le rapport repose sur les résultats diffusés le 16 septembre 2014, dans le cadre de l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS (le rapport sur l’économie numérique). Et le rapport sur l’économie numérique poursuivait lui-même les travaux publiés par l’OCDE dans un document de travail daté du 24 mars 2014. Pour plus amples renseignements concernant le rapport sur l’économie numérique ou sur le document de travail de l’Action 1, veuillez consulter les bulletins d’Actualités Osler du 16 septembre 2014 et du 25 mars 2014 respectivement.

Le rapport final

Le rapport final sur l’Action 1 décrit l’évolution et les caractéristiques de la technologie de l’information et de la communication, établit la production de contenu, la cueillette et la vente de données, ainsi que les processus d’infonuagique, en tant qu’éléments clés de l’économie numérique dans le passé récent. Le rapport aborde également plusieurs avancées importantes, comme l’Internet des objets (ensemble des objets branchés à Internet), les monnaies virtuelles et l’impression 3D, qui poseront des défis croissants en matière de fiscalité. Plutôt que de former un secteur distinct de l’économie, la technologie de l’information et de la communication est maintenant présente dans tous les secteurs, car de plus en plus d’entreprises de divers types font de la publicité en ligne, de l’infonuagique, offrent des services de paiement en ligne, ainsi que d’autres services et modèles d’affaires électroniques. L’économie numérique, toutefois, pose aussi bien des défis fiscaux en raison de la mobilité accrue des gens et des systèmes, du recours à des flux de données plutôt qu’à des biens matériels, de la possibilité de créer des monopoles et de la volatilité générale.

L’une des solutions importantes proposées par le Groupe de travail pour relever ces défis consiste à modifier la définition d’« établissement stable » dans le Modèle de convention fiscale de l’OCDE (et, par la suite, dans l’Instrument multilatéral abordé à l’Action 15), pour faire en sorte que les exceptions soient confinées aux activités qui revêtent vraiment un caractère « préparatoire ou auxiliaire ». Une nouvelle règle « anti-fragmentation » est également recommandée afin d’empêcher une trop grande fragmentation des activités commerciales entre des entités liées (comme il en est question à l’Action 7, ci-dessous). Ainsi, par exemple, un immense entrepôt, où un certain nombre de salariés remplissent des commandes passées en ligne auprès d’un détaillant d’un autre territoire de compétence, serait considéré comme un établissement stable, aux termes de cette recommandation.

L’économie numérique pose d’autres défis qui seront abordés dans d’autres Actions relatives aux prix de transfert et aux sociétés étrangères contrôlées. Les mesures relatives aux prix de transfert viseront à attribuer de la valeur tirée de l’exploitation d’actifs incorporels parmi les membres d’un groupe de sociétés apparentées, compte tenu des fonctions, des actifs et des risques.  Les principes concernant les prix de transfert viseront en outre à régler les « distorsions d’informations » entre les autorités fiscales et les contribuables, découlant du transfert de biens incorporels, difficiles à évaluer, ou du recours à des accords de répartition des coûts. De même, les recommandations relatives aux revenus des sociétés étrangères contrôlées viseraient l’imposition de certains revenus tirés de transactions numériques dans le territoire de compétence de la société mère ultime.

Le rapport final examine également des méthodes visant à imposer la TVA (ou la TPS/TVH) sur les produits, services et actifs incorporels acquis par des consommateurs dans un autre territoire de compétence. Cela pourrait inclure le fait de modifier la définition d’établissement stable dans les conventions, de manière à ce que l’entité qui remplit les commandes dans le territoire de compétence du consommateur soit le fournisseur aux fins de la TVA/TPS (et qu’elle soit donc assujettie à la législation nationale sur la TVA/TPS). Le rapport final recommande aussi que les pays suivent les principes directeurs internationaux de l’OCDE en matière de TVA/TPS, aux termes desquels les taxes sont imposées au consommateur, mais l’obligation de les percevoir échoit au fournisseur non résident, dans le cadre d’un système de déclaration et de paiement simplifié. Le rapport note que d’autres options, comme l'imposition d'une retenue à la source sur certaines transactions numériques, ou un nouveau concept de lien sous forme d’une présence économique significative, ne sont pas recommandées.

 b) Montages hybrides

Action 2 – Neutraliser les effets des dispositifs hybrides

Un montage hybride survient lorsque, en raison de différences dans le traitement fiscal dans deux territoires, la même opération donne lieu à des résultats fiscaux incompatibles. Par exemple, un montage hybride peut découler d’un instrument hybride (tel un instrument qui peut être considéré comme une dette dans le pays A, mais comme un actif dans le pays B) ou d'une entité hybride (telle une entité qui est une société de personnes dans le pays A, mais une société par actions dans le pays B). L’Action 2 vise à neutraliser les asymétries fiscales sans avoir de conséquences commerciales ou réglementaires négatives sur les transactions ou les montages touchés.

Contexte

Le 19 mars 2014, l’OCDE a publié deux projets de rapport sur l’Action 2, le premier faisant des recommandations de modifications à la législation nationale, et le deuxième abordant des questions relatives au Modèle de convention fiscale de l’OCDE. Pour plus amples renseignements sur ces projets de rapport, veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler daté du 20 mars 2014.

L’OCDE a également publié des résultats sur l’Action 2, dans le cadre de l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS (le rapport sur les montages hybrides). (Veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler du 16 septembre 2014 pour plus de renseignements). Le rapport sur les montages hybrides présentait un certain nombre de recommandations, notamment de lier les règles nationales, en vertu de quoi le traitement fiscal d’un montant dans un territoire serait lié à son traitement dans d’autres territoires. Cela sous-entendait l’établissement d’une « règle principale », ainsi que d’une mesure défensive qui s’appliquerait si l’autre territoire n’avait pas adopté la règle principale.

Le rapport final

Le rapport final sur les montages hybrides s’appuie sur le rapport sur les montages hybrides.

De façon très générale, le rapport final isole deux grands résultats qu’il faut prévenir, et fournit des recommandations détaillées pour des dispositions de la législation nationale visant à éviter ces résultats. Un montage hybride peut prendre la forme du résultat d’une « déduction et d’une absence d’inclusion », où les paiements sont déductibles dans le territoire du payeur, et ne sont pas inclus dans le revenu du bénéficiaire dans le territoire du bénéficiaire. Ces résultats peuvent découler d’un instrument financier hybride ou d’un paiement fait par une entité hybride. Un montage hybride peut aussi être le fruit d’une « double déduction », où une seule dépense économique entraîne des déductions dans deux territoires fiscaux, en raison d’un paiement déductible effectué par une entité hybride ou ayant une double résidence, par exemple.

Le rapport final recommande l’adoption de règles principales et secondaires qui s’appliqueront automatiquement, sans avoir de conséquences commerciales négatives sur une transaction ou un montage. La règle principale s'appliquerait de manière à refuser une déduction pour un paiement dans le territoire du payeur s'il n’est pas inclus dans le revenu imposable dans le territoire du bénéficiaire, ou lorsqu'il est aussi déductible dans le territoire du bénéficiaire. Si la règle principale n’est pas appliquée, la règle secondaire du territoire du bénéficiaire devrait s’appliquer de manière à inclure le montant dans le revenu, ou à refuser la déduction.

Le rapport final propose également d’ajouter une nouvelle disposition à l’article 1 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui porterait sur l'application des conventions au revenu des entités fiscalement transparentes.

Le rapport final reconnaît que pour rendre ses recommandations efficaces, il faut un fort degré d’intégration et de coordination entre les pays. De plus, le nombre, et parfois, la grande complexité des montages et des transactions qui pourraient donner lieu à un montage hybride (le rapport final fait quelque 500 pages, dont près de 300 pages d’exemples et de principes directeurs) donnent à penser que la mise en œuvre des recommandations sera une entreprise de taille.

Cette immense complexité, y compris la nécessité de suivre et de surveiller le traitement fiscal étranger d’entités distinctes, pourrait s’avérer très difficile, en pratique.  D’autres questions épineuses surgissent en matière de mise en œuvre et de transition des règles proposées, particulièrement si les pays adoptent différentes versions des propositions, à des moments différents.  Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le Canada devrait se montrer réticent à adopter ces propositions, à moins que des modifications semblables ne soient adoptées par les États-Unis.  Dans l'éventualité où ces propositions sont intégrées dans les lois nationales canadiennes, elles pourraient avoir des conséquences négatives sur diverses transactions financières mettant en cause des multinationales canadiennes (ce qui pourrait faire augmenter le coût du capital et diminuer la compétitivité des multinationales canadiennes).

Action 3 – Concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées           

L’Action 3 propose des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (SEC) comme méthodes clés pour combattre les pratiques en matière d’érosion de la base d’imposition et de transfert des bénéfices. La sous-partie F, aux États-Unis, et le régime de « revenu étranger accumulé, tiré de biens » (REATB), au Canada, constituent des exemples de règles déjà en place relatives aux SEC. L’Action 3 vise à aider les pays à concevoir des règles relatives aux SEC afin de réduire encore davantage les possibilités que des sociétés n’adoptent des pratiques de BEPS et n’évitent ou ne reportent l’imposition en gagnant certains revenus dans des filiales étrangères.

Contexte

Le rapport final sur l’Action 3 fait suite à un projet de rapport publié le 3 avril 2015 (le projet de rapport relatif aux SEC). Pour plus amples renseignements sur le projet de rapport relatif aux SEC, veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler daté du 6 avril 2015. Il y a lieu de noter que le projet de rapport relatif aux SEC indiquait clairement que ses recommandations n'étaient pas le fruit de points de vue consensuels des États membres de l’OCDE, mais qu’il s’agissait simplement de considérations préliminaires en vue d'une discussion publique.

Le rapport final

Le rapport final présente un certain nombre de recommandations sous la forme de « composantes » d’un régime efficace relativement aux SEC : la définition d’une SEC, y compris les exonérations et les critères de seuil applicables aux SEC, la définition du revenu des SEC et son calcul, les règles d’attribution du revenu des SEC et les mesures visant à éviter la double imposition du revenu imputé. Le rapport final offre la latitude requise pour permettre aux pays de concevoir un régime applicable aux SEC qui cible les pratiques de BEPS sans aller à l'encontre des priorités différentes en matière de politique fiscale.

Le Canada s’est doté d’un régime applicable aux SEC qui est complexe et qui a fait ses preuves. Mais le régime du Canada ne s’harmonise pas avec certaines des recommandations comprises dans le rapport final. Par exemple, en ce qui concerne les critères de seuil, le rapport final recommande que le régime applicable aux SEC comporte une exonération fondée sur le taux d’imposition permettant aux sociétés assujetties à un taux d’imposition effectif supérieur à un certain seuil (c.-à-d. un taux semblable à celui auquel est soumise la société mère dans son territoire) de se soustraire à l’imposition des SEC. Le rapport final laisse entendre que l’exonération pourrait être appariée à une liste de pays satisfaisant systématiquement aux critères d’exonération. À l’heure actuelle, le Canada ne dispose pas de telle exonération (le seul critère est une dérogation de minimis très restreinte de 5 000 $ ou moins dans le cas de REATB). Si cette recommandation était adoptée, avec un seuil de taux d’imposition effectif (ou une liste) comprenant les États-Unis et les autres grands partenaires commerciaux du Canada dont les taux d’imposition sont semblables ou supérieurs à ceux du Canada, le fardeau de la conformité auquel sont soumises les multinationales canadiennes aux termes du régime d’imposition du REATB s’en trouverait considérablement allégé, sans que les préoccupations relatives aux BEPS ne s’accroissent.

Action 4 – Limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et autres frais financiers

Selon l’OCDE, l’utilisation des paiements d’intérêt (et en particulier du paiement d’intérêt entre parties liées) est l’une des méthodes les plus simples pour transférer le revenu disponible en planification fiscale internationale. Étant donné que la plupart des pays ont des dispositions fiscales différentes à l’égard de la dette et des fonds propres, et qu’un bon nombre de pays permettent une déduction pour charges d’intérêts, mais non pour le paiement de dividendes, il y a un parti pris en faveur du financement par emprunt qui est attribuable à l’impôt. Ce parti pris est amplifié par le contexte transfrontalier, dans le cadre duquel des techniques de planification peuvent être utilisées pour réduire ou éliminer l’impôt qu’un prêteur devrait autrement assumer à la réception de produits d’intérêts. Par conséquent, l’Action 4 a été conçue pour instaurer des pratiques exemplaires visant à empêcher que des pratiques de BEPS ne voient le jour en raison du recours aux charges d’intérêts, particulièrement dans le contexte des parties liées suivantes, lorsque :

  • des groupes multinationaux recourent davantage à des emprunts auprès de tierces parties dans des pays à fiscalité élevée
  • des prêts intragroupe servent à générer des déductions d’intérêts supérieures au charges d’intérêts réelles des groupes envers des tierces parties
  • des groupes multinationaux recourent à l’emprunt auprès de tierces parties ou aux prêts intragroupes pour financer la production d’un revenu exonéré d’impôt.

Contexte

L’OCDE a publié un projet de rapport sur l’Action 4 le 18 décembre 2014 (le projet de rapport sur les intérêts). Le projet de rapport sur les intérêts présentait un certain nombre d’options de rechange qui permettraient de limiter les déductions d’intérêts, notamment :

A.  Une règle relative à une formule de répartition qui s’appliquerait au contexte d’un groupe, et limiterait les charges nettes d’intérêts d’une société à une proportion des charges d’intérêts réelles du groupe envers des tierces parties.

B.  Une règle fondée sur un ratio déterminé, qui limiterait les déductions d’intérêts d’une société à un pourcentage déterminé de ses résultats, actifs ou fonds propres.

C.  Une approche hybride, réunissant des aspects des points A et B.

Le projet de rapport sur les intérêts ne privilégiait pas précisément une approche au détriment d’une autre. Il reconnaissait toutefois qu’une règle fondée sur un ratio à l’échelle d’un groupe pourrait faire augmenter les coûts de la conformité, car elle accorderait davantage de latitude aux pays qu’une règle de répartition (ce qui augmenterait les possibilités que les pays adoptent des normes différentes). Le projet de rapport soulignait également divers problèmes que poserait chacune des approches, et faisait état d’une absence de consensus dans la manière dont les pays abordent actuellement la déductibilité des intérêts.

Le rapport final

Le rapport final recommande une approche reposant sur une règle fondée sur un ratio déterminé, qui limite, de façon, générale, les déductions nettes d’une entité au titre d’intérêts (et de paiements économiquement équivalents à des intérêts) à un certain pourcentage de son résultat avant charges d’intérêts, impôts, amortissement et provisions (EBITDA). Le rapport final recommande que la limite s’applique, au minimum, aux entités membres de groupes multinationaux. Reconnaissant que les pays pourraient préférer utiliser différentes limites de ratio déterminé, les auteurs du rapport final recommandent une fourchette de ratios allant de 10 % à 30 %.

D’autres « pratiques exemplaires » ont été recommandées, notamment :

  • La possibilité de compléter la règle fondée sur un ratio déterminé par une règle fondée sur un ratio à l'échelle du groupe mondial, qui permettrait à une entité de dépasser la limite dans certaines circonstances. Plus précisément, cette règle autoriserait une entité qui dépasse le ratio de référence à déduire des dépenses d’intérêts jusqu’à concurrence du ratio intérêts nets/EBITDA de son groupe mondial.
  • La possibilité de permettre une majoration pouvant atteindre 10 % des charges d’intérêts nettes du groupe envers des parties tierces afin d’empêcher la double imposition.
  • La possibilité de recourir à une clause de sauvegarde (semblable à la règle en usage en Allemagne) qui compare les niveaux de fonds propres et des actifs d’une entité à ceux de son groupe.
  • Si la règle fondée sur un ratio de groupe n’est pas adoptée, il est recommandé que les pays appliquent une règle fondée sur un ratio déterminé aux entités faisant partie de groupes multinationaux et nationaux (et peut-être aussi aux entités autonomes ne faisant pas partie d’un groupe), sans discrimination indue.
  • La possibilité d’un seuil monétaire qui exclut les entités ayant un faible niveau de charges nettes d’intérêts.
  • La possibilité d’une exclusion au titre des intérêts payés à des tiers créanciers sur des prêts utilisés pour financer des projets d’intérêt public.
  • La possibilité d’un report en avant de charges d’intérêts n’ouvrant pas droit à déduction et/ou d’une capacité inutilisée à déduire des intérêts (lorsque les déductions nettes d’intérêts effectives d’une entité sont inférieures au maximum autorisé) pour utilisation lors d’exercices futurs.

Le rapport final recommande également l’établissement de règles ciblées visant à empêcher que ne soient contournées les règles générales de limitation, et à circonscrire d’autres risques précis.

Il est recommandé d’adopter d’autres règles pour les secteurs bancaire et des assurances, étant donné que les banques et les compagnies d’assurance reçoivent souvent d’importants produits d’intérêts (ce qui réduit les possibilités d’appliquer une limite d’« intérêts nets »). L’OCDE prévoit effectuer des travaux supplémentaires en 2016 afin de déterminer les règles ciblées portant sur les risques de BEPS posés par les banques et les compagnies d’assurance.

Le rapport final reconnaît que l’adoption des règles recommandées pourrait entraîner des coûts considérables pour certaines entités, et recommande donc que les pays accordent des délais raisonnables pour permettre de restructurer les arrangements financiers en place (ou établissent des clauses d’antériorité concernant les dettes existantes).

La règle recommandée fondée sur un ratio déterminé s’apparente davantage à la « règle sur le dépouillement des bénéfices », actuellement en vigueur aux États-Unis et dans plusieurs autres pays, qu’aux règles en matière de capitalisation restreinte que suit le Canada depuis plusieurs décennies. Par conséquent, la mise en œuvre, au Canada, de l’approche fondée sur un ratio déterminé, qui est recommandée, pourrait entraîner de fortes perturbations dans les groupes multinationaux, sans pour autant faire augmenter de beaucoup les recettes fiscales canadiennes. Bien qu’il soit utile que la règle recommandée s’applique aux « charges nettes d’intérêts » plutôt qu’aux intérêts bruts, cela demeure un instrument contondant, qui pourrait avoir d’importants effets défavorables pour de nombreuses entreprises.  Par exemple, un groupe multinational pourrait être composé de sociétés comportant d’importantes différences commerciales susceptibles d’influencer leur niveau d’endettement souhaité (et des charges d’intérêts qui en découlent). Ainsi, les membres d’un groupe mondial pourraient exercer des activités dans différents secteurs, pourraient en être à différents stades de production ou de développement, avoir différents besoins en capitaux, avoir différentes cotes de solvabilité, etc. Le rapport final ne semble guère prendre en considération ces facteurs commerciaux, tenant plutôt pour acquis que la plupart des décisions relatives au niveau d’endettement des sociétés reposent sur des motifs d’ordre fiscal. La plupart des mesures proposées pour réduire l’incidence négative des règles sont classées comme « facultatives », sans égard apparent aux effets négatifs possibles des propositions sur les dépenses en immobilisations, les décisions d’investissement et la compétitivité de différentes sociétés et les pays dans lesquels elles ont des activités.

c) Pratiques fiscales dommageables

Action 5 – Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance

Bien que la plupart des Actions du Projet BEPS visent à empêcher les contribuables d’utiliser de façon abusive les règles fiscales nationales et internationales, l’Action 5 reconnaît que certains pays se rendent coupables de manipuler le système fiscal international.  Plus particulièrement, l’Action 5 vise à freiner la concurrence fiscale entre les pays et à éviter un « nivellement par le bas », qui pourrait faire en sorte d’exonérer d’impôt certaines sources de revenu. Les recommandations de l’Action 5 sont destinées à compléter le rapport de 1998 de l’OCDE sur la concurrence fiscale dommageable, et à contrecarrer l’utilisation de régimes fiscaux préférentiels qui appliquent un taux d’imposition faible ou nul à certaines activités géographiquement mobiles.

Contexte

L’OCDE a publié des résultats sur l’Action 5 dans le cadre de l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS. (Pour plus de renseignements, veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler du 16 septembre 2014. L’intention de l’OCDE n’est pas d’harmoniser les systèmes fiscaux ou les taux d’imposition, mais plutôt d’établir des « règles du jeu équitables ». Divers facteurs sont pris en considération pour déterminer si un régime est préférentiel, notamment la séparation de l’économie nationale et le manque de transparence. Si un régime est considéré comme potentiellement dommageable, un complément d’analyse sera nécessaire pour déterminer si le régime a des effets économiques dommageables (comme le fait de transférer une activité d’un autre pays). Si l’analyse révèle que le régime préférentiel est dommageable, le pays aura la possibilité d’abolir le régime ou de supprimer ses aspects dommageables. D’autres pays pourraient prendre des mesures défensives pour contrer les effets d’un régime dommageable. 

Le rapport final

Le rapport final se penche principalement sur a) l’obligation d’exercer une activité substantielle pour profiter des avantages d’un régime préférentiel (comme des taux d’imposition réduits sur les actifs incorporels), b) l’accroissement de la transparence et de l’échange obligatoire d’information sur les décisions relatives à des régimes préférentiels, et c) l’examen des régimes des pays membres et des pays associés.

Le consensus s’est fait autour de l’« approche de lien », en vue de réaligner l’imposition de bénéfices avec les activités substantielles. Cette approche (élaborée dans le contexte des régimes relatifs à la propriété intellectuelle (PI)), permet à un contribuable de bénéficier d’un régime PI dans la seule mesure où ledit contribuable a lui-même engagé les dépenses de recherche et développement (R et D) admissibles ayant généré les revenus de PI. Selon cette approche, le montant proportionnel des dépenses est utilisé comme indicateur de l’activité substantielle. D’autres recommandations visent la détermination de détails pertinents, comme (a) les contribuables admissibles (tels que les résidents, les ES nationaux de sociétés étrangères ou les ES étrangers de sociétés nationales), (b) les actifs de PI applicables (tels que les brevets et les actifs qui sont fonctionnellement équivalents), et (c) les dépenses admissibles. L’impartition à des parties non apparentées (et non à des parties apparentées) pourrait être une dépense admissible. Les coûts d’acquisition ne font pas partie des dépenses admissibles.  Les territoires peuvent autoriser une majoration de 30 % des dépenses admissibles, afin de réduire l’incidence de l’acquisition d’une PI ou de l’impartition d’activités de R et D à des parties apparentées.

Aucun nouvel adhérent ne pourra être accepté dans les régimes de PI qui ne sont pas conformes à l’approche de lien après le 30 juin 2016. Les territoires sont autorisés à instaurer des règles relatives à l’antériorité, qui permettront aux contribuables de profiter d’un régime existant jusqu’au 30 juin 2021. Après cette date, aucun autre avantage ne sera accordé.

En ce qui concerne la transparence, le rapport final précise qu’il a été convenu d’un cadre tenant compte de toutes les décisions qui pourraient susciter des préoccupations en matière de BEPS, en l’absence d’échange spontané obligatoire de renseignements. Plus précisément, le cadre s’applique à ce qui suit : (a) les décisions relatives aux régimes préférentiels; (b) les accords préalables en matière de prix de transfert (APP) unilatéraux et transfrontaliers, ou toute autre décision unilatérale en matière de prix de transfert; (c) les décisions permettant un ajustement à la baisse des profits; (d) les décisions relatives aux établissements stables (ES); (e) les décisions en matière d'intermédiaires, et (f) d’autres catégories précisées ultérieurement par le Forum sur les pratiques fiscales dommageables (FHTP).

Dans le cas de pays disposant des structures juridiques adéquates, l’échange de renseignements en vertu dudit cadre commencera le 1er avril 2016 pour les décisions futures. Les échanges concernant certaines décisions passées devront avoir été effectuées au 31 décembre 2016. Le rapport final présente également les meilleures pratiques en ce qui concerne les décisions transfrontalières.

Le rapport final précise que 43 régimes préférentiels ont été évalués. Les 16 régimes de PI qui ont été passés en revue ont tous été jugés, partiellement ou en totalité, contraires à l’approche de lien recommandée. Cela s’explique par le fait que les détails de l’approche de lien n’ont été arrêtés que pendant le Projet BEPS. Les pays disposant de tels régimes vont procéder à un examen des possibles modifications à apporter aux dispositions concernées de leur régime. Les travaux d’évaluation des régimes préférentiels se poursuivront, et il sera possible de réévaluer les régimes en fonction du critère d’activité substantielle.

d) Utilisation abusive des conventions fiscales

Action 6 – Empêcher l’octroi des avantages des conventions fiscales lorsqu’il est inapproprié d’accorder ces avantages

Dans le cadre du Projet BEPS, l’OCDE a noté que l’une des principales sources de préoccupation en matière de BEPS est le chalandage fiscal, qui résulte de l’interposition d'une entité qui réside dans un pays tiers ayant peu ou pas de justification économique autre que le fait de tirer parti du réseau de conventions fiscales favorable de ce pays. L’Action 6 portait sur l’exécution de travaux en vue de ce qui suit :

A.  L’élaboration de dispositions de convention modèle et de recommandations relatives à la conception de règles nationales pour prévenir l’octroi d’avantages prévus aux conventions dans des situations où c’est inapproprié.

B.  La clarification du fait que les conventions fiscales ne sont pas conçues à des fins de double non-imposition.

C.  La prise en considération du fait qu’en général, les pays devraient tenir compte de certains facteurs de politique fiscale avant de signer une convention fiscale avec un autre pays.

En sus des initiatives de l’OCDE, le budget fédéral de 2014 du Canada avait proposé une règle nationale anti-chalandage fiscal qui aurait refusé les avantages découlant d’une convention dans certaines circonstances. Mais après consultation, le Canada a toutefois convenu d’attendre la poursuite des travaux de l’OCDE et du G20 dans le cadre du Projet BEPS.

Contexte

Dans son rapport sur les résultats 2014 du Projet BEPS, publié le 16 septembre 2014, l’OCDE énonçait ses recommandations préliminaires visant à contrer l’utilisation abusive des conventions fiscales. Veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler du 16 septembre 2014 pour plus de renseignements.

En novembre 2014, l’OCDE a publié un autre projet de rapport sur l’Action 6, qui faisait le suivi des principaux éléments en suspens soulevés dans le rapport de 2014 (le projet de convention de 2014). Consultez le bulletin d’Actualités Osler sur les incidences du projet de convention de 2014 sur les véhicules de placement collectif (VPC) et les fonds autres que des VPC.

Enfin, le 25 mai 2015, l’OCDE a publié un troisième projet de rapport sur l’Action 6, qui clarifiait certaines des recommandations présentées dans le rapport de 2014 (le projet de convention de 2015). Veuillez consulter le bulletin d’Actualités Osler du 25 mai 2015 pour obtenir plus de renseignements sur le projet de convention de 2015.

Le rapport final

Le rapport final souligne que les pays participants ont convenu d’une norme minimale de protection contre le chalandage fiscal, ce qui traduit leur intention commune de faire en sorte que les conventions fiscales éliminent la double imposition, sans permettre la non-imposition (ou l’imposition réduite) résultant d'abus ou d’évasion fiscale, et notamment, le chalandage fiscal.

Pour concrétiser cette norme minimale, les pays peuvent opter pour (a) une approche combinée reposant sur une règle de limitation des avantages et sur la règle du « critère des objectifs principaux » (COP); (b) la règle COP seule; ou (c) la règle de limitation des avantages complétée par une règle contre les entités relais. La règle de limitation des avantages, qui peut être appliquée pour limiter l’accès aux avantages d’une convention à une entité qui est par ailleurs un résident d’un État contractant, établit des conditions objectives visant à assurer qu’il existe un lien véritable ou suffisant entre l’entité et son pays de résidence. La convention que le Canada a signée avec les États-Unis est la seule convention canadienne comportant actuellement une règle de limitation des avantages étendue. Le critère de l’objectif principal est une règle anti-abus générale qui refuse un avantage prévu par une convention fiscale, lorsque le fait d’obtenir cet avantage était l’un des principaux objectifs d’un montage ou d’une opération, sauf si l’octroi de cet avantage est compatible avec l’objectif des dispositions de la convention pertinente.

L’une des plus grandes préoccupations suscitées par le critère de l’objectif principal est qu’il donnerait lieu à beaucoup d’incertitude et qu’il réduirait les investissements.  Plus particulièrement, la nature ambiguë de ce critère et les exemples d’interprétation pourraient mener les autorités fiscales à refuser les avantages prévus par une convention dans pratiquement toutes les situations (car pratiquement toutes les situations où une convention fiscale s’applique donnent lieu à un avantage fiscal).  Cette incertitude intrinsèque semble être le principal motif pour lequel les États-Unis ont rejeté le critère de l’objectif principal.  Par ailleurs, la règle générale anti-évitement du Canada s’applique déjà aux conventions fiscales canadiennes; le critère de l’objectif principal, dans le cadre d’une convention, ferait en quelque sorte double emploi.

Le rapport final recommande que le titre du Modèle de convention fiscale de l’OCDE soit modifié de façon qu’il mette en évidence le rôle des conventions dans la prévention de l’utilisation abusive des conventions fiscales. Le titre sera dorénavant :

Convention entre (l’État A) et (l’État B) pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales

Le préambule et l’introduction du Modèle de convention ont aussi été révisés, en vue d’assurer que les conventions fiscales sont interprétées et appliquées d’une manière qui tient compte de leur rôle dans la prévention de l’utilisation abusive des conventions fiscales. 

Le rapport final laisse entendre qu’il n’est pas nécessaire d’apporter d’autres modifications aux conventions en ce qui concerne les véhicules de placement collectif (VPC), bien qu’il souligne que la mise en œuvre des recommandations dans le projet de Traité d’assistance et d’amélioration de la conformité (TRACE) soit importante pour l’application pratique des avantages prévus par la convention aux fonds des VPC. Le rapport souligne également que d’autres travaux sont nécessaires en ce qui concerne l’admissibilité aux avantages des conventions que peuvent avoir les fonds qui ne sont pas des VPC. Il faudra aussi poursuivre les travaux sur les modifications proposées au Modèle de convention fiscale afin d’assurer qu’une « caisse de retraite reconnue » est considérée comme résidente dans le territoire où elle a été créée, qu’elle y soit imposable ou non.   Proposer de vastes règles anti-évitement, tout en omettant de s’assurer que ces règles n’empêcheront pas, de façon indue, l’octroi d’avantages prévus par les conventions aux fonds qui ne sont pas des VPC (après plusieurs années d’étude) constitue l’une des grandes lacunes du rapport final.  Le Canada devrait se montrer réticent à adopter ces propositions, à moins que ces préoccupations puissent être réglées d’une façon qui favorise les investissements au Canada, particulièrement en cette période de ralentissement dans le secteur des ressources. 

Le rapport final souligne qu’il sera proposé d’inclure ses recommandations dans l’instrument multilatéral (comme nous le verrons plus loin, dans l’Action 15). Le rapport final note aussi que les États-Unis ont publié une mise à jour de leur modèle de convention fiscale (comprenant des révisions de la version américaine de la règle de limitation des avantages) en mai 2015. Le rapport final fait remarquer que les dispositions des États-Unis, une fois peaufinées, seront prises en compte dans le contexte de négociations relatives à un instrument multilatéral.

Action 7 – Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable

Dans la foulée des efforts déployés par l’OCDE pour freiner l’utilisation abusive des conventions, l’Action 7 a été élaborée en vue de modifier la définition d’« établissement stable » (ES), de sorte que les entreprises aient moins d’occasions d’éviter artificiellement le statut d’établissement stable. À l’origine, le Plan d’action avait déterminé deux principaux problèmes liés à l’évitement du statut d’ES :

A.  La capacité qu’ont les sociétés non résidentes de vendre des biens dans un pays source sans avoir de ES, même si elles recourent aux employés d’une filiale locale pour négocier les contrats. Au cœur de cette question, l’OCDE a repéré les « accords de commissionnaire » comme particulièrement problématiques, même si des accords similaires ont également été envisagés.

B.  La fragmentation des activités commerciales entre sociétés apparentées afin de pouvoir prétendre à l’exception au statut d’ES prévue en cas d’activités de caractère préparatoire ou auxiliaire.

Contexte

L’OCDE avait auparavant publié un projet de rapport sur l’Action 7, le 15 mai 2015 (le projet de rapport de 2015 sur les ES). Veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler du 20 mai 2015 pour plus de renseignements.

Le rapport final

Aux termes de l’Article 5 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, sur lequel la disposition relative à l’ES dans les conventions fiscales bilatérales du Canada est fondée, une entreprise aura généralement un ES dans un pays source si elle y possède une installation fixe d’affaires (un « ES fixe »), ou si un employé ou un mandataire (autre qu'un mandataire indépendant agissant dans le cours normal des affaires) se trouve dans le pays source et agit pour le compte de l’entreprise et dispose de pouvoirs, qu’il exerce habituellement, lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise (un « ES mandataire »). Tant les ES fixes que les ES mandataires peuvent faire l’objet d’une exemption générale en cas d’activités de caractère préparatoire ou auxiliaire qui n’ont qu’un lien ténu avec le pays source (les exemptions au titre d’activités spécifiques). 

Cette définition n’a pas changé depuis la version de 1963 du Modèle de convention de l’OCDE. Mais en raison de l’évolution dans la façon de faire des affaires, l’OCDE s’est dite préoccupée par le fait que les progrès technologiques aient rendu possible l’échange de forts volumes commerciaux dans un pays, sans donner lieu à un ES. Le rapport final sur l’Action 7 aborde ces préoccupations et propose les principales modifications suivantes à la définition d’un ES :

  • ES mandataire : selon le rapport final, les activités d’un intermédiaire dans un pays qui visent à la conclusion régulière de contrats devant être exécutés par un non résident devraient suffire pour que ce non résident ait un lien avec ce pays qui rende ses activités imposables, à moins que l’intermédiaire ne soit véritablement indépendant. Par conséquent, aux termes des modifications proposées aux articles 5(5) et (6), il ne sera plus nécessaire que les contrats soient conclus dans un pays pour donner lieu à un ES dans ce pays. Lorsqu’une personne agit dans le pays source pour le compte d’une entreprise non résidente et qu’elle joue habituellement un « rôle essentiel » menant à la signature de contrats « couramment conclus » sans modification importante, que les contrats sont au nom de l’entreprise et visent le transfert de propriété de l’entreprise (ou le droit d’utiliser la propriété de l’entreprise), ou la prestation de services par l’entreprise, cela donnera lieu à un ES. Une exception s’applique lorsque la personne est un mandataire indépendant agissant dans le cours normal de ses activités. Cependant, le critère du mandataire indépendant ne sera pas rempli si le mandataire agit « exclusivement ou quasi exclusivement » pour le compte d’une ou de plusieurs sociétés auxquelles il est « étroitement lié ». 
  • Exemption pour caractère préparatoire ou auxiliaire : les modifications proposées à l’article 5(4) signifient que l’exemption pour « caractère préparatoire ou auxiliaire » au statut d’ES ne s’appliquera que si l’activité d’ensemble de l’ES fixe garde un caractère préparatoire ou auxiliaire. Par ailleurs, afin de remédier à une éventuelle fragmentation des activités afin d’éviter le statut d’ES, il est proposé d’ajouter une nouvelle règle « anti-fragmentation » à l’Article 5. Aux termes de cette règle, une entreprise ou des entreprises étroitement liées ne pourront plus se prévaloir de l’exemption pour caractère préparatoire ou auxiliaire si leurs activités d’ensemble (évaluées en association) ne sont pas de caractère préparatoire ou auxiliaire. Les activités doivent constituer des fonctions complémentaires faisant partie d’une exploitation commerciale cohésive.
  • Séparation de contrats : Le rapport final propose des mesures ciblant l’utilisation abusive du seuil de « douze mois » pour les chantiers de construction ou de montage. L’OCDE craint que ce seuil ne soit pas respecté dans le cadre de projets ou de chantiers uniques si les contrats sont séparés. Le rapport final propose de traiter la question dans les commentaires sur l’application de la règle du COP, dans le cadre des mesures anti-abus de l’Action 6, ou comme règle particulière dans le commentaire sur la définition d’ES (dans le cas des pays qui n’adoptent pas de règle du COP ou qui sont particulièrement préoccupés par cette question).

Le rapport final reconnaît que des travaux supplémentaires seront nécessaires en ce qui concerne l’attribution de bénéfices à un ES, et des précisions à cet égard seront fournies avant la fin de 2016. 

Il sera proposé d’inclure les modifications à apporter à la définition d’ES dans l’Instrument multilatéral (Action 15).

Si elles sont adoptées, les propositions mises de l’avant dans le rapport final concernant l’Action 7 pourraient élargir considérablement l’éventail de situations dans lesquelles les bénéfices d’une entreprise deviendraient imposables dans un territoire étranger, ce qui ferait augmenter de beaucoup les coûts de conformité. Plus particulièrement, le passage d’un critère très net de « conclusion de contrats » à une norme plus subjective de « joue un rôle essentiel », et le rétrécissement de l’exception relative au mandataire indépendant augmenteront les incertitudes quant à l’existence d’un ES à la suite de négociations contractuelles pour le compte d’une entreprise non résidente dans un pays. De plus, le fait que le rapport final omette d’assurer également que les bénéfices seront attribués de façon uniforme entre les pays pourrait donner lieu à une forte augmentation des litiges fiscaux internationaux.

e) Prix de transfert

Action 8 – Élaborer des règles qui empêchent l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par le biais du transfert d’actifs incorporels entre membres d’un même groupe

Les prix de transfert sont les prix auxquels une entreprise transfère des biens physiques et des actifs incorporels ou fournit des services à des entreprises associées dans un autre pays. Bien des pays, dont le Canada, suivent les Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert afin de faciliter la détermination des prix de transfert appropriés dans des transactions transfrontalières entre parties apparentées. Mais parmi les principales difficultés dans l’application des règles en matière de prix de transfert, on compte la mobilité des actifs incorporels et la valeur à attribuer à ces actifs.  L’Action 8 est destinée à remédier aux problèmes relatifs au transfert d’actifs incorporels entre membres d’un même groupe.

Action 9 – Élaborer des règles qui empêchent l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par le biais du transfert de risques entre membres d’un même groupe ou de l’attribution d’une fraction excessive du capital aux membres de ce groupe

Dans la foulée de l’Action 8, l’Action 9 aborde l’adoption de règles et de mesures visant à assurer qu’une entité ne reçoive pas de revenus inappropriés du seul fait qu’elle s’est contractuellement engagée à assumer des risques ou à apporter du capital, lorsque cette entité ne joue pas de rôle important dans la création de valeur.

Action 10 – Élaborer des règles qui empêchent l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par le biais de transactions dans lesquelles des entreprises indépendantes ne s’engageraient pas, ou ne s'engageraient que rarement

L’Action 10 recommande des mesures visant à préciser les circonstances dans lesquelles des transactions peuvent être requalifiées, à clarifier l’application des méthodes d’établissement des prix de transfert, et à se prémunir contre les types les plus fréquents de paiements ayant pour effet d’éroder la base d’imposition, comme les frais de gestion et les dépenses du siège social.

Contexte

Les Actions 8 à 10 ont collectivement donné lieu au plus grand nombre de publications relatives au BEPS de l’OCDE, dont les projets de rapport et résultats suivants :

  • Projet de rapport sur les aspects des prix de transfert des biens incorporels du 30 juillet 2013 (Action 8)
  • Les résultats du 16 septembre 2014, dans le cadre de l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS, y compris les révisions intermédiaires et finales aux chapitres I, II et VI des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert
  • Le projet de rapport du 3 novembre 2014 sur les services intragroupe à faible valeur ajoutée (le projet de rapport sur les SIG)
  • Le projet de rapport du 16 décembre 2014 portant sur les transactions transfrontalières de produits de base (le projet de rapport sur les produits de base)
  • Le projet de rapport du 16 décembre 2014 sur l’utilisation du partage des bénéfices dans le contexte des chaînes de valeur (le projet de rapport sur le partage des bénéfices)
  • Le projet de rapport du 19 décembre 2014 sur les prix de transfert (le projet de rapport sur les PT), comprenant l’examen des Actions 8 à 10 et des propositions de révision au chapitre I des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert
  • Le projet de rapport du 29 avril 2015 sur les accords de répartition de coûts (le projet de rapport sur les ARC)
  • Le projet de rapport du 4 juin 2015 sur les biens incorporels difficiles à évaluer (le projet de rapport sur les BIDE)

Le rapport final sur les Actions 8 à 10

Le rapport final sur les Actions 8 à 10 comprend des propositions de révision aux chapitres I, II, VI, VII et VIII des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert.

Le but déclaré du rapport final est d’harmoniser les méthodes de prix de transfert de façon à attribuer les bénéfices aux activités économiques créatrices de valeur les plus importantes.

Dans la mise en œuvre des Actions 8, 9 et 10, les révisions proposées établissent un nouveau cadre pour l’analyse des prix de transfert qui, s’il est adopté par le Canada, pourrait avoir une incidence à la fois sur la détermination des prix de transfert et sur l’étendue de la documentation ponctuelle à fournir pour établir une défense relativement à l’application d’une sanction en matière de prix de transfert au Canada. L’un des principaux problèmes sera la mesure dans laquelle les principes révisés sont appliqués au Canada rétroactivement, ou seulement prospectivement.

Le rapport final précise que des travaux supplémentaires seront effectués sur la méthode de partage des bénéfices tirés des transactions en 2016 et qu’ils seront achevés en 2017.

Lignes directrices sur l’application du principe de pleine concurrence

Le rapport affirme que la norme internationale en place concernant les règles sur les prix de transfert, soit le principe de pleine concurrence, peut être appliquée à tort, de sorte qu’il est possible que dans les résultats, le partage des bénéfices ne corresponde pas à l’activité économique qui a généré les bénéfices. Cette éventuelle application erronée est fondée sur la perception que le principe de pleine concurrence accorde une trop grande importance aux attributions contractuelles des fonctions, aux actifs et aux risques, ce qui pourrait mener à des résultats qui ne correspondent pas à la valeur créée par l’activité économique sous-jacente exercée par les membres d’un groupe multinational.

Le rapport final révise et conclut l’étude entreprise dans le projet de rapport sur les PT, et fournit des révisions aux Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert, en vue d’assurer que les résultats, en matière de prix de transfert, correspondent à la création de valeur. En plus d’abandonner les éventuelles mesures spéciales faisant partie du projet de rapport sur les PT (qui ont fait l’objet de critiques virulentes), le rapport final adopte une approche beaucoup plus nuancée en matière de risques. 

Comme nous l’avons vu plus haut, les principes révisés qui sont envisagés établissent un nouveau cadre d’analyse des prix de transfert, que nous aborderons plus en détail dans une prochaine publication d’Osler. Il convient de noter ce qui suit, aux termes des Principes révisés de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert :

  • La transaction réelle entre des entreprises associées dans un groupe multinational est déterminée, au besoin, en complétant les modalités du contrat par la preuve du comportement réel des parties. Lorsque les dispositions contractuelles sont incomplètes ou qu’elles entrent en contradiction avec le comportement, le comportement des parties peut remplacer les dispositions contractuelles.
  • Il est nécessaire de cerner les risques précis et leur incidence pour déterminer laquelle des entreprises associées assume le risque en matière de prix de transfert. Pour assumer un risque, une entreprise associée doit à la fois contrôler le risque et avoir la capacité financière d’assumer le risque.
  • La contribution réelle d’une entreprise associée qui ne fait que fournir le capital(p. ex. une entreprise de type « tiroir-caisse » (« cash box ») dépend du contrôle exercé par cette entreprise. Lorsque l’entreprise n’exerce pas de contrôle sur le risque d’investissement, elle ne devrait s’attendre qu’à un rendement sans risque.
  • Les administrations fiscales ne devraient pas disqualifier la transaction réelle, ni lui substituer d’autres transactions aux fins des prix de transfert, à moins que la transaction entre les entreprises associées d’un groupe multinational soit dépourvue de rationalité commerciale. La question clé est de savoir si la transaction réelle possède la rationalité commerciale d’accords qui auraient été convenus entre des parties non apparentées, dans des situations économiques comparables.
  • Les Principes révisés de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert fournissent certains nouveaux exemples expliquant la façon dont le comportement réel peut compléter ou remplacer les dispositions contractuelles par la « transaction réelle » :
  • Un contrat de mandat entre une société mère et une filiale est muet à propos des activités de marketing et de publicité, et la filiale lance une campagne média pour accroître la notoriété de la marque. Aux fins des prix de transfert, la transaction réelle n’est pas limitée au contrat de mandat, mais elle est complétée par le comportement réel de la filiale. (¶1.44)
  • Une société mère accorde une licence de propriété intellectuelle à une filiale moyennant des redevances, mais mène des négociations avec des tiers clients, fournit du soutien technique, affecte du personnel pour permettre à la filiale d’exécuter les contrats auprès des clients, et est une partie contractante conjointe auprès des clients. Aux fins des prix de transfert, la filiale n’est peut-être pas en mesure de fournir les services prévus au contrat sans l’apport de la société mère, et celle-ci contrôle le risque commercial, même si elle a accordé une licence. En pareil cas, la transaction réelle n’est pas définie par le contrat écrit, mais par le comportement des parties, ce qui englobe les fonctions réelles exercées, les actifs utilisés et les risques assumés.(¶1.48)
  • Une société engagée dans la fabrication possède une propriété commerciale sujette aux inondations. La propriété commerciale ne peut pas être assurée par des tiers, en raison de l’incertitude causée par son emplacement, et du fait qu’il n’y a pas de marché de l’assurance actif pour des propriétés semblables dans cette région. Une société apparentée offre une police d’assurance, moyennant une prime élevée. Comme il n’y a pas de marché pour l’assurance étant donné la perspective de réclamations importantes, la transaction est commercialement irrationnelle, et d’autres solutions plus attrayantes ou plus réalistes devraient être envisagées. Les solutions de rechange les plus attrayantes sont la possibilité d’un déménagement du fabricant, ou le fait de ne pas souscrire d’assurance. La transaction réelle ne serait pas reconnue, et les bénéfices du fabricant ne sont pas diminués par le versement de primes aux fins de prix de transfert. (¶1.126)
  • Une entreprise exerce des activités de recherche afin d’élaborer des biens incorporels qui serviront à la création de nouveaux produits. L’entreprise convient de transférer des droits illimités sur tous les biens incorporels futurs pendant une période de 20 ans à une société apparentée, moyennant un paiement forfaitaire. Il n’existe pas de moyen fiable de déterminer si le paiement correspond à une évaluation appropriée. Aux fins des prix de transfert, l’accord est commercialement irrationnel, car l’éventail d’activités de développement est incertain, et évaluer les résultats potentiels relève de la pure spéculation. L’accord, y compris la forme que prend le paiement, serait remplacé d’après les fonctions exercées, les actifs utilisés et les risques assumés.Cela pourrait signifier un remaniement de l’accord en vue d’en faire une opération de financement, ou la fourniture de services de recherche, ou une licence assortie de modalités de paiement conditionnelles. (¶1.128)

Biens incorporels difficiles à évaluer

En ce qui concerne les prix de transferts de biens incorporels, le rapport final énonce que les biens incorporels difficiles à évaluer couvrent les biens incorporels ou les droits sur les biens incorporels lorsqu’il n’existe pas de comparables fiables et que les projections des flux monétaires futurs ou les bénéfices tirés des biens incorporels sont très incertains au moment du transfert entre entreprises associées.

Lorsque les administrations fiscales trouvent difficile d’établir ou de vérifier les événements qui sont pertinents pour l'établissement du prix d'une transaction où entrent en jeu des biens incorporels difficiles à évaluer, le rapport final énonce que les administrations fiscales pourraient prendre en compte des résultats effectifs (ex post) en tant que preuve probante de la pertinence des arrangements anticipés (ex ante) en matière d’établissement de prix. Cette preuve probante peut toutefois être réfutée, s’il peut être démontré que cela n’affecte pas l’exactitude de la détermination du prix de pleine concurrence.

Afin d’assurer que l’approche susmentionnée n’est appliquée qu’aux situations où l’écart entre les résultats ex post et les projections ex ante est important, et que cet écart relève de développements ou d’événements qui étaient, ou qui auraient dû être, prévisibles au moment de la transaction, le rapport final établit que cette approche ne s’appliquera pas si l’une des quatre exceptions suivantes s’applique :

  • le contribuable fournit les détails des projections ex ante utilisées au moment du transfert pour déterminer les modalités d’établissement des prix et fournit une preuve digne de foi du fait que tout écart important entre les projets financiers et les résultats réels relève de faits nouveaux imprévisibles survenus après l’établissement du prix qu’il n’avait pas été possible de prévoir, ou de la probabilité que la survenue de résultats imprévisibles n’ait pas été considérablement surestimée, ni sous-estimée;
  • le transfert de biens incorporels difficiles à évaluer est couvert par des modalités d’établissement des prix bilatérales ou multilatérales entre les pays de l’auteur et du destinataire du transfert;
  • tout écart important entre les projections financières et les résultats réels mentionnés n’a pas pour effet de réduire ou d’augmenter la rémunération pour les biens incorporels difficiles à évaluer de plus de 20 % de la rémunération déterminée au moment de la transaction;
  • une période de commercialisation de cinq ans s’est écoulée depuis l’année au cours de laquelle les biens incorporels difficiles à évaluer ont généré des produits de parties non apparentées pour le destinataire du transfert, et pendant cette période de commercialisation, les écarts importants entre les projections financières et les résultats réels n’ont pas été supérieurs à 20 % des projections pour cette période.

Par conséquent, le rapport final reconnaît que lorsque le contribuable peut démontrer de façon satisfaisante ce qui était prévisible au moment de la transaction et qui se traduisait dans les hypothèses de prix, et que les faits nouveaux qui ont mené à l’écart entre les projections et les résultats sont le fruit d’événements imprévisibles, les administrateurs fiscaux ne seront pas habilités à faire des ajustements aux dispositions ex-ante en matière d’établissement des prix, en fonction des résultats ex post.

La méthode transactionnelle du partage des bénéfices

Le rapport final semble faire marche arrière quant à la possibilité de faire un plus grand usage de la méthode transactionnelle du partage des bénéfices (MTPB) envisagée dans le projet de rapport sur le partage des bénéfices. Le rapport reconnaît que la MTPB n’est peut-être pas simple à appliquer pour les contribuables, ou à évaluer pour les administrateurs fiscaux.

Le rapport final réitère que la MTPB peut être utile, particulièrement dans les situations où il n’existe pas de transactions comparables sur le marché libre, que la transaction concernée porte sur des biens incorporels, ou que des parties multiples exercent un contrôle sur un risque ou partagent les synergies d’un groupe découlant d’une action collective concertée et délibérée. Le rapport reconnaît cependant que, même dans ces situations, la MTPB ne sera pas nécessairement la méthode la plus appropriée. Le rapport final reconnaît en outre qu’à toutes fins pratiques, le mécanisme servant à effectuer l’analyse fonctionnelle nécessaire pour quantifier l’apport de chacune des parties (étape critique de l’application de la MTPB) n’est pas clair et peut varier selon les circonstances.

Le rapport final préconise l’élaboration de principes supplémentaires. Un projet de rapport sur ces principes sera publié en 2016, et sera suivi de consultations publiques en mai 2016. Les principes finaux devraient être publiés au cours du premier semestre de 2017.

Transactions portant sur des produits de base

Le rapport final présente de nouveaux principes concernant les transactions transfrontalières portant sur des produits de base, entre entreprises associées, dans le but d’uniformiser davantage la manière dont les administrateurs fiscaux et les contribuables déterminent les prix de pleine concurrence des transactions portant sur des produits de base, et d’assurer que les prix établis prennent en compte la création de valeur. À cet égard, ce qui suit sera ajouté aux Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert : 

  • La méthode du prix comparable sur le marché libre(PCML) est généralement la méthode la plus appropriée à utiliser pour les transactions de produits de base entre entreprises associées. Les prix du marché peuvent être utilisés dans le cadre de la méthode du PCML en tant que références pour déterminer le prix de pleine concurrence, car ils témoignent habituellement de l’accord intervenu entre des vendeurs et des acheteurs indépendants concernant le prix sur marché d’un produit de base (et de sa quantité) précis, négocié dans des conditions particulières, à un certain moment dans le temps.Cependant, des ajustements au titre de la comparabilité devraient être apportés au besoin pour assurer que les caractéristiques pertinentes au point de vue économique des transactions contrôlées et sur le marché libre sont suffisamment comparables.
  • L’un des facteurs particulièrement pertinents, dans les transactions portant sur des produits de base, est la date de l’établissement des prix, c’est-à-dire une date, une période ou un moment précis, sélectionné(e) par les parties pour déterminer le prix des transactions portant sur les produits de base. Cette disposition est conçue pour empêcher les contribuables d’utiliser les dates d’établissement des prix, dans les contrats, qui permettraient de tirer parti des prix du marché les plus avantageux.Lorsque le contribuable peut fournir une preuve de la date d’établissement du prix convenue par les entreprises associées au moment où la transaction a été conclue et que cela correspond au comportement réel des parties, les administrations fiscales devraient établir le prix de la transaction portant sur le produit de base en fonction de la date d’établissement du prix convenue. Si la date d’établissement du prix précisée dans une entente écrite est incompatible avec le comportement des parties, les administrateurs fiscaux peuvent fixer une date d’établissement du prix différente, en fonction de ce qu'auraient convenu des entreprises indépendantes dans une situation comparable. Lorsqu’il n’existe aucune preuve d’une date d’établissement du prix convenue, les administrations fiscales peuvent estimer cette date en se fondant sur les faits (c.-à-d. que les dispositions permettraient aux autorités fiscales de considérer la date d’expédition comme la date de fixation du prix, dans le cadre de la transaction portant sur le produit de base).

Services intragroupe à faible valeur ajoutée

En réponse à l’impératif de l’Action 10 de se prémunir contre les types les plus fréquents de paiements ayant pour effet d’éroder la base d’imposition, comme les frais de gestion et les dépenses du siège social, le rapport final présente une révision du chapitre VII des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert, de manière à inclure une approche simplifiée et facultative à l'établissement du prix des services intragroupe à faible valeur ajoutée.

L’approche simplifiée, qui peut être utilisée dans le cas de certains services de soutien ne faisant pas partie des activités fondamentales du groupe multinational, applique une majoration de la marge bénéficiaire de 5 % (par rapport à 2 % à 5 % dans le projet de rapport sur les SIG) à un groupement de coûts associé aux services qui profitent à de nombreux membres du groupe et qui sont répartis entre les membres du groupe en fonction d’une clé de répartition uniforme. Cette approche vise à alléger le fardeau de la conformité en ce qui a trait à la fixation et à la démonstration de prix de libre concurrence, à offrir la certitude que les prix seront acceptés par les autorités fiscales, et à permettre un examen efficace de la documentation par les administrateurs fiscaux.

De façon générale, on s’attend à ce que les groupes multinationaux qui veulent se prévaloir de cette approche simplifiée appliquent celle-ci de manière uniforme, à l’échelle du groupe, et dans tous les pays où ils exercent des activités et qui ont adopté l’approche simplifiée.

Le rapport final précise que les pays participants ont convenu d’un plan de mise en œuvre selon lequel un large éventail de pays adopteraient l’approche simplifiée facultative avant 2018. Le rapport prévoit également que certains pays puissent fixer un seuil au-delà duquel les administrateurs fiscaux pourraient rejeter la demande relative à l’approche simplifiée et exiger une analyse fonctionnelle et de comparabilité complète. Le rapport final prévoit que les travaux de suivi relativement aux critères de seuil et aux problèmes de mise en œuvre seront entrepris en 2016.

Accords de répartition des coûts

Le rapport final présente des principes destinés à prévenir l’utilisation d’accords de répartition des coûts (ARC) pour contourner l’application du principe de pleine concurrence. Les ARC sont des accords contractuels utilisés par les entreprises pour partager les contributions et les risques inhérents au développement, à la production ou à l’obtention d’actifs ou de services de manière conjointe, en prévision du fait que les actifs ou les services qui en résulteront seront mutuellement et proportionnellement exploités par les entreprises (conjointement ou séparément).

Le rapport final clarifie les circonstances dans lesquelles une entreprise sera considérée comme participant à un ARC. Le rapport note que l’approche normale de la délimitation de la transaction (y compris la répartition du risque) et de l’évaluation et de l’établissement du prix des biens incorporels, s’applique aux ARC. De plus, il exige que les contributions aux ARC, particulièrement les biens incorporels, ne soient pas évaluées au coût lorsque le fait de le faire entraînerait vraisemblablement des résultats qui ne dénotent pas une pleine concurrence. Le rapport final atténue quelque peu l’exigence selon laquelle les contributions soient mesurées en fonction de la valeur.

Action 13 – Documentation des prix de transfert et déclarations pays par pays

De nombreux pays, dont le Canada, peuvent imposer d’importantes sanctions en matière de d’établissement de prix de transfert lorsque les contribuables omettent de documenter adéquatement les transactions transfrontalières entre parties apparentées. Dans certaines situations, la documentation exigée peut être assez onéreuse, et les coûts de conformité ne font que s’amplifier lorsque différents pays imposent différentes exigences quant à la présentation de l’information. L’Action 13 est centrée sur la révision des normes actuelles employées par les autorités fiscales en ce qui a trait aux exigences de documentation des prix de transfert et aux déclarations pays par pays en vue d’accroître la transparence et de réduire les coûts de la conformité (ou, à tout le moins, de réduire le risque que ces coûts n’augmentent à la suite de la publications des rapports finaux du BEPS).

Contexte

Les résultats de l’Action 13 ont été publiés le 16 septembre 2014, dans le cadre de l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS (le Rapport sur la documentation). Pour plus amples renseignements relatifs au Rapport  sur la documentation, veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler daté du 16 septembre 2014.

L’Action 13 est l’une des Actions du BEPS dont l’évolution a été parmi les plus rapides : un nouveau chapitre V (Documentation) pour les Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert a été publié en même temps que le Rapport sur la documentation, et un dispositif de mise en œuvre pour les déclarations pays par pays a été diffusé le 8 juin 2015.

Le rapport final

Le rapport final ne contenait pas de nouvelle disposition de fond ou de nouveau principe tirés des résultats précédents de septembre 2014. L’accent demeure placé sur l’établissement d’une approche normalisée de la documentation des prix de transfert : on exige des groupes multinationaux (et de leurs membres) qu’ils créent et déposent un « fichier principal » et un « fichier local », et, des groupes multinationaux dont le chiffre d’affaires consolidé est d’au moins 750 millions d’euros, une « déclaration pays par pays ». Veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler du 16 septembre 2014 pour obtenir plus de détails sur les exigences imposées dans chaque cas.

Le rapport final contient de nouveaux détails concernant la mise en œuvre des recommandations.  Les recommandations doivent être mises en œuvre au moyen de mesures législatives nationales, et, dans le cas de la déclaration pays par pays, un modèle de législation a été créé. Il est recommandé que la législation nationale exige que le fichier principal et le fichier local soient déposés directement auprès de l’administration fiscale locale et que la société mère ultime d’un groupe multinational soit tenue de déposer la « déclaration pays par pays » dans son territoire de résidence, au cours de l’année qui suit l’année d’imposition pertinente.

Le rapport final recommande que la déclaration pays par pays soit exigée pour les années d’imposition débutant à compter du 1er janvier 2016, ce qui signifie que les premières déclarations pays par pays seraient exigibles le 31 décembre 2017 pour les groupes multinationaux dont l’exercice se termine à la fin de l’année civile. Les déclarations pays par pays seront automatiquement communiquées par l’autorité compétente du territoire où la déclaration est déposée aux administrations fiscales des territoires pertinents. L’autorité compétente aura six mois pour examiner et faire suivre la déclaration pays par pays, dans le cas de celles qui auront été déposées avant la fin de 2017, l’échéance pour communiquer les futures déclarations étant ramenée à trois mois après le dépôt. L’OCDE prévoit élaborer un modèle électronique et un guide de l’utilisateur afin de faciliter l’échange électronique des déclarations pays par pays.

La mise en œuvre de cette Action se fera sous la surveillance de l’OCDE, et sera passée en revue en 2020.

f) Transparence

Action 11 – Mettre au point des méthodes permettant de collecter et d’analyser des données sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices

L’un des principaux problèmes liés au Projet BEPS de l’OCDE a été d'obtenir des données exactes sur l’incidence du phénomène BEPS. L’Action 11 vise à combler ces lacunes en matière de données et à mettre au point des méthodes de collecte et d’analyse de l’étendue et de l’incidence économique du BEPS. L’Action 11 vise aussi à élaborer des outils qui permettront de surveiller et d’évaluer l’efficacité et l’incidence économique des mesures prises pour remédier au BEPS.

Contexte

L’OCDE a publié un projet de rapport sur l’Action 11 le 16 avril 2015 (le projet de rapport sur l’Action 11), centré sur l’amélioration de l’analyse du BEPS.

Le rapport final

Bien que le rapport final sur l’Action 11 reconnaisse que les indicateurs BEPS suivants confirment que des transferts de bénéfices ont bien lieu, qu’ils ont une ampleur considérable et qu’ils sont probablement appelés à croître encore et à créer des distorsions économiques, ces indicateurs et toutes les analyses de BEPS sont considérablement limités par les données actuellement disponibles. Néanmoins, les conclusions des travaux réalisés depuis 2013 donnent une idée de l’ordre de grandeur que ce problème peut atteindre puisque, selon les estimations, il occasionne des pertes de recettes représentant entre 4 % et 10 % du montant total des recettes publiques collectées dans le monde grâce à l’impôt sur les bénéfices des sociétés, soit entre 100 et 240 milliards de dollars US. Les indicateurs suivants de pratiques BEPS sont présentés dans le rapport final :

  • Les taux de profit des filiales d’entreprises multinationales situées dans des pays à faible fiscalité sont supérieurs au taux de profit moyen des groupes à l’échelle mondiale.
  • On estime que les taux d’imposition effectifs auxquels sont soumises les grandes multinationales sont inférieurs de 4 à 8,5 points de pourcentage à ceux qui sont appliqués à des entreprises similaires exerçant leurs activités uniquement sur le territoire national.
  • L’investissement direct étranger (IDE) est de plus en plus concentré.
  • La dissociation entre les bénéfices imposables et la localisation de l’activité créatrice de valeur est particulièrement visible dans le cas des actifs incorporels, et le phénomène prend rapidement de l’ampleur.
  • L’endettement à l'égard des parties liées et à l'égard de tierces parties a tendance à se concentrer dans les filiales d’entreprises multinationales situées dans des pays où le taux d’imposition est plus élevé.

Cependant, les données actuellement disponibles ne couvrent pas tous les pays, ni toutes les entreprises, et souvent, ne rendent pas compte  du montant des impôts réellement acquittés. En outre, il a été difficile, dans les analyses consacrées jusqu’ici aux transferts des bénéfices, de dissocier les effets des pratiques BEPS des facteurs économiques réels et des retombées des choix de politique fiscale délibérés des États (bien que l’analyse empirique dans ce rapport, ainsi que plusieurs études académiques, confirme que des règles anti-évitement strictes réduisent les transferts de bénéfices dans les pays qui ont adopté de telles mesures).

Par conséquent, le rapport final préconise que l’OCDE collabore avec les États pour qu’ils recueillent et analysent davantage de statistiques sur l’imposition des entreprises, et qu’ils les présentent de manière cohérente. Les recommandations contenues dans le rapport à cet égard visent principalement à améliorer l’accès aux données et l’analyse des données existantes, et à proposer la collecte de données nouvelles au titre de l'Action 5 (Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance), de l'Action 13 (Documentation des prix de transfert et déclarations pays par pays), et de l'Action 12 (Règles de communication obligatoire d’informations) du Projet BEPS. Le fait d’améliorer l’accès aux données devrait permettre aux administrations et aux chercheurs d’être davantage à même, dans le futur, de suivre et de mesurer le phénomène BEPS ainsi que les actions engagées pour l’enrayer.

Action 12 – Obliger les contribuables à faire connaître leurs dispositifs de planification fiscale agressive

Un certain nombre de pays, dont le Canada, obligent les contribuables à divulguer leurs stratégies de planification fiscale agressive. L’Action 12 vise à assurer que d’autres pays adoptent des mesures semblables afin d’aider les autorités fiscales à cerner les nouveaux risques spécifiques de BEPS et à déceler rapidement les tendances à la planification fiscale « agressive ». 

Contexte

Le 31 mars 2015, l’OCDE a publié un projet de rapport sur l’Action 12, axé sur la conception et la mise en œuvre de règles de communication obligatoire d’informations.

Le rapport final

Le rapport final offre un cadre général visant principalement à permettre aux pays qui ne se sont pas encore dotés de règles de communication obligatoire d’informations de concevoir un régime adapté à leur situation et à leurs besoins particuliers. Les recommandations du rapport final ne représentent pas une norme minimale, et les pays sont libres de décider de mettre en place ou non un régime de communication obligatoire d’informations. En fait, bien des pays, dont le Canada, ont déjà instauré de tels régimes.

Le rapport final présente les objectifs principaux des régimes de communication obligatoire d'information :

(a) accroître la transparence en fournissant aux administrations fiscales des informations en temps opportun concernant les montages fiscaux potentiellement agressifs ou abusifs;

(b) identifier les fiscalistes et les utilisateurs de ces montages;

(c) dissuader les contribuables de s’engager dans de tels montages.

Le rapport final poursuit en présentant ses recommandations relatives aux caractéristiques fondamentales d’un régime de communication obligatoire d’informations, qui sont les suivantes :

  • Imposer une obligation déclarative incombant simultanément au fiscaliste et au contribuable participant au montage, ou à défaut, au premier chef, au fiscaliste ou au contribuable. Le rapport final recommande que, lorsque l’obligation incombe au fiscaliste, le calendrier de communication des informations soit coordonné avec l’offre du montage aux contribuables, et que lorsque l’obligation incombe au contribuable, le calendrier soit lié à la mise en œuvre du montage.
  • Inclure une combinaison de marqueurs spécifiques et de marqueurs généraux.La présence de ces marqueurs devrait déclencher une obligation déclarative. Les marqueurs généraux correspondent habituellement à des caractéristiques communes aux montages visant à échapper à l’impôt, comme l’existence d’une clause de confidentialité ou le versement d’une prime de résultat. Les marqueurs spécifiques ciblent des aspects présentant un risque particulier, comme les pertes. Les règles du Canada sur les « opérations à déclarer » reposent déjà sur l’utilisation de tels marqueurs, et exigent la communication des opérations lorsqu’au moins deux marqueurs généraux sont présents.
  • Mettre en place un mécanisme de suivi des informations communiquées et d’identification des fiscalistes ou des participants à répétition aux montages fiscaux. Par exemple, au Canada, le promoteur d’un abri fiscal doit obtenir un numéro d’inscription de l’abri fiscal avant d’en faire la promotion, et il doit fournir à l’ARC une liste des investisseurs ou des participants. Le rapport final recommande l’adoption de caractéristiques semblables à celles qui sont déjà en place au Canada.
  • Introduire des sanctions (y compris des sanctions non pécuniaires, comme la suspension de la validité juridique d’un montage lorsqu’il n’a pas fait l’objet d’une divulgation). Au Canada, de telles sanctions pécuniaires et non pécuniaires sont déjà prévues par le régime existant de communication obligatoire d’informations.

Le rapport final présente aussi certaines recommandations relatives aux régimes de communication obligatoire d’informations visant précisément à combattre les montages fiscaux internationaux qui peuvent mettre en cause de multiples parties, et des avantages fiscaux dans différents territoires. Plus particulièrement, le rapport final recommande que :

(a) les pays développent des marqueurs qui ciblent les « pratiques transfrontalières de BEPS » qui les préoccupent;

(b) les contribuables qui se livrent à des transactions intragroupe ayant des conséquences fiscales importantes entreprennent des démarches raisonnables pour déterminer si la transaction fait partie d’un dispositif qui comprend un « résultat transfrontalier » devant être spécifiquement déclaré en vertu du régime de communication obligatoire d’informations en vigueur dans leur territoire d’origine.

Outre les exigences de déclarations canadiennes susmentionnées, il convient de noter qu’en conformité avec le concept de « résultat transfrontalier », le Canada exige aussi la communication de certains avoirs étrangers (comme des filiales étrangères, des sociétés étrangères affiliées contrôlées et la proprité de certains biens à l’étranger au-delà d’un certain seuil).

Action 14 – Accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends

L’OCDE a reconnu que les actions visant à prévenir les cas de BEPS doivent être complétées par des actions qui procurent une certitude et de la prévisibilité pour les entreprises. Ainsi, l’Action 14 recommande d’apporter des modifications à la procédure amiable, de façon que les différends fiscaux, à l’échelle internationale, puissent être résolus plus efficacement et que les contribuables aient davantage de certitude quant à leur traitement fiscal.

Contexte

Un projet de rapport sur l’Action 14 a été publié le 18 décembre 2014; il abordait notamment la possibilité d’inclure des clauses d’arbitrages dans le Modèle de convention fiscale de l’OCDE.

Le rapport final

Le rapport final reconnaît l’importance fondamentale de la procédure amiable dans l’application et l’interprétation appropriées du Modèle de convention fiscale de l’OCDE. Il établit une norme minimale pour la résolution des différends relatifs aux conventions, et prévoit des modifications connexes au Modèle de convention. La norme minimale exige que les pays respectent pleinement et de bonne foi les obligations relatives à la procédure amiable et qu’ils assurent l’accès à la procédure amiable aux contribuables admissibles, et la résolution des différends en temps opportun (en moyenne, dans des délais de 24 mois). Le rapport recommande que les cas dans lesquels le contribuable est en désaccord avec l’application d’une règle anti-abus soient admissibles à la procédure amiable; si cette modification est adoptée, elle devrait contribuer à réduire le nombre de cas qui ne sont admissibles ni à la procédure amiable, ni à un arbitrage exécutoire.

Le rapport final engage les pays membres de l’OCDE à mettre en œuvre rapidement et efficacement la norme minimale, au moyen d’un mécanisme fiable de suivi exercé par les pairs, grâce auquel le G20 sera informé par l’intermédiaire du Comité des affaires fiscales. La méthode d’évaluation du processus de surveillance sera élaborée en 2016. Le rapport final comporte également une série de pratiques exemplaires conçues pour soutenir la norme minimale.

En plus de souscrire à la norme minimale, 20 pays, dont le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni, se sont engagés à prévoir une procédure d’arbitrage exécutoire dans leurs conventions fiscales bilatérales.  Ces 20 pays représentaient plus de 90 % des cas de différends en cours de règlement par la procédure amiable (à la fin de 2013). La disposition relative à la procédure d’arbitrage obligatoire et contraignante sera élaborée au cours des négociations sur l’instrument multilatéral, comme il a été établi à l’Action 15. Le rapport final note que les 20 pays ne se sont pas mis d’accord sur le fait que tous les cas seront admissibles à un arbitrage dans le cadre de la procédure amiable, ou s’il ne s’agira que d’un sous-ensemble de cas bien définis.

Malgré les recommandations dans le rapport final quant à l’Action 14, les différends fiscaux relatifs au BEPS à l’échelle internationale devraient enregistrer une forte hausse.  Plus particulièrement, le rapport final combine des règles suffisamment ambiguës à un vaste accès à des données financières, ce qui fera inévitablement en sorte que bien des pays tenteront de percevoir des recettes fiscales supplémentaires auprès des sociétés.  En l’absence de règles de répartition particulières pour éviter la double imposition, ou d’un mécanisme de résolution des différends rapide et contraignant, les contribuables pourraient se trouver souvent pris entre deux feux.  Le fait d'aller de l’avant avec les autres recommandations relatives au BEPS avant la mise en œuvre complète de mécanismes de résolution de différends efficaces est comme envoyer une voiture neuve dévaler une pente, avant d’avoir vérifié (ou même, dans certains cas, installé) les freins.

g) Mise en œuvre

Action 15 – L’élaboration d’un instrument multilatéral

En vue d’enrayer les pratiques BEPS d’une manière ciblée et synchronisée, l’Action 15 a été créée pour élaborer un instrument multilatéral qui pourrait être utilisé comme solution de rechange à la modification individuelle de plus de 3 500 conventions fiscales bilatérales qui pourraient être touchées par le Projet BEPS.

Contexte

Les résultats de l’Action 15 ont été publiés le 16 septembre 2014, dans le cadre de l’ensemble de résultats 2014 au titre du Projet BEPS. Pour plus amples renseignements sur ces résultats, veuillez consulter notre bulletin d’Actualités Osler daté du 16 septembre 2014. Ce rapport préliminaire concluait qu'un instrument multilatéral est à la fois a) réaliste, en fonction de précédents autres que fiscaux; et b) souhaitable pour assurer la viabilité du cadre consensuel visant à éliminer la double imposition des échanges et des investissements transfrontaliers. 

Le rapport final

Le rapport final note que l’objectif de l’Action 15 est de rationaliser la mise en œuvre de mesures BEPS relatives aux conventions fiscales. Un mandat relatif à la mise en place d’un Groupe ad hoc (ci-après « le Groupe ») chargé de l’élaboration d’un instrument multilatéral a été approuvé par le Comité des affaires fiscales de l’OCDE et avalisé par les ministres des Finances des pays du G20, en février 2015. Le Groupe est ouvert à tous les pays intéressés, sur un pied d’égalité. Le Groupe a entrepris ses travaux en mai 2015, avec pour objectif de les conclure et d’ouvrir l’instrument multilatéral à la signature d’ici au 31 décembre 2016.

Jusqu’à maintenant, environ 90 pays participent au travaux, sur un pied d’égalité. Les États-Unis ont brillé par leur absence, dans le cadre de ce processus. Les représentants des États-Unis ont déclaré qu’à moins que l’instrument multilatéral ne comporte un arbitrage exécutoire, il pourrait n'y avoir aucun bénéfice pour les États-Unis à y participer, particulièrement du fait que les diverses autres initiatives relatives au BEPS ont exigé beaucoup de temps et de ressources déjà restreintes.

Bien que cela ne soit pas abordé dans le rapport final, il semble y avoir un grand nombre de questions non résolues relativement à l’instrument multinational, notamment : (a) des procédures de révision ou de mise à jour de l’instrument multilatéral, une fois qu’il aura été adopté; (b) des différences dans les procédures de ratification entre divers pays; (c) des différences de point de vue entre les pays sur la façon dont certaines dispositions devraient être rédigées ou interprétées; (d) des langues officielles différentes pour des conventions différentes; (e) la question de savoir s’il doit y avoir un accord sur les commentaires d’accompagnement; (f) la possibilité d’incidence sur l’équilibre dans la négociation bilatérale originale des conventions (en modifiant certaines dispositions, mais pas toutes); et (g) la mesure dans laquelle les pays pourraient vouloir faire une sélection minutieuse de seulement quelques dispositions qu’ils pourraient décider de mettre en œuvre. 

Même si l’OCDE dispose d’un Modèle de convention fiscale depuis de nombreuses années, pratiquement aucune convention fiscale bilatérale n’a simplement adopté ce modèle. De plus, les pays en développement ont, en grande partie, opté pour une approche distincte, fondée sur le modèle de convention de l’ONU. Par conséquent, il sera intéressant de voir dans quelle mesure un grand nombre de pays accepteront d’adopter un langage commun dans les dispositions importantes des conventions fiscales.

Pour en savoir plus sur l’initiative BEPS (notamment les rapports 2015 au titre du projet BEPS) et le régime fiscal international du Canada, veuillez communiquer avec l’un des membres de notre groupe de droit fiscal.