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Le Canada signe une convention fiscale multilatérale

Le 7 juin 2017

Le Canada et 67 autres territoires de compétence ont signé la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’OCDE (appelée « instrument multilatéral ») le 7 juin 2017, lors d’une cérémonie de signature qui a eu lieu à Paris. Huit autres pays ont officiellement annoncé leur intention de signer la convention. Par conséquent, la liste des signataires de l’instrument multilatéral comprendra la plupart des partenaires commerciaux importants du Canada (notamment le Royaume-Uni, tous les membres de l’Union européenne et la Chine), mais non les États-Unis. On ne s’attendait pas à ce que les États-Unis signent la convention, étant donné que les représentants américains avaient déjà fait part de leurs préoccupations quant à l’instrument multilatéral. La liste exhaustive des signataires peut être consultée ici. L’OCDE s’attend à ce que la convention soit signée par une centaine de pays, d’ici la fin de l’année. 

L’instrument multilatéral vise à mettre en œuvre certaines mesures relatives aux conventions fiscales contenues dans le Projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) de l’OCDE et du G20, d’une manière opportune et prévisible. Pour plus de détails sur le BEPS, veuillez consulter le bulletin d’Actualités Osler intitulé : « Rapports finaux 2015 du Projet BEPS - Réforme de la fiscalité internationale ». L’instrument multilatéral n’est pas une convention fiscale autonome; il modifie plutôt les conventions fiscales bilatérales existantes dans les cas où chacune des parties à la convention bilatérale a ratifié l’instrument multilatéral et a notifié à l’OCDE que l’instrument multilatéral s’applique à la convention. Ces conventions fiscales bilatérales sont désignées « conventions fiscales couvertes ».

Le Canada a désigné 75 de ses 93 conventions fiscales comme « conventions fiscales couvertes », qui seront touchées par l’instrument multilatéral si le Canada et le partenaire pertinent à la convention fiscale couverte ratifient l’instrument multilatéral en conformité avec leurs lois nationales respectives. Vous pouvez consulter la liste des conventions fiscales couvertes du Canada ici. D’après le nombre de signatures apposées le 7 juin, l’instrument multilatéral pourrait toucher quelque 1 100 conventions fiscales bilatérales. Dans certains cas, le Canada pourrait continuer de chercher à modifier des conventions fiscales au moyen de négociations bilatérales, plutôt qu’en recourant à l’instrument multilatéral. Par exemple, les conventions fiscales du Canada avec l’Allemagne et la Suisse ne figurent pas dans la liste des conventions fiscales couvertes, même si le Canada a annoncé qu’il entamera des négociations bilatérales avec chacun de ces pays, plus tard, ce mois-ci.

L’instrument multilatéral exige que les signataires conviennent d’adopter certaines normes minimales élaborées dans le cadre du projet BEPS. Les normes minimales du BEPS couvertes par l’instrument multilatéral ont trait aux règles contre le chalandage fiscal, à la résolution de différends et aux procédures amiables. La façon de se conformer aux normes minimales bénéficie d’une certaine souplesse. Une certaine souplesse a également été incorporée à l’application potentielle de diverses autres mesures du BEPS contenues dans l’instrument multilatéral, mais qui ne sont pas des normes minimales. Cette souplesse prend la forme de la capacité à enregistrer une réserve sur une mesure particulière de l’instrument multilatéral. Vous pouvez consulter la liste des réserves provisoires du Canada ici.

Le Canada a enregistré des réserves provisoires sur l’ensemble des dispositions de l’instrument multilatéral autres que les normes minimales ayant trait à la prévention du chalandage fiscal et aux dispositions facultatives sur l’arbitrage exécutoire. Le Canada envisagera l’application possible des autres dispositions de l’instrument multilatéral d’ici le moment de la ratification (la liste finale des réserves devra être fournie à ce moment). À la suite de la ratification, aucune autre réserve ne pourra être enregistrée, mais les signataires pourront retirer ou rétrécir une réserve après la ratification.

La date d’entrée en vigueur de l’instrument multilatéral dépend du moment où auront lieu les procédures de ratification nationale. Cependant, un représentant du ministère des Finances du Canada a supposé, en se fondant sur l’hypothèse raisonnable relative au moment où auraient lieu les procédures de ratification nationale, que l’instrument multilatéral pourrait entrer en vigueur, en ce qui concerne les conventions fiscales couvertes du Canada, dès le 1er janvier 2019, dans le cas des taxes retenues à la source et, dans le cas de toutes les autres taxes, pour les périodes d’imposition commençant après le 1er juin 2019.

Pour plus de renseignements sur l’instrument multilatéral (notamment un examen des dispositions facultatives de l’instrument multilatéral pour lesquelles le Canada a enregistré des réserves provisoires) et un examen approfondi des procédures de mise en œuvre, veuillez consulter le bulletin d’Actualités Osler intitulé : « Importantes modifications aux conventions fiscales proposées dans la convention multilatérale ».

Vous trouverez ci-dessous un résumé de la position du Canada sur les normes minimales du BEPS, figurant dans l’instrument multilatéral.

Règles anti-chalandage fiscal

En vue de la mise en œuvre des normes minimales du BEPS, l’instrument multilatéral modifiera le préambule des conventions fiscales couvertes du Canada pour indiquer que les conventions fiscales visent à éliminer la double imposition, sans créer d’occasions de non-imposition (ou de réduction de l’imposition), au moyen de l’évasion fiscale ou de l’évitement fiscal. Ces modifications au préambule des conventions fiscales couvertes du Canada pourraient être pertinentes, par exemple, pour déterminer si la règle générale anti-évitement (RGAÉ) nationale du Canada s’applique dans des situations perçues comme étant du chalandage fiscal.

De plus, la norme minimale du BEPS pour prévenir le chalandage fiscal exige qu’un signataire de l’instrument multilatéral convienne de prévenir certains accords de chalandage fiscal abusifs par l’adoption : a) du critère de l’objet principal (règle « COP »); b) d’une règle de limitation des avantages détaillée; ou c) d’une combinaison d’une règle COP et d’une règle de limitation des avantages détaillée.

Le Canada a confirmé qu’il incorporera une règle du critère de l’objet principal dans ses conventions fiscales couvertes, à titre de mesure provisoire, avec l’intention, dans les cas où c’est possible, d’établir une règle de limitation des avantages détaillée (en plus de la règle COP ou en remplacement de celle-ci) dans le cadre de négociations bilatérales. Ainsi, une fois que l’instrument multilatéral sera en vigueur pour les conventions fiscales couvertes du Canada, un avantage prévu à une convention fiscale sera refusé si un accord ou une opération a pour objet d’obtenir directement ou indirectement l’avantage, sauf si l’attribution de cet avantage dans les circonstances est conforme à l’objet et au but des dispositions pertinentes de la convention fiscale couverte. Malheureusement, le libellé général de la règle COP et les conseils parcimonieux de l’OCDE en matière d’interprétation à ce jour ne feront que créer de l’incertitude quant au fait que les avantages découlant des conventions s’appliquent ou non, dans diverses situations. Voir, par exemple, le bulletin d’Actualités Osler intitulé : « Les fonds de capital-investissement et autres véhicules de placement collectif ouvrent-ils droit aux avantages des conventions fiscales ? »

La règle COP ne s’appliquera qu’aux conventions fiscales couvertes du Canada, et non aux autres conventions fiscales du Canada. Par exemple, la règle COP ne s’appliquera pas à la convention fiscale conclue par le Canada avec les États-Unis (même si cette convention comporte déjà une règle de limitation des avantages détaillée).

En vue d’appliquer la norme minimale du BEPS, un processus de surveillance et d’examen par les pairs sera mis en œuvre dès juin 2018. Le processus de surveillance permettra d’établir si la norme minimale a été incorporée dans les conventions bilatérales existantes, en exigeant que chacun des territoires de compétence participe à un examen annuel. Chacun des territoires de compétence analysera les effets de l’instrument multilatéral sur chacune de ses conventions fiscales applicables, ce qui instaurera un examen entre pairs de la conformité. Les résultats seront traités dans le cadre inclusif du BEPS et présentés à l’assemblée annuelle, à partir de janvier 2019.

Résolution de différends : les procédures amiables et l’arbitrage exécutoire

L’instrument multilatéral met en œuvre la norme minimale du BEPS dans le règlement de différends liés aux conventions fiscales. Plus précisément, les signataires doivent convenir de respecter pleinement les procédures amiables, ce qui exige que les autorités compétentes de chacun des territoires tentent de régler certains différends en temps opportun (c.-à-d. dans les trois années suivant la notification des autorités). Un contribuable sera admissible aux procédures amiables lorsqu’il considérera que les mesures prises par l’un ou l’autre des territoires de compétence donnent lieu à une imposition qui n’est pas conforme aux dispositions de la convention fiscale couverte. Même si l’instrument multilatéral modifie les procédures amiables dans les conventions fiscale couvertes du Canada, certaines dispositions existantes dans ces conventions demeureront en vigueur. Par exemple, bon nombre de conventions fiscales canadiennes continueront de prévoir une période plus courte que le délai de trois ans envisagé par l’instrument multilatéral. 

Le Canada et 24 autres territoires de compétence ont souscrit aux procédures d’arbitrage obligatoires aux termes de l’instrument multilatéral. Le modèle par défaut, aux termes de cette règle, est l’arbitrage de « l’offre finale » (c.-à-d. « l’arbitrage de baseball »), semblable à la règle figurant dans la convention Canada-États-Unis. Les dispositions relatives à l’arbitrage dans l’instrument multilatéral ont fortement subi l’influence du libellé de la convention Canada-États-Unis; elles sembleront donc très familières aux contribuables canadiens.

Selon le modèle de « l’offre finale », lorsque deux territoires de compétence ne pourront parvenir à une entente dans des délais précis, la question sera soumise à l’arbitrage exécutoire obligatoire. Une commission d’arbitrage choisira alors l’une des mesures de résolution proposées par les différentes autorités compétentes. La décision sera adoptée à la majorité simple de la commission, et aucun motif supplémentaire ne sera donné aux contribuables.

Dans les cas où les partenaires à une convention du Canada n’auront pas souscrit aux dispositions d’arbitrage prévues par l’instrument multilatéral, ces dispositions ne s’appliqueront pas à la convention fiscale couverte. Les dispositions relatives à l’arbitrage de l’instrument multilatéral comportent des réserves « à formule libre », c’est-à-dire qu’il est loisible aux pays concernés de définir l’étendue des questions qu’ils désirent soumettre à l’arbitrage. Par conséquent, les détails relatifs à l’arbitrage peuvent varier d’une convention fiscale couverte à une autre.

L’instrument multilatéral et le projet BEPS, dans une plus large mesure, pourraient avoir des effets négatifs sur le traitement fiscal d’opérations et d’accords transfrontaliers. Les contribuables canadiens devraient donc examiner soigneusement les conséquences potentielles que l’instrument multilatéral ou d’autres mesures du BEPS pourraient avoir pour eux. 

Pour plus de renseignements sur l’instrument multilatéral ou sur d’autres questions fiscales, veuillez communiquer avec un membre du groupe de droit fiscal d’Osler.