Loi de 2018 modifiant des lois en ce qui concerne le cannabis : Adoption d’un régime réglementaire sur le cannabis par le gouvernement de l’Ontario

18 Oct 2018 9 MIN DE LECTURE

Le gouvernement conservateur de l’Ontario a annoncé le 13 août 2018 que « [p]our vendre du cannabis, le gouvernement de l’Ontario ne gérera pas de magasins ayant pignon sur rue. » L’Ontario, à la place, mettra en œuvre un modèle de distribution pour les détaillants du secteur privé d’ici le 1er avril 2019. Il s’agit d’un changement spectaculaire par rapport au plan du gouvernement libéral précédent, qui prévoyait l’ouverture de 150 magasins physiques de vente de cannabis en Ontario (pour ensuite envisager la création d’une filiale de la Régie des alcools de l’Ontario) au plus tard en 2020.[1]

Pour appliquer ce changement, le gouvernement de l’Ontario a adopté le projet de loi 36, intitulé Loi de 2018 modifiant des lois en ce qui concerne le cannabis, le 17 octobre 2018. La nouvelle loi modifie la Loi de 2017 sur le cannabis (intitulée maintenant Loi de 2017 sur le contrôle du cannabis), la Loi de 2017 sur la Société ontarienne de vente du cannabis, la Loi sur les alcools et la Loi de 2017 favorisant un Ontario sans fumée et apporte une modification corrélative au Code de la route. La loi édicte aussi la Loi de 2018 sur les licences liées au cannabis.[2] Les points saillants de la nouvelle loi comprennent notamment :

  • Changements concernant la Société ontarienne de vente du cannabis (SOVC) : La Société ontarienne de vente du cannabis jouira du droit exclusif de vendre en ligne du cannabis en Ontario, mais il lui sera expressément interdit d’exploiter directement ou indirectement des magasins de vente au détail. Cette exploitation sera assurée à la place par le secteur privé. La Société bénéficiera également du droit exclusif de vendre du cannabis en Ontario à un magasin de vente au détail à des fins de revente [3].
  • Régime de délivrance de licences : La Loi de 2018 sur les licences liées au cannabis énonce le régime de délivrance de licences et d’autorisations pour les magasins de vente au détail de cannabis indépendants et ce régime sera administré par la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario (CAJO), l’organisme de réglementation du marché du cannabis consommé par les adultes.
  • Licences et autorisations : Pour exploiter un magasin de vente au détail de cannabis, un particulier doit demander et obtenir une licence d’exploitation pour vente au détail et une autorisation de magasin de vente au détail.[4] L’autorisation de magasin de vente au détail ne peut être octroyée qu’à un titulaire ou à un demandeur de licence d’exploitation pour vente au détail et autorise son titulaire à exploiter un magasin de vente au détail de cannabis particulier.[5] Une autorisation distincte est requise à l’égard de chaque magasin et permet à son détenteur de vendre uniquement du cannabis acheté directement auprès de la Société et tout autre article visé.[6] Le gouvernement fédéral entend autoriser la vente légale de produits comestibles contenant du cannabis et des concentrés de cannabis au maximum 12 mois suivant l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis (Canada). Dans l’intervalle, les particuliers ont le droit de préparer des produits comestibles pour leur consommation personnelle.[7]
  • Activités illégales de vente au détail : La Loi de 2018 sur les licences liées au cannabis permet aussi à une personne qui a été déclarée coupable ou accusée d’une infraction prescrite à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (Canada) relativement au cannabis d’être admissible à une licence d’exploitation pour vente au détail.[8] Cependant, comme le souligne le ministre des Finances Vic Fedeli, « si une personne continue de se livrer à des activités illégales de vente au détail après le 17 octobre, elle ne pourra pas obtenir de licence en Ontario[9] ».
  • Aucun plafond : Le projet de loi n’établit pas de limite quant au nombre de licences d’exploitation pour vente au détail délivrées en Ontario. Toutefois, il offre au gouvernement la souplesse nécessaire pour remédier aux problèmes de concentration de magasins sur chacun des marchés et limiter le nombre de magasins que peut posséder un détaillant. Selon la procureure générale de l’Ontario Caroline Mulroney, l’objectif est de s’assurer que le marché n’est pas dominé par un ou deux acteurs.[10]
  • Vente par des producteurs autorisés par le gouvernement fédéral : Les producteurs autorisés par le gouvernement fédéral auront le droit d’ouvrir des magasins de vente au détail, mais ils seront limités à un seul magasin, qui devra se situer à un établissement de production.[11]
  • Consommation dans un lieu public : La Loi de 2017 favorisant un Ontario sans fumée et la Loi de 2017 sur le contrôle du cannabis sont modifiées afin de permettre aux particuliers de l’Ontario de fumer ou de vapoter du cannabis aux endroits où il est permis de fumer ou de vapoter du tabac, y compris dans les lieux publics.[12] Il s’agit d’un changement radical par rapport à la position précédente de la Loi de 2017 sur le contrôle du cannabis qui interdit, à l’heure actuelle, la consommation du cannabis dans les lieux publics.[13] Il n’en demeure pas moins interdit de fumer ou de vapoter du cannabis dans les lieux publics fermés, les lieux de travail, les véhicules et les bateaux.[14] Si certaines exigences réglementaires sont respectées, des exemptions permettront également de fumer ou de vapoter du cannabis dans certains établissements, notamment les foyers de soins de longue durée, les maisons de retraite, les résidences comprenant des logements avec services de soutien, les établissements psychiatriques, les établissements pour anciens combattants, les hôtels, les motels et les auberges.[15]
  • Contrôle des municipalités : Les municipalités peuvent, par voie d’une résolution adoptée au plus tard le 22 janvier 2019, interdire la vente au détail sur leur territoire.[16] Les municipalités pourront lever cette interdiction par la suite, mais elles ne pourront pas adopter une interdiction lorsque des magasins de vente au détail de cannabis auront été déjà autorisés sur leur territoire.[17] Si une municipalité choisit de participer et d’autoriser la vente au détail sur son territoire, la CAJO aura le pouvoir de déterminer le nombre et l’emplacement de tels magasins. Même si la municipalité et ses résidents pourront présenter des observations écrites dans les 15 jours suivant un avis d’autorisation de magasin de vente au détail, la CAJO se réserve le droit de prendre la décision finale.[18] La loi interdit en outre aux municipalités d’adopter des règlements visant à distinguer une utilisation du sol pour la vente au détail de cannabis ou d’adopter leur propre régime de licences.[19]
  • Réserves : Une autorisation de magasin de vente au détail dans une réserve ne sera délivrée qu’après avoir obtenu l’accord du conseil de la bande relativement à l’emplacement du magasin proposé dans la réserve.[20] Un conseil de la bande peut demander au registrateur de la CAJO de ne pas délivrer d’autorisation de magasin de vente au détail de cannabis dans la réserve. Le registrateur est tenu de respecter une telle demande ainsi que toute demande future visant à modifier ou à annuler une demande initiale.[21]
  • Normes et exigences : La CAJO peut fixer des normes et des exigences sur la conduite des titulaires de licences ou d’autorisations, qui porteront notamment sur : 1) les lieux, l’équipement, la surveillance et la sécurité du magasin; 2) la prévention d’activités illégales, y compris l’interdiction de certains particuliers d’entrer dans les magasins de vente au détail de cannabis; 3) la publicité et les activités promotionnelles; 4) la formation ayant trait au cannabis; 5) la protection des actifs, y compris l’argent et les équivalents; 6) la tenue de documents, y compris de registres financiers; 7) les mesures raisonnables visant à maintenir la confidentialité et la sécurité des documents, y compris les mesures visant à éliminer les documents de manière sécuritaire et à empêcher l’accès non autorisé à ceux-ci; 8) la conformité au système national de suivi du cannabis et 9) les autres questions prescrites portant sur la conduite des titulaires de licences et d’autorisations ou sur l’exploitation des magasins de vente au détail de cannabis.[22]
  • Incitation ou promotion : La loi interdit toute forme d’incitation ou de promotion de la part d’un titulaire de licence ou d’autorisation dans le but d’augmenter les ventes d’un type donné de cannabis.[23]
 


[1] Ministère des Finances, « L’Ontario présente son modèle de vente de cannabis au détail » (13 août 2018), disponible sur le site du gouvernement de l’Ontario; Projet de loi 36, Loi de 2018 modifiant des lois en ce qui concerne le cannabis.

[2] Supra, note 2.

[3] Ministère du Procureur général, « Loi de 2018 modifiant des lois en ce qui concerne le cannabis » (27 septembre 2018), disponible sur le site du gouvernement de l’Ontario.

[4] Supra, note 4.

[5] Loi de 2018 sur les licences liées au cannabis au par. 4(1).

[6] Supra, note 6 au par. 4(5) et à l’art. 18.

[7] Gouvernement du Canada, « Dépôt du projet de loi sur le cannabis : questions et réponses » (le 13 mars 2018), disponible sur le site du gouvernement du Canada.

[8] Supra, note 6 au par. 3(6).

[9] Shawn Jeffords et Paola Loriggio, « Ontario government says recreational cannabis can be smoked wherever tobacco smoking allowed » (26 septembre 2018), La Presse Canadienne, disponible sur le site de Global News (en anglais seulement).

[10] Supra, note 4; Rob Ferguson, « Ontario won’t set limit on number of private marijuana stores » (26 septembre 2018), The Toronto Star, disponible sur le site du Star (en anglais seulement); Justin Giovannetti, Christina Pellegrini et Marina Strauss, « Ontario proposes capping number of stores for cannabis growers, open market for recreational sales » (26 septembre 2018) The Globe and Mail, disponible sur le site du Globe and Mail (en anglais seulement).

[11] Supra, note 6 au par. 4(4).

[12] Supra, note 2 au paragraphe 11 de l’annexe 1.

[13] La Loi de 2017 sur le contrôle du cannabis, L.O. 2017, chap. 26, paragraphe 11(1)(a).

[14] Supra, note 4.

[15] Supra, note 2 à l’article 5 de l’annexe 2.

[16] Supra, note 6 au paragraphe 41(1).

[17] Supra, note 6 aux paragraphes 41(3) et (4).

[18] Supra, note 6 aux paragraphes 4(7), 4(9), 4(11) et 4(14).

[19] Supra, note 6 à l’article 42.

[20] Supra, note 6 au paragraphe 4(6)(6).

[21] Supra, note 6 à l’article 43.

[22] Supra, note 6 à l’article 26.

[23] Supra, note 6 à l’article 36.