Les révisions du projet de règles de RDEIF incluses dans le projet de loi d’exécution

4 Jan 2023 13 MIN DE LECTURE

Le groupe national de fiscalité d'Osler a préparé une analyse approfondie de ces développements. Voir nos bulletins d’actualités sur le projet de loi C-59 et les crédits d'impôt pour l'énergie propre.

La Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023 comprend diverses mesures fiscales qui ont été présentées au Parlement le 30 novembre 2023 sous la forme du projet de loi C‑59. Le gouvernement fédéral canadien a également publié le même jour des notes explicatives [PDF] concernant la plupart des mesures figurant dans le projet de loi C‑59, y compris les règles de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement (RDEIF).

Le projet de loi C‑59 contient un certain nombre des révisions du projet de règles de RDEIF annoncées pour la première fois dans le budget de 2021. Le projet de règles de RDEIF vise à restreindre la déductibilité des dépenses d’intérêts et de financement (DIF), après déduction des revenus d’intérêts et de financement (RIF), que le gouvernement canadien considère comme « excessives » par rapport aux bénéfices ou, plus précisément, qui dépassent un ratio fixe égal à 30 % du revenu imposable rajusté (RIR) (ou, dans certaines circonstances, un ratio de groupe supérieur).

L’avant-projet de loi relatif aux règles de RDEIF a été initialement publié le 4 février 2022, puis révisé les 3 novembre 2022 et 4 août 2023 (collectivement, les projets de règles de RDEIF précédents).

Dans le projet de loi, les règles de base relatives au régime de RDEIF figurent aux nouveaux articles 18.2 et 18.21 et au nouvel alinéa 12(1)l.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la Loi).

Date d’entrée en vigueur et règles transitoires

Les règles de RDEIF doivent toujours entrer en vigueur à la date initialement proposée. De manière générale, une fois promulguées, elles s’appliqueront aux sociétés et aux fiducies à compter de leur année d’imposition commençant après septembre 2023. Le ratio fixe de 40 % pour l’année transitoire ne s’appliquera qu’aux années d’imposition commençant avant le 1er janvier 2024.

Entité exclue – modification du seuil minimum pour les sociétés étrangères affiliées dans le cadre de l’exception pour les sociétés nationales

Les règles de RDEIF prévoient que le contribuable qui est une « entité exclue » est exonéré des règles. La définition d’« entité exclue » prévoit trois grandes exceptions, communément appelées l’exception pour les petites SPCC, l’exception de minimis et l’exception pour les sociétés nationales.

Aux termes des projets de règles de RDEIF précédents, le contribuable qui faisait partie d’un groupe n’ayant pas de participation étrangère importante et ayant peu d’activités ou d’entités à l’extérieur du Canada pouvait généralement bénéficier de l’exception pour les sociétés nationales. Plus précisément, dans les projets de règles de RDEIF précédents, l’exception pour les sociétés nationales était conditionnelle, entre autres, au fait que le contribuable fasse partie d’un groupe dont le portefeuille d’actions de sociétés étrangères affiliées ne dépasse pas un seuil de 5 millions de dollars.

Le seuil de 5 millions de dollars était franchi si le coût comptable de l’ensemble des actions des sociétés étrangères affiliées détenues par le groupe dépassait 5 millions de dollars ou si la juste valeur marchande des actifs de l’ensemble des sociétés étrangères affiliées détenues par le groupe dépassait 5 millions de dollars. Cela signifiait que, si un contribuable ne possédait que 10 % des actions d’une société étrangère affiliée dont les actifs valaient 6 millions de dollars, le seuil de 5 millions de dollars était dépassé et l’exception pour les sociétés nationales ne s’appliquait pas. Le projet de loi C‑59 prévoit désormais que seule la participation proportionnelle du groupe du contribuable dans la valeur des actifs des sociétés étrangères affiliées est prise en compte. Il s’agit d’un changement bienvenu, car il reflète plus fidèlement l’intérêt économique réel du groupe dans la société étrangère affiliée. Toutefois, cela peut encore conduire à l’application des règles lorsqu’un grand groupe d’entreprises multinationales détient un investissement relativement modeste dans une société étrangère affiliée.

Le projet de loi C‑59 clarifie également la façon dont les sociétés de personnes ayant des sociétés étrangères affiliées sont traitées dans le contexte de l’exception pour les sociétés nationales. Si un contribuable ou une entité du groupe est un associé d’une société de personnes et que cette société de personnes a une participation dans une société étrangère affiliée, la société étrangère affiliée sera considérée comme une société étrangère affiliée de la société de personnes elle-même, mais pas des associés de la société de personnes.

Dépenses d’intérêts et de financement

Selon le projet de règles de RDEIF, un contribuable doit inclure dans ses DIF les montants décrits dans l’élément A (par exemple, les dépenses d’intérêts et de financement typiques) et déduire les montants décrits dans l’élément B.

L’alinéa e) de l’élément A inclut dans les DIF les sommes payées ou payables ou une perte qui n’est pas décrite par ailleurs dans l’élément A mais qu’il est raisonnable de considérer comme faisant partie du coût du financement concernant un emprunt ou un autre financement du contribuable ou d’une personne ou société de personnes avec laquelle il a un lien de dépendance, ainsi que certains arrangements auxiliaires. Une perte en capital pourrait être visée par l’alinéa e), par exemple une perte de change qui est réputée être une perte en capital en vertu du paragraphe 39(2). Les notes explicatives précisent le moment où une perte en capital déductible décrite à l’alinéa e) doit être incluse dans le calcul des DIF : la perte en capital déductible est incluse dans le calcul des DIF au cours de l’année où la perte est réalisée seulement dans la mesure où elle compense les gains en capital imposables au cours de cette année; autrement, la perte en capital déductible n’est pas incluse dans le calcul des DIF avant l’année où la perte est déductible en vertu de l’alinéa 111(3)b).

Revenus d’intérêts et de financement

La définition de RIF est un concept important, car chaque dollar de RIF permet au contribuable de déduire un dollar correspondant de DIF. Comme pour les DIF, les RIF s’entendent des montants décrits dans l’élément A (par exemple, les revenus d’intérêts, les revenus provenant des frais ou d’une somme similaire relativement à une garantie, etc.), moins les montants décrits dans l’élément B.

Le projet de loi C‑59 élargit certains montants qui sont décrits dans l’élément B et déduits dans le calcul des RIF à l’égard d’une perte ou d’une perte en capital découlant d’un prêt ou d’un autre financement dû au contribuable ou fourni par lui, ou de certains arrangements de couverture accessoires.

Le projet de loi C‑59 exclut également des RIF tout revenu qui n’est pas assujetti à l’impôt en raison d’une loi du Parlement.

La définition d’« intérêts pertinents entre sociétés affiliées » est modifiée par l’ajout d’une formule permettant de calculer la somme à inclure dans les RIF de la société affiliée bénéficiaire.

Revenu imposable rajusté

Le RIR correspond au revenu imposable du contribuable qui est décrit dans l’élément A, sous réserve de certains ajouts dans l’élément B et de certaines déductions dans l’élément C. Plus le RIR d’un contribuable est élevé, plus sa capacité à déduire les DIF est grande.

Le projet de loi C‑59 apporte quelques modifications au calcul du RIR, y compris une règle de continuité des pertes en ce qui concerne les pertes autres qu’en capital d’une filiale qui deviennent des pertes de la société mère à la suite de la liquidation de la filiale. Les projets de règles de RDEIF précédents contenaient une règle similaire pour les fusions.

Dépenses d’intérêts et de financement exonérées pour les projets des PPP canadiens

La définition de « dépenses d’intérêts et de financement exonérées » (DIFE) est pertinente aux fins de l’exonération des règles de RDEIF pour les DIF qui sont engagées dans le cadre du financement de certains projets des partenariats public-privé (PPP) canadiens.

Le projet de loi C‑59 ne modifie pas le concept de DIFE de manière significative. Toutefois, dans les notes explicatives, le ministère des Finances élargit son analyse des DIFE et fournit des indications supplémentaires sur le traitement des DIFE, la justification des DIFE (selon le ministère des Finances, elles ne posent pas de problème en ce qui concerne l’érosion de la base d’imposition) et la manière dont les revenus (ou les pertes) attribuables aux activités financées au moyen d’emprunts qui donnent lieu à des DIFE par rapport à d’autres types de financement (par exemple, un financement par capitaux propres) devraient être déduits (ou réintégrés) dans le calcul du RIR afin de ne pas fausser injustement le RIR.

En vertu du projet de loi C‑59, les contribuables qui ont des DIFE devront déclarer des renseignements précis concernant leurs DIFE en plus des autres renseignements qu’ils peuvent déjà être tenus de déclarer en la forme prescrite en application des règles de RDEIF.

Dépense d’intérêts et de financement restreinte et ajout au titre des pertes en capital

Les projets de règles de RDEIF précédents contenaient un nouvel attribut fiscal au paragraphe 111(8), appelé « dépense d’intérêts et de financement restreinte » (DIFR), qui, de manière générale, incluait le montant des DIF du contribuable qui n’était pas déductible en raison des règles de RDEIF ainsi que tout montant inclus dans le revenu du contribuable relativement à sa part des DIF d’une société de personnes dont il était un associé. De manière générale, un contribuable pourra déduire sa DIFR au cours des années d’imposition où il dispose d’une capacité excédentaire ou d’une capacité reçue d’un autre membre du groupe.

Le projet de loi C‑59 prévoit un ajout à la DIFR dans la mesure où une perte en capital déductible ne peut servir à compenser des gains en capital imposables dans une année en cours ou n’est pas déductible en vertu de l’article 111 dans une autre année en application des règles de RDEIF.

Élargissement de la définition d’« entités du groupe d’institutions financières »

Les règles de RDEIF limitent la capacité d’une « entité du groupe d’institutions financières » à transférer sa capacité excédentaire à d’autres membres du groupe, principalement parce que les entités du groupe d’institutions financières sont censées avoir des RIF supérieurs à leurs DIF. Dans les projets de règles de RDEIF précédents, par entités du groupe d’institutions financières, on entendait notamment les banques, les caisses de crédit, les compagnies d’assurance, les entreprises offrant au public des services de fiduciaire, les institutions financières dont l’activité consiste, entre autres, à prêter de l’argent à des personnes n’ayant pas de lien de dépendance et à acheter des titres de créance à des parties n’ayant pas de lien de dépendance, ainsi que certaines entités admissibles du groupe.

Le projet de loi C‑59 élargit cette définition par l’inclusion des entités ou des sociétés de personnes qui sont des entités admissibles du groupe relativement à la plupart des autres catégories d’entités du groupe d’institutions financières et qui tirent principalement des revenus de la gestion de portefeuille, de la prestation de conseils en placement, de l’administration de fonds ou de la gestion de biens immobiliers.

Choix de la capacité excédentaire pour les années antérieures au régime

De manière générale, les projets de règles de RDEIF précédents permettent aux contribuables qui sont des sociétés canadiennes imposables ou des fiducies commerciales à participation fixe au sein d’un groupe admissible de choisir de transférer la « capacité excédentaire cumulative inutilisée » aux membres admissibles du groupe. De manière générale, la capacité excédentaire cumulative inutilisée pour une année correspond au total de la « capacité excédentaire » des années précédentes et de la capacité excédentaire des trois années précédant immédiatement le régime de RDEIF si un choix valide est effectué, moins la « capacité absorbée » et les montants transférés à un autre groupe au cours des années précédentes.

Le projet de loi C‑59 stipule que des renseignements supplémentaires doivent être fournis si l’on choisit d’ajouter de la capacité excédentaire pour les années antérieures au régime. Ces renseignements supplémentaires comprennent les intérêts excédentaires, la capacité excédentaire et la capacité excédentaire nette pour le contribuable et chaque entité admissible du groupe antérieure au régime pour les années antérieures au régime. Si un choix ne contient pas les renseignements pertinents, les montants au titre de la capacité excédentaire pour les années antérieures au régime sont réputés être nuls. Le projet de loi C‑59 prévoit un certain allégement lorsqu’un choix doit être modifié à la suite d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation.

Le projet de loi C‑59 exclut également, à l’égard des personnes exonérées de l’impôt en vertu de la partie I de la Loi, les montants devant être inclus dans le calcul de la capacité excédentaire antérieure au régime.

Autres propositions relatives aux sociétés de personnes

Le projet de loi C‑59 contient un certain nombre d’autres modifications techniques applicables aux sociétés de personnes, notamment en ce qui concerne le calcul des « dépenses d’intérêts et de financement de la société affiliée pertinents » et des « revenus d’intérêts et de financement de la société affiliée pertinents », qui sont des concepts susceptibles d’être pris en compte dans le calcul des DIF et des RIF en amont d’un contribuable résidant au Canada.

Si vous avez des questions ou si vous souhaitez une analyse plus approfondie du projet de loi C‑59 et des révisions du projet de règles de RDEIF, n’hésitez pas à communiquer avec l’un des membres de notre groupe national de droit fiscal.