Un organisme fédéral sollicite des commentaires sur la modification de la réglementation des pesticides au Canada

21 Avr 2022 16 MIN DE LECTURE

Le 21 mars 2022, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (l’ARLA) de Santé Canada a annoncé un examen ciblé de la Loi sur les produits antiparasitaires, présenté en détail dans le « document de travail DIS2022-01, Renforcer davantage la protection de la santé humaine et de l’environnement : examen ciblé de la Loi sur les produits antiparasitaires » (le document de travail). L’ARLA sollicite actuellement des commentaires des parties prenantes, « puis en tiendra compte lors de l’élaboration de recommandations au gouvernement concernant de possibles modifications législatives ».

Le présent bulletin d’actualités Osler aborde le processus d’examen ciblé, met en lumière les points saillants du document de travail et se penche sur les répercussions pour les parties prenantes.

Contexte

L’ARLA est l’autorité réglementaire fédérale du Canada responsable de la réglementation des pesticides (produits antiparasitaires); ses pouvoirs lui sont conférés par la Loi sur les produits antiparasitaires (la Loi) et sa réglementation, notamment le Règlement sur les produits antiparasitaires.

Tous les pesticides fabriqués, importés, distribués ou utilisés au Canada doivent être homologués auprès de l’ARLA, à moins d’autorisation contraire accordée par la Loi. Actuellement, la Loi exige que tous les pesticides soient réévalués aux 15 ans, et elle confère au ministre de la Santé le pouvoir de retirer un pesticide du marché canadien si les risques qu’il présente ne sont pas acceptables. La Loi comporte des dispositions visant à assurer la transparence du régime de réglementation des pesticides et exige une consultation en matière d’homologation des principaux pesticides et de décisions relatives aux réévaluations (ainsi qu’aux politiques, lignes directrices et codes de pratique liés à la réglementation des pesticides).

Entre 2018 et 2020, l’ARLA a tenu des consultations visant à obtenir de la rétroaction sur la Loi et sur l’ARLA. S’appuyant sur ce processus de consultation, l’ARLA amorce maintenant un « programme de transformation » axé sur « 4 quatre piliers d’action » :

  • une transparence améliorée
  • une utilisation accrue des données recueillies en situation réelle et des conseils indépendants
  • le renforcement de la protection de la santé humaine et de l’environnement grâce à des processus opérationnels modernisés pour les pesticides
  • l’examen ciblé de la Loi

En vue d’orienter l’examen ciblé de l’ARLA, le document de travail établit un cadre permettant aux intervenants de fournir de la rétroaction à l’ARLA sur les changements potentiels en matière de lois et de politiques.

Document de travail : l’examen ciblé de la Loi par l’ARLA

Le document de travail est structuré en fonction de trois objectifs :

  1. renforcer davantage la protection de la santé humaine et environnementale par la modernisation des processus opérationnels relatifs aux examens de pesticides;
  2. améliorer la transparence et l’accessibilité des renseignements pour les intervenants afin de favoriser une participation significative à la prise de décision;
  3. accroître l’utilisation de données du monde réel et d’avis indépendants dans le processus décisionnel pour mieux éclairer les décisions visant à protéger la santé humaine et l’environnement.

Pour chacun de ces objectifs, le document de travail fournit i) un aperçu des exigences actuelles de la Loi par rapport à l’objectif; ii) les modifications proposées à la Loi et aux politiques; iii) des questions précises sollicitant la rétroaction des intervenants par rapport à l’objectif.

La protection de la santé humaine et de l’environnement

Les exigences actuelles de la Loi

L’une des principales composantes du régime réglementaire établi par la Loi est l’examen de données scientifiques et la détermination du fait que l’utilisation d’un produit antiparasitaire est appropriée, ou non, au Canada. Par exemple :

  • Au cours d’une évaluation postérieure à la mise en marché d’un pesticide, qui doit avoir lieu au plus tard dans les 15 années qui suivent la plus récente décision importante à l’égard de ce pesticide (c.-à-d. l’homologation, la modification ou la réévaluation), l’ARLA réévalue la conformité du pesticide aux normes en matière de sécurité sanitaire et environnementale, en tenant compte de toute nouvelle approche sur le plan de l’évaluation des risques et des exigences relatives aux données élaborées depuis le dernier examen.
  • Un examen spécial d’un pesticide doit avoir lieu lorsque de nouvelles informations fournissent des motifs raisonnables de croire que les risques sanitaires ou environnementaux présentés par le pesticide sont inacceptables.
  • En vertu de la Loi, le ministre a le pouvoir de fixer une limite maximale de résidus (LMR) à l’égard d’un pesticide, ses composants ou ses dérivés, ce qui permet d’orienter le processus d’homologation du pesticide.

L’ARLA considère que l’approche actuelle postérieure à la mise en marché comporte certaines limitations, notamment :

  • la réévaluation postérieure à la mise en marché tous les 15 ans rend difficiles les interventions à l’égard des pesticides préoccupants, par rapport au risque qu’ils posent;
  • les pratiques courantes « contribuent à accroître la charge de travail » de l’ARLA, ce qui retarde les décisions réglementaires et suscite les préoccupations des intervenants en ce qui concerne la prévisibilité de ces décisions. 

Propositions de modifications de la Loi et des politiques

Compte tenu de ces limitations perçues, l’ARLA envisage de ne plus être liée par un cycle de réévaluation de 15 ans, et d’adopter plutôt une « approche de surveillance continue ». À cette fin, l’ARLA propose d’examiner les dispositions de la Loi qui déclenchent l’examen des pesticides tous les 15 ans, et recommande des modifications qui rendront la Loi propice à la nouvelle approche. 

L’« approche de surveillance continue » permettrait à l’ARLA d’évaluer les informations et d’y réagir, ainsi que de gérer les risques dès leur apparition. Même si le document de travail ne fournit que quelques détails sur cette nouvelle approche, l’ARLA a précisé que la transition vers un modèle de surveillance continue exigera la création de nouvelles politiques de l’ARLA ou l’apport de modification aux politiques en place. L’ARLA s’attend à ce que ces changements mènent à des réévaluations moins complexes et plus rapides, à la simplification de la prise de décisions, et à un accès amélioré et dans de meilleurs délais à de l’information transparente liée à l’évaluation continue des risques. 

Par ailleurs, l’ARLA propose ce qui suit :

  • une gestion axée sur le risque, pour appliquer une proportionnalité entre l’effort de réglementation consacré à un pesticide donné et les risques qu’il présente. En pratique, l’ARLA consacrerait moins d’efforts aux pesticides dont les risques sont bien compris et bien gérés, pour diriger davantage de ressources vers les pesticides qui nécessitent une surveillance, une évaluation et des mesures réglementaires accrues afin de gérer les risques qu’ils posent;
  • des méthodes modernes de gestion des processus, en tirant parti des progrès technologiques en matière de gestion et d’analyse de l’information numérique, pour être plus efficace, efficiente et proactive. Le document de travail ne fournit pas de détails sur les approches à adopter, mais on s’attend à ce que les changements soient pris en compte dans la politique de l’ARLA.

De plus, l’ARLA prévoit proposer des modifications à la Loi qui

  • élargiraient la capacité du ministre de la Santé à apporter des changements à l’étiquette de produits sans demande, dans certaines circonstances;
  • faciliteraient la délivrance d’autorisations fondées sur le risque et l’exercice d’une surveillance postérieure à la mise en marché appropriée pour les produits présentant des risques réduits ou qui ont été bien caractérisés.

Questions sollicitant la rétroaction des intervenants

En vue d’orienter les éventuelles modifications à la Loi et les changements aux politiques, l’ARLA a posé les questions qui suivent :

  • Quels sont les obstacles, le cas échéant, à la mise en œuvre d’une surveillance continue dans la Loi?
  • Y a-t-il des changements que vous aimeriez voir dans la façon dont les limites maximales de résidus sont fixées?

Transparence et accès à l’information des intervenants

Les exigences actuelles de la Loi

La Loi impose la transparence et l’accessibilité; elle exige que les renseignements et les décisions soient consignés dans un registre et un registre public sous forme électronique. Le registre électronique comprend les renseignements sur les demandes, les homologations, les réévaluations et les examens spéciaux, les renseignements non confidentiels afférents, les évaluations de Santé Canada, les avis, les énoncés de consultation et de décision, ainsi que les renseignements sur le processus réglementaire.

Les membres du public peuvent consulter tout renseignement du registre qui ne constitue pas une donnée d’essai confidentielle (à moins que cette donnée n’ait fait l’objet d’une divulgation publique) ou de renseignements commerciaux confidentiels. Les données d’essai confidentielles sont tous les renseignements scientifiques ou techniques sur les risques ou les valeurs d’un pesticide, et les renseignements commerciaux confidentiels sont les renseignements liés aux processus de fabrication ou de contrôle de la qualité, ou encore aux méthodes de détermination de la composition des produits ainsi qu’à l’information financière ou commerciale. 

Le public peut consulter les données d’essai confidentielles, mais non en obtenir copie, dans une salle de lecture à Ottawa. La Loi autorise également la divulgation d’information à certaines personnes (notamment, des organisations internationales, des gouvernements provinciaux et étrangers, des professionnels de la santé ainsi que des organismes et des ministères fédéraux et provinciaux) en vue d’obtenir des conseils, de protéger la santé humaine et l’environnement, de poser un diagnostic médical ou de dispenser un traitement médical.

De plus, la Loi exige que le public soit mis au courant de certaines décisions. Lorsqu’il faut prendre des décisions nécessitant une consultation du public, la Loi exige qu’un sommaire soit fourni aux intervenants. Ce sommaire doit comporter un rapport d’évaluation et peut même inclure des données d’essai confidentielles si le ministre les juge d’intérêt public. Le ministre doit tenir compte de tous les commentaires lorsqu’il prend des décisions importantes en matière d’homologation et expliquer les raisons qui justifient ces décisions.

Propositions de modifications de la Loi et des politiques

En vue d’atteindre ses objectifs d’améliorer la transparence et l’accessibilité, l’ARLA envisage ce qui suit :

  • transmettre de l’information et des données pertinentes, utilisables et en temps opportun, en les rendant plus accessibles;
  • faciliter la participation significative des membres du public et d’autres intervenants au processus réglementaire ainsi que la prise de décisions éclairées;
  • aider les Canadiens et les intervenants à comprendre les processus réglementaires et de prise de décision en cernant l’information qui est utile et pertinente.

Parmi les mesures précises envisagées pour atteindre ces objectifs, on compte :

  • présenter de l’information dans les documents de consultation et de décisions concernant les pesticides en langage clair, concis et facile à comprendre;
  • instaurer un système plus convivial selon lequel les données et l’information sur les pesticides pourront être consultées sans compromettre les données confidentielles et commerciales de nature délicate;
  • passer en revue le processus et le calendrier de diffusion de l’information aux intervenants. Par exemple, à l’heure actuelle, les titulaires peuvent présenter des observations au ministre avant qu’une décision ne soit prise, alors que les autres intervenants sont consultés au stade de la prise de décision.

Questions sollicitant la rétroaction des intervenants

L’ARLA sollicite les commentaires des intervenants sur les données qui les intéressent, leurs priorités et les façons d’améliorer l’accès aux données de l’ARLA. Voici les questions précises qui sont posées :

  • Pensez-vous que le fait de rédiger les sommaires des demandes d’homologation, les décisions concernant les pesticides et les évaluations scientifiques liées aux risques en langage clair va améliorer la transparence?
  • Quels renseignements auriez-vous le plus besoin que l’ARLA rende accessibles et pourquoi? Quelle serait la meilleure façon de les rendre accessibles selon vous?
  • Quels obstacles dans la Loi sur les produits antiparasitaires s’opposent à l’accès accru aux renseignements, compte tenu de notre obligation de protéger les renseignements commerciaux confidentiels et de nos engagements à l’échelle internationale?
  • Comment l’ARLA pourrait-elle améliorer l’approche de consultation publique à l’égard de ses décisions réglementaires?

Données du monde réel et avis indépendants

Les exigences actuelles de la Loi

La Loi prévoit globalement la prise en compte et l’utilisation de données du monde réel et d’avis indépendants, en autorisant notamment l’ARLA à divulguer des renseignements confidentiels à certaines personnes ou à certains organismes afin d’obtenir leur avis, et en lui conférant le pouvoir d’obliger l’industrie à présenter des rapports d’incident comportant des données scientifiques et des rapports sur les ventes. Par ailleurs, l’ARLA est autorisée à obliger les titulaires et les demandeurs à fournir des renseignements permettant d’éclairer l’examen des pesticides et à inciter les intervenants à présenter des données supplémentaires lors de la tenue d’examens.

Cependant, l’ARLA précise qu’il manque de données étendues du monde réel sur les demandes relatives aux pesticides, ce qui donne lieu à la perception de problèmes en matière d’évaluation des pesticides. Plus particulièrement, l’ARLA a cerné le fait que l’amélioration des données en matière de surveillance des eaux, d’utilisation des pesticides et de pratiques relatives à la production agricole est nécessaire à la réalisation de son mandat réglementaire. En l’absence de données du monde réel, l’ARLA doit s’appuyer sur des hypothèses conservatrices pour déterminer les risques courus par la santé humaine et l’environnement, ce qui peut entraîner la prise de décisions plus prudentes qu’il n’est nécessaire. 

Propositions de modifications de la Loi et des politiques

En vue d’accroître l’utilisation de données du monde réel, l’ARLA

  • prévoit élaborer un programme national de surveillance des eaux à l’égard des pesticides. Ce programme comportera un cadre de surveillance des lacs, des rivières, des terres humides et des eaux souterraines du Canada, et viendra compléter un programme pilote de surveillance d’emplacements ciblés, devant débuter au printemps 2022. Le programme pilote permettra de générer des données de référence dans l’élaboration du programme national de surveillance des eaux;
  • poursuit l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme exhaustif de données sur l’utilisation des pesticides dans les secteurs agricole et non agricole. Ce programme, qui établirait une approche systématique du repérage et de la collecte de renseignements sur la production agricole et l’utilisation des pesticides, serait mis en œuvre grâce à des partenariats avec des entités fédérales et provinciales, des spécialistes des cultures, des groupes de producteurs et d’autres utilisateurs et intervenants;
  • tirera parti de ses relations avec Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) et d’autres partenaires afin d’accroître la disponibilité des informations scientifiques, dont les impacts sur la faune, pour structurer sa surveillance et sa prise de décisions concernant l’utilisation des pesticides;
  • met sur pied un comité consultatif scientifique qui donnera son avis sur les questions techniques posées au comité par l’ARLA. Comme il n’existe pas, actuellement, de système officiel permettant à l’ARLA d’obtenir des avis scientifiques externes, la création du comité consultatif scientifique placera l’ARLA sur le même pied que d’autres organisations réglementaires internationales en matière de pesticides, qui comptent des groupes d’experts, comme l’Environmental Protection Agency des États-Unis et l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

On prévoit que ces changements seront apportés au moyen de la modification des politiques et des pratiques d’affaires de l’ARLA, et non au moyen de modifications à la Loi.

Questions sollicitant la rétroaction des intervenants

Afin de donner une orientation à ses objectifs, l’ARLA a posé la question qui suit aux intervenants :

  • Y a-t-il des enjeux dont l’ARLA devrait tenir compte en ce qui concerne l’accès, l’échange et la divulgation de données détaillées sur la surveillance des eaux et l’utilisation des pesticides?

Conclusion

Avec son examen ciblé de la Loi, l’ARLA « ne planifie pas une refonte complète de son système de réglementation, mais cherche plutôt à apporter des améliorations ciblées ».

Cependant, tels que formulés dans le document de travail, les changements proposés à la Loi et aux politiques par l’ARLA pourraient avoir d’importantes répercussions pour les intervenants, y compris l’industrie. Si les changements sont mis en œuvre tels que proposés, les titulaires peuvent s’attendre à un allègement du fardeau dans la mise en marché de pesticides à faible risque, à une interaction améliorée avec l’autorité de réglementation et à une amélioration de la transparence et du dialogue avec l’organisme de réglementation. Par ailleurs, les titulaires en matière de pesticides à haut risque peuvent s’attendre à un accroissement du fardeau en matière de conformité et à une éventuelle surveillance réglementaire plus étroite.

Les intervenants intéressés ont jusqu’au 20 mai 2022, pour faire connaître leur point de vue et participer à l’élaboration de modifications ciblées à la Loi. Les commentaires peuvent être fournis par divers moyens, notamment par le Portail de participation du public de l’ARLA, par la poste ou par courriel. Les questions de consultation précises de l’ARLA (abordées plus haut) sont regroupées à l’Annexe 3 du document de travail, mais l’ARLA a déclaré qu’elle tiendrait compte de tous les commentaires des intervenants.

Veuillez communiquer avec Richard J. King et Jennifer Fairfax pour obtenir de l’aide ou des renseignements supplémentaires. Les avocats d’Osler agissent régulièrement pour le compte de clients dans des questions de réglementation des produits antiparasitaires, notamment en leur offrant des conseils en matière de conformité et en les aidant au cours du processus d’homologation.