Auteurs(trice)
Associé, Concurrence, commerce international et investissement étranger, Toronto
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Sociétaire, Concurrence, commerce et investissement étranger, Toronto
Sociétaire, Droit de la concurrence et investissement étranger, Toronto
Sociétaire, Concurrence, commerce international et investissement étranger, Toronto
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Stagiaire en droit, Toronto
Le 28 mai 2025, le Tribunal de commerce international des États-Unis (CIT) a annulé tous les tarifs douaniers imposés par le président Trump en vertu de la loi intitulée International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). La décision du CIT couvre les tarifs douaniers pour la soi-disant « lutte contre le fentanyl » imposés le 4 mars au Canada (10 % sur l’énergie et la potasse, 25 % sur tous les autres produits) ainsi qu’au Mexique et à la Chine, desquels les marchandises conformes à l’ACEUM ont été exclues par la suite. Elle couvre également les tarifs douaniers mondiaux dits « réciproques » annoncés le 2 avril, qui s’appliquent actuellement à un taux de 10 % à tous les pays autres que le Canada et le Mexique.
Le 29 mai, la Court of Appeals for the Federal Circuit (la cour d’appel pour le circuit fédéral, ou CAFC) a suspendu temporairement la décision du CIT compte tenu de l’appel imminent du gouvernement américain. Par conséquent, les tarifs imposés en vertu de l’IEEPA continuent de s’appliquer pour le moment.
Il est important de noter que la décision du CIT n’a aucun effet sur les tarifs douaniers imposés en vertu d’autres instruments, notamment les tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium et les tarifs douaniers sur l’automobile qui ont été imposés en vertu de l’article 232 de la loi intitulée Trade Expansion Act of 1962 (article 232). Ces tarifs douaniers continuent de s’appliquer, tout comme les tarifs douaniers de représailles imposés par le Canada sur les marchandises américaines. Dans le présent bulletin, nous expliquons les conséquences de la décision du CIT pour le commerce entre le Canada et les États-Unis et ce à quoi les entreprises doivent s’attendre.
Il convient de noter que le 29 mai, un deuxième tribunal fédéral américain – la District Court of the District of Columbia (la cour de district du District de Columbia, ou la DCDC) – a également jugé que les tarifs dits « réciproques » étaient illégaux. Toutefois, la décision de la DCDC a une portée beaucoup plus limitée, puisqu’elle n’accorde une injonction qu’aux plaignants nommés dans l’affaire. La décision de la DCDC a été suspendue temporairement pour deux semaines afin de donner au gouvernement la possibilité de demander un sursis dans l’attente de l’appel. Étant donné la portée limitée de la décision de la DCDC, nous nous concentrons sur l’analyse de la décision du CIT dans le présent bulletin.
La décision du CIT
Le CIT fait reposer sa décision sur le raisonnement suivant : « [traduction libre] [D]u fait que la Constitution confère expressément au Congrès le pouvoir d’imposer des tarifs douaniers […], on ne saurait interpréter l’IEEPA d’une manière qui délèguerait au président un pouvoir illimité à ce chapitre. Au contraire, selon notre interprétation des dispositions de l’IEEPA, cette loi impose des limites importantes au pouvoir qu’elle lui confère à ce chapitre. »
En particulier, le pouvoir de « réglementer […] l’importation » (regulate…importation) délégué par l’IEEPA ne donne pas au président un pouvoir « illimité » (unbounded) d’imposer des tarifs douaniers, et ce pouvoir « [traduction libre] ne peut être exercé que pour « faire face à une menace inhabituelle et extraordinaire à l’égard de laquelle une urgence nationale a été déclarée […] et ne peut être exercé à d’autres fins » ».
Le tribunal a estimé que les tarifs douaniers pour la « lutte contre le fentanyl » étaient incompatibles avec les pouvoirs délégués par l’IEEPA parce qu’ils ne « traitent » pas (deal with) de la menace pour la sécurité nationale qui a été alléguée, tandis que les tarifs douaniers mondiaux étaient « illimités » (unbounded) et ne comportaient pas de « limites identifiables » (identifiable limits).
Bien que le CIT ait donné à l’administration Trump 10 jours pour se conformer à sa décision, la suspension décidée [PDF] par la CAFC signifie que la décision du CIT ne sera pas appliquée pour le moment.
Conséquences pour le commerce entre le Canada et les États-Unis
Compte tenu de la suspension temporaire, les tarifs douaniers continuent de s’appliquer pour le moment. Le gouvernement américain a déjà fait appel de la décision du CIT, et la CAFC étudie la possibilité de suspendre la décision en attendant la conclusion de l’appel. Dans l’intervalle, nous ne nous attendons pas à ce que le Canada modifie ses tarifs douaniers de représailles par suite de la décision du CIT.
Le tableau qui suit présente le statut de la décision du CIT et son effet sur les différents tarifs douaniers précédemment imposés par les États-Unis à l’encontre du Canada.
Tarifs douaniers américains sur les importations canadiennes aux États-Unis | |||
Mesure | Date d’entrée en vigueur | Exemptions | Statut |
Tarifs douaniers de 25 % sur les produits du Canada et de 10 % sur les ressources énergétiques et les minéraux critiques (tarifs douaniers pour la soi-disant « lutte contre le fentanyl ») | 4 mars 2025 | Marchandises conformes à l’ACEUM en provenance du Canada | Annulés par la décision du CIT, sous réserve de sa suspension. Les tarifs douaniers continuent de s’appliquer jusqu’à nouvel ordre. |
Tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et l’aluminium en provenance du Canada | 13 mars 2025 | L’acier fondu et coulé, ou l’aluminium fondu et coulé, aux États-Unis | Non touchés par la décision du CIT |
Tarifs douaniers sur les automobiles en provenance du Canada | 9 avril 2025 | En ce qui concerne les véhicules conformes à l’ACEUM, seul le contenu non américain est visé. | Non touchés par la décision du CIT |
Tarifs douaniers réciproques de 10 % ou plus (Note : Le Canada n’est pas visé par les tarifs douaniers réciproques, mais, si les tarifs douaniers pour la lutte contre le fentanyl sont levés, le Canada sera soumis à des tarifs douaniers réciproques de 12 %.) | 5 avril 2025 | Le Canada n’est pas soumis | Annulés par la décision du CIT, sous réserve de sa suspension. Les tarifs continuent de s’appliquer jusqu’à nouvel ordre. |
Le tableau qui suit présente les mesures de représailles imposées par le Canada à l’encontre des États-Unis, qui continuent toutes de s’appliquer.
Tarifs douaniers canadiens sur les importations américaines au Canada | ||
Mesure | Date d’entrée en vigueur | Exemptions et remises |
Tarifs douaniers de représailles de 25 % de la phase 1 | 4 mars 2025 | Sous réserve d’un décret de remise de six mois pour certaines marchandises importées au Canada avant le 16 octobre 2025. Le décret de remise s’applique aux catégories de marchandises suivantes :
|
Tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et l’aluminium | 13 mars 2025 | |
Tarifs douaniers de 25 % sur les véhicules non conformes à l’ACEUM et sur le contenu non canadien et non mexicain des véhicules conformes à l’ACEUM | 9 avril 2025 | Décret de remise (véhicules automobiles) : Remise offerte à certaines entreprises dont le nom figure dans une annexe du décret qui n’a pas été publiée |
À quoi doit-on s’attendre?
Même si elle a du poids, la décision du CIT ne marque certainement pas la fin de la saga des tarifs douaniers imposés par Trump. Le gouvernement américain a déjà déposé des avis d’appel de la décision du CIT auprès de la CAFC. La décision de ce tribunal pourrait ensuite faire l’objet d’un appel devant la Cour suprême. Les tarifs douaniers imposés en vertu de l’IEEPA pourraient continuer de s’appliquer pendant que ces appels suivent leur cours.
Étant donné le rôle central que les tarifs douaniers ont joué dans la stratégie du président Trump en matière de commerce international et de politique, quelle que soit l’issue des appels relatifs aux tarifs douaniers imposés en vertu de l’IEEPA, l’administration Trump continuera probablement à utiliser des instruments juridiques pour prélever d’autres tarifs douaniers auprès des pays et des secteurs qui se trouvent dans sa ligne de mire.
Il s’agit notamment des enquêtes sur les pratiques commerciales déloyales au titre de l’article 232 et de l’article 301 (de la loi intitulée Trade Act of 1974). L’administration actuelle et les administrations précédentes ont largement eu recours à ces articles pour imposer des tarifs douaniers, et l’utilisation de l’article 232 en particulier a résisté à plusieurs contestations judiciaires de l’autorité légale du président pour déterminer la portée d’une urgence nationale et la réponse à y apporter. Tout récemment, le 30 mai, le président Trump a annoncé qu’il ferait passer de 25 % à 50 % les tarifs douaniers existants sur l’acier et l’aluminium au titre de l’article 232. Bien que la Maison-Blanche n’ait pas encore publié de décret mettant en œuvre cette augmentation, cette annonce donne du crédit à l’administration Trump qui continue d’imposer de nouveaux tarifs et de manipuler les tarifs existants en utilisant les divers autres outils à sa disposition.
L’administration Trump a également lancé bon nombre de nouvelles enquêtes au titre de l’article 232 qui conduiront probablement à l’imposition de tarifs douaniers supplémentaires dans les semaines et les mois à venir. Il s’agit notamment des enquêtes suivantes :
Enquêtes en cours au titre de l’article 232 | |
Marchandises visées | Date de début de l’enquête |
Cuivre | 10 mars 2025 |
Bois de construction et bois d’œuvre | 10 mars 2025 |
Semi-conducteurs et matériel de fabrication de semi-conducteurs | 1er avril 2025 |
Produits et ingrédients pharmaceutiques | 1er avril 2025 |
Camions moyens et lourds | 1er avril 2025 |
Minéraux critiques transformés et produits dérivés | 22 avril 2025 |
Avions commerciaux et moteurs à réaction | 1er mai 2025 |
Les enquêtes menées au titre de l’article 232 doivent être conclues dans les 270 jours suivant leur ouverture. Toutefois, il est probable que les enquêtes en cours débouchent sur de nouveaux tarifs douaniers bien avant, étant donné l’importance accordée par l’administration Trump aux tarifs douaniers dans sa politique commerciale et sa stratégie de négociation.
L’administration Trump pourrait également invoquer d’autres mesures relativement peu utilisées pour imposer de nouveaux tarifs douaniers, notamment l’article 122 de la loi intitulée Trade Act of 1974, qui permet d’imposer des tarifs douaniers de 15 % pendant 150 jours (ou plus longtemps si le Congrès en décide ainsi), ou l’article 338 de la loi intitulée Tariff Act of 1930, qui permet d’imposer des tarifs douaniers allant jusqu’à 50 %.